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l'autre par un point & unc virgule, placés avant ces mots: & les gens, &c. Les autres divifions font marquées par des virgules fimples, après les mots mal, misère, davantage, compaffion.

LE MILOR D.

Je ne me fouviens plus de ce qu'on appelle le

comma.

L'ABBÉ.

Ce n'eft autre chofe que les deux points placés l'un au-deffus de l'autre, comme nous venons à l'inftant de les employer.

LE MILOR D.

L'ufage de ces deux points se borne-t-il à rcmplacer le point d'admiration?

L'ABBÉ.

Non, Monfieur. Ils fervent à marquer un troisième genre de divifions, plus importantes encore que celles qui font indiquées par le poim & la virgule réunis ce dont on ne trouve plus guère d'exemples que dans les difcours gaulois, dont les périodes renfermoient beaucoup plus de divifions & de fubdivifions que les nôtres.

Mais une utilité plus réelle du comma, eft de féparer deux parties d'une période dont la feconde fert en quelque forte d'explication à la première. C'eft ce que vous voyez dans ces jolis vers de Madame Deshoulières :

Cette fière raifon, dont on fait tant de bruit,
Contre les paffions n'eft pas un sûr remede :
Un peu de vin la trouble, un enfant la féduit;
Et déchirer un cœur qui l'appelle à fon aide,
Eft tout l'effet qu'elle produit.

Les trois derniers vers forment une feconde période qui explique la première, & qui pour cette raifon, en eft féparée par le comma ou les deux points. On voit dans cette feconde période une divifion

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principale après le mot féduit, qui eft marquée par un point & une virgule; & d'autres divifions moins importantes, pour lesquelles on n'emploie que de fimples virgules.

Les deux points fe mettent encore avant les difcours qu'on rapporte, ou qu'on feint de rapporter mot pour mot; ce qui fe voit dans ces vers de Mr. de la Fontaine :

Les valets enrageoient, l'époux étoit à bout:

Monfieur ne fonge à rien, Monfieur dépense tout,
Monfieur court, Monfieur fe repose,

Les deux vers qui fuivent le premier, font fuppofés les propres termes de la femme dont cet auteur veut faire le portrait ; & pour cette raison, ils font précédés de deux points.

SOPHIE.

J'ai vu des perfonnes qui mettoient fouvent plufieurs points de fuite; celà paroiffoit répandre bien de la vivacité dans le difcours.

LE COMTE.

La ponctuation bien ménagée produit de trèsbons cffets; mais il faut que ce foit la penfée qui la détermine. En vain une déclamation fauffe & puérile fera écrite de la manière la plus propre à peindre le fentiment; le lecteur n'en fera pas moins glacé, lors même qu'il fera tous fes efforts pour la trouver admirable. Nos jolies brochures font pleines de ces interponctuations myftérieufes, qui ne parlent abfolument qu'aux yeux, & qu'un copiste fenfé omettroit fûrement, s'il écrivoit fous la dictée tous les difcours où elles fe trouvent.

LE MILOR D.

Il eft vrai qu'on fait quelquefois tout ce qu'on vcut des points & des virgules, Qu'une période foit trop longue, on met des points au lieu de virgules; & voilà le lecteur méthodifte obligé de s'ar

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rêter, & de reprendre haleine, malgré l'impatience
qu'il a de favoir ce que cette période doit lui ap-
prendre. Si au contraire le difcours eft compofé de
petites parties difparates & découfues, on devient
plus avare de points, & plufieurs périodes réunies
forment ce qu'on appelle modeftement une période
majeftueufe.
SOPHIE.

Il ne faut donc jamais mettre plufieurs points de fuite?

L'ABBÉ.

Pardonnez-moi, Mademoifelle: on en fait usage quand il s'agit de marquer une interruption ou une fufpenfion, comme dans ces vers de la Henriade:

Peut-être un jour viendra qu'une main plus barbare...
Jufte Ciel épargnez une vertu fi rare.

