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L'ABBÉ.

Les voyelles qui précèdent l'f double ne font pas généralement longues & fortes: ai eft bref dans aiffieu, le dans reffentir, & l'a dans embraffer, &c. Sans ofer encore admettre l'orthographe que Monfieur propofe, je puis vous promettre qu'elle fera bientôt en ufage. Plufieurs auteurs écrivent déjà vraisemblable, vraisemblablement & vraiffemblance; & l'ufage prefcrit l'f double dans reffaffer, reffaifir, & plufieurs autres qu'on s'accordoit il n'y a pas long-temps encore à écrire par I's fimple: refaffer, refaifir, &c.

LE MILOR D.

Je crois que dans tous les cas, on a fubftitué I's fimple au placé entre deux voyelles.

L'ABBÉ.

Oui, Monfieur on en excepte feulement les mots douze, treize, feize, & autres qui s'y rapportent, tels que douzième, douzaine, treizaine Jeizième, &c. que l'ufage ne permet pas d'écrire par f, doufe, treife, feife, &c. ce qui pourtant produiroit exactement le même effet pour la prononciation. Le eit probablement confervé dans ces mots pour marquer le rapport qu'ils ont avec les mots onze, quatorze, quinze & analogues qu'on ne pourroit écrire par S, parce que l' après une confonne a la force du c fifflé, & que fi on écrivoit par s, onfe, quatorse, quinfe, il faudroit prononcer once quatorce, quince, ce qui feroit contraire à l'ufage. Mais le fe conferve encore dans quelques mots en faveur defquels on ne peut pas alléguer les mêmes raisons, tels qu'azur, azimut, &c.

LE MILOR D.

Il me femble avoir entendu prononcer l'f comme un dans tranfaction, tranfition & quelques auz

tres mots écrits par / précédée d'une n: tranzac tion, tranzition, &c. Si l'n y eft prife pour confonne, il faudroit prononcer comme fi l'f étoit double: tranffaction, transition, &c. Si l'n n'eft regardée que comme partie d'une voyelle nafale, il eft jufte de donner à l' qui la fuit le fifflement doux du 7; mais il faudra le donner pareillement à If des mots penfer, confeil, infecte, & prononcer penzer, conzeil, inzeđe, &c.

LE COMTE.

La règle générale eft que l'f fimple fe prononce toujours fortement après les voyelles nafales; mais on fait une exception en faveur des compofés du mot latin trans, au travers, entre, au-delà, tels que tranfaction, acte paffé entre deux parties adverfes; tranfition, action de paffer d'un fujet à un autre; Tranfoxane, pays au-delà du fleuve Oxus dans l'Inde; Tranfiffelane, Province de Hollande au-delà de la rivière d'Iffel, &c. On ne comprend point dans cette exception les mots tranfe, tranfir, tranfiffement, qui n'ont probablement point d'analogie avec le mot latin trans; on n'y comprend pas non plus les compofés du même mot trans, dans lefquels If eft fuivie d'une confonne : If fe prononce fortement dans tranfporter, porter au-delà tranfplanter, tranfcrire, tranfmettre, planter, écrire, mettre ailleurs, &c. Mais cette feft fi cffentiellement douce avant une voyelle, qu'on eft obligé de la doubler dans tranffubftantiation, tranffubftantiateur, tranffubftantier, tranffuder, & peut-être quelques autres, dans lefquels elle fe prononce avec force.

LA MARQUISE.

Ces mots font-ils les feuls dans lefquels l' foit doublée après une confonne ?

LE COMTE.

Non, Madame : il y a encore quelques dérivés

des

des mots: venir & tenir, tels que ces mots que je vinffe, que nous tinffions, que vous prévingfiez, qu'ils entretiaffent, &c. dans lefquels l'f fe double pour une raifon que Monfieur ne manquera .pas de vous apprendre.

L'ABBÉ.

Dans l'énumération des mots où l' s'écarte de la règle générale, vous avez oublié Alface, Alfacien & balfamique, qu'on prononce Alzace, Alzacien & balzamique, quoique l'S y foit précédée d'une confonne.

SOPHIE.

Le e me paroît encore plus difficile à expliquer que l'S.

L'A BB É.

