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LE MILOR D.

On la trouve auffi très-fouvent avant l'l mouillée. Pareil, veiller, vermillon, &c. ́

LE COMTE.

Nous avons vu que l'i eft une partie effentielle de ce qu'on appelle l'l mouillée; ainfi on peut dire que ces mots, pareil, veiller, vermillon, font écrits par l'e fimple; car l'i n'y influe pas plus fur l'e qu'il n'influe fur l'a dans railler, émaillé, éven¬ tail, &c.

L'ABBÉ.

Cette voyelle compofée ei, qu'on pourroit remplacer par une fimple, n'a du moins rien de contraire à la prononciation. Il n'en eft pas de même de l'i qui fuit l'o dans les mots oignon, poignant, poignet, & autres qui s'y rapportent, tels que les mots oignonet, oignonière, poignée poignard, empoigner, qu'on prononce comme s'ils étoient écrits par un o fimple, ognon, pognant, pognet, ognonet, ognonière, pognée, pognard empogner, &c. Il n'y a pas long-temps encore qu'il falloit écrire par oi, coignée & coignaffier; mais préfentement l'ufage permet d'écrire conformément à la prononciation, cognée & cognaffier. Plufieurs perfonnes qui fe piquent d'exactitude, font fentir dans tous ces mots, une nuance qui fembleroit exiger moins que oi, & plus que l'o fimple.

En fuivant la première gradation que nous avons marquée pour l'i, nous arrivons infenfiblement à ce qu'on appelle le fifflé dental ou des dents, qui n'eft autre chofe que le fon du g fifflé & de l'j confonne, qu'on voit réunis dans le mot juger; & le ch françois, qui fe voit dans chofe, tacher, &c. LA MARQUISE,

Je no me rappelle pas bien cette gradation de l'i.

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L'ABBÉ.

La voici: l'i purement voyelle, dans petit, mil"le, &c.

L'i formant une diphthongue après une confonne, comme dans rien, vieux, Diacre, &c.

L'i formant une diphthongue fans être modifié, comme dans païen, aieux, iota, &c.

L'j confonne ou le je, & le g fifflé, qui fc prononcent exactement de la même manière, comme on le voit dans majefté, digefte, &c.

Joignons-y le ch françois, dont le fifflement eft femblable au précédent, mais beaucoup plus fort, comme on le fait entendre dans les mots château, chercher, chimère, &c.

LE MILOR D.

Vous avez attribué les gradations de l'i voyelle 'à la confonne mouillée, & vous les appliquez préfentement à la confonne fifflée !

L'ABBÉ.

Oui, Monfieur, parce que la consonne mouillée & la confonne fifflée ont une origine commune, qui eft l'i voyelle.

LE MILOR D.

Je fais que votre je ou j confonne a une propriété conftante, & qu'il fe prononce de la même manière avant toutes les espèces de voyelles : jaloufie, jetter, jonc, jouer, juridique, &c. Je fais encore que cette confonne ne fe double jamais, qu'elle ne termine aucun mot, & qu'elle ne peut être placée immédiatement avant une autre confonne. Mais l'emploi du g me paroît beaucoup plus embarraffant, il éprouve felon la place qu'il occupe, des variations dont je n'ai pas encore une idée bien claire.

L'ABBÉ.

Cette confonne, comme nous l'avons déjà vu;

n'eft fifflée que quand elle précède une ou un i; & même, fi elle termine un mot, elle prend la prononciation du k, fans égard pour la voyelle qui peut commencer le mot fuivant. Ainfi ces expreffions un fang épais, unjoug infupportable, fe. prononcent un fan képais, un jou kinfupportable, quoique par l'arrangement des mots, le g fe trouve immédiatement fuivi d'un e & d'un i.

Pour donner au g avant toute autre lettre, l'articulation fifflée qu'il a avant l'e & l'i, on y interpofe un e fans accent, comme on le voit dans obligeant, pigeon, mangeüre, fagement, ils vengeront, qu'on prononce comme s'il y avoit oblijant, pijon, manjure, fajement, ils venjeront, &c.

SOPHIE.

Cese ajoutés font encore des voyelles perdues.
LE COMTE.

Cela n'eft vrai que de l'e placé entre le g & une voyelle; mais quand la lettre qui fuit eft une confonne, alors l'e forme une fyllabe de plus; ainfi ce n'eft plus un e perdu, mais un e muet: fa-gement, ils ven-ge-ront, &c.

SOPHIE.

Ainfi dans les mots où on fait fonner le g fifflé avant une autre lettre que l'e ou l'i, il faut tou jours écrire par ge & jamais par un g fimple.

LE COMTE.

Le même effet peut être produit par un j confonne, & alors l'interpofition de l'e perdu n'eft plus néceffaire : c'eft ce qu'on voit dans les mots javelot, réjouir, parjure, &c. On interpose seulement un e muet quand la letttre fuivante eft une confonne; & alors cet e muct forme, comme après le g, une fyllabe de plus : ce qu'on voit dans projeter, rejeter, qui fe prononcent en trois temps, pro-je-ter, re-je-ter, &c.

LE MILOR D.

On s'épargneroit bien des peines fi on employoit tout fimplement les lettres que l'oreille exige! Pourquoi ne pas mettre par-tout l'j confonne à la place du g fifflé? On n'auroit pas befoin de ces e perdus qui font non - feulement inutiles, mais nuifibles à la prononciation; car dans les mots mangeure, rongeure, & autres où l'u fe fait entendre après le g fifflé, on veut toujours prononcer l'e perdu avec l'u dont il eft fuivi, comme la voyelle compofée