L'interponctuation fert encore à remplacer les lettres d'un nom ou d'un autre mot qu'on ne veut pas écrire, comme dans ces expreflions: le Marquis de... Vous étes un.... ne me forcez pas de parler.

SOPHIE..

J'ai fouvent entendu des perfonnes qui dictoient, dire alinéa; je ne crois pas que ce mot fit partic de leur difcours: c'eft apparemment le nom de quelque marque qu'il faut connoître pour bien orthographier.

L'ABBÉ.

C'eft une expreffion latine que nous avons adoptée, & qui fignifie en françois: à la ligne. Ceux qui dictent, difent alinéa ou à la ligne, pour avertir les écrivains de laiffer la ligne qu'ils ont commencée, & de paffer à une nouvelle ligne. parce qu'on va traiter un nouvel article qui mérite d'être diftingué.

Affez fouvent un alinéa renferme plufieurs pé

riodes; quelquefois il n'en contient qu'une, qui peut même être très-courte, ce qui a fur-tout lieu. dans les comptes des Negociants, & autres ouvrages dont les articles ne doivent point être confondus. Mais on ne revient jamais à la ligne que pour commencer une nouvelle periode; ainfi chaque alinéa eft abfolument fuivi d'un point fimple admiratif ou interrogant, felon la nature du difcours. LE MILOR D.

Comment appellez-vous ces doubles virgules renverfées, qu'on met avant & après les citations, cette forte ( » «) ?

L'ABBÉ.

en

Ce font des guillemets. Souvent on les emploic, non-feulement au commencement & à la fin des difcours qu'on veut rapporter mot pour mot, mais à chaque ligne de ces mêmes difcours.

Ces guillemets font quelquefois bien néceffaires dans l'écriture de main. Sans cette reffource, on feroit obligé de fouligner tous les difcours cités: on fait que ces traits ajoutés au- deffous de l'écriture, la déparent beaucoup, & font que les ignorants regardent ordinairement les citations manufcrites comme des mots qu'on a voulu biffer. Dans l'imprimé, les citations font fouvent écrites en caractères différents, ce qui fupplée avantageufement aux guillemets.

LE COMT E.

Les écrivains en ufent quelquefois ainfi, quand ils peuvent changer à leur gré le caractère de leur

écriture.

LA MARQUISE.

Je ne vois plus guère de parenthèses que dans les livres gaulois.

SOPHIE.

Qu'appellez-vous des parenthèses ?

L'ABBÉ.

Ce font des espèces de crochets dont l'usage eft de renfermer des expreffions qui ne font pas effentielles au difcours, & qui pourroient en être retranchées, fans que le refte offrît un fens moins complet. Par exemple, dans ces vers de M. de la Fontaine.

Le mal eft que toujours

(Et fans cela nos gains feroient assez honnêtes)
Le mal eft que dans l'an s'entremêlent des jours
Qu'il faut chommer: on nous ruine en fêtes...

On pourroit retrancher le fecond vers: Et fans celà, &c. & le fens du difcours n'en feroit pas moins parfait voilà pourquoi ce vers eft écrit entre deux parenthèfes.

Autrefois on faifoit grand ufage de ces expreffions interpofées, qu'on appelle phrafes incidentes on épifodiques elles nuifoient fouvent à la clarté du difcours; & rendoient quelquefois les périodes fi longues, qu'il falloit une force prodigieufe pour les prononcer fans reprendre fon haleine.

LE MILOR D.

Les périodes de vos anciens Orateurs font affommantes; mais il faut avouer que bien des François donnent préfentement dans le défaut contraire : leurs périodes font fi courtes que le difcours ne paroît avoir aucune liaison.

LE COMTE.

Ceux qui travaillent à la perfection des arts, tendent toujours à fimplifier les moyens. Ce feroit une chofe excellente, fi nous ne laiflions pas dépérir nos forces dans tous les genres, à mesure qu'elles nous paroiffent devenir moins néceffaires. Depuis l'invention & la perfection de diverfes machines, nos bras font devenus beaucoup moins nerveux; tous nos organes ont fubi la même altération. Les chefsd'œuvres d'optique femblent avoir multiplié les vues

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