Vous vous trompez, Mademoifelle: il n'a comme le g, l'articulation fiffléc, que quand il précède un e ou un i; encore reprend-il fa prononciation gutturale, fi cette fucceflion fe fait de la fin d'un mot au commencement de l'autre; ce qu'on voit dans ces expreffions: à franc étrier, un troc inégal, qu'on prononce à fran kétrier, un tro kinégal, & non à fran fétrier, un tro finégal, &c.

SOPHIE.

Mais quand vous voulez que le c foit fifflé avant d'autres lettres que l'e & l'i, y ajoutez-vous auffi un e perdu comme au g?

L'ABBÉ.

Celà fe pratiquoit autrefois : on écrivoit nous placeons, faceade, j'effaceai, afin qu'on prononçât nous plafons, faffade, j'effaffai, & non nous plakons, fakade, j'effakai, &c. Mais préfentement on fupprime cet e perdu, & on y fupplée par une petite marque femblable à un c renverfé qui fe place audeffous du c, comme on le voit dans ces mêmes mots: nous plaçons, façade, j'effaçai, &c. Cette K

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marque eft ce qu'on appelle cédille, comme fi on difoit un petit c.

SOPHIE.

Cette marque eft bien plus commode que cet e perdu qu'on voudroit toujours prononcer. Je defirerois que l'ufage permît d'en mettre une femblable au g; du moins on n'entendroit plus parler d'e perdus. J'écrirai donc avec une cédille fous le c: façon, rinçure, menaçant, effaçment, j'effaçrai, & non avec un e perdu, faceon, rinceure, menaceant effacement, jeffacerai, &c.

L'A B B É.

Vous pouffez cette application trop loin, Mademoifelle. La cedille ne peut fuppléer à l'e que quand le précède une des voyelles a, o, u, parce qu'alors l'e feroit réellement perdu. Il n'en eft pas de même quand le c eft fuivi d'une confonne l'e y forme une fyllabe de plus, ainfi il ne peut être fupprimé fans nuire à la prononciation. On dit, par exemple en quatre temps, ef-fa-cement, j'ef-fa-ce-rai, & non en trois temps, felon votre orthographe, ef-fa-fment, j'ef-fa-frai, &c. SOPHIE.

Et quand on veut que le c ne fe fiffle point avant l'e ou l'i, y ajoute-t-on comme au g, un u perdu?

L'ABBÉ.

Non, Mademoiselle. Nous avons déjà vu que dans ce cas on fubftitue le q au c. Ainfi au lieu d'écrire par un c, joncille, boucet, on écrit jonquille, bouquet, afin qu'on prononce jonkille. bouket, & non en fifflant, jonfille, bouffet, &c. LE MILOR D.

Sont-ce là toutes les lettres fifflées ?

L'ABBÉ.

Non, Monfieur: nous avons encore le r, qui fe

fiffle fouvent dans la dernière fyllabe des mots, quand il précède un i fuivi d'une autre voyelle comme dans les mots action, partiel, facieux, qu'on prononce acfion, parfiel, facfieux, &c. LE MILOR D.

Cette prononciation du t n'a-t-elle lieu que dans la dernière fyllabe des mots ?

L'ABBÉ.

Non, Monfieur, à moins qu'à cette fyllabe finale on n'ajoute une ou deux autres fyllabes qui rendent le mot plus compofé: car le eft également fifflé dans ration, rationel, rationalité, dans partial, partialité, partialement, &c.

LE MILOR D.

Le teft apparemment toujours fifflé dans ces fyllabes finales, quand il précède un i fuivi d'une autre voyelle.

L'ABBÉ.

Non, Monfieur. Nous avons à cet égard pluficurs exceptions qui ne pourront être bien comprifes qu'après quelques entretiens; mais en voici une qui eft préfentement à notre portée, & à laquelle peu de perfonnes font affez d'attention; c'eft quand le t eft précédé d'une s ou d'un r, comme dans les mots queftion, digeftion, mixtion. Dans ce cas, il faut abfolument que le t foit frappé : il ne feroit pas permis de prononcer en le fifflant, queffion, digef fion, mixfion, &c.

LA MARQUISE.

Vous nous avez donné une bonne règle touchant le je & le g fifflé. Nous en prefcrirez-vous aussi de l's, duz, de l'x & du z? L'ABBÉ.

pour l'emploi du c,

Nous pouvons préfentement en établir quelquesunes, fauf à les expliquer mieux, quand il y aura un plus grand nombre d'idées communes entre nous.

K 2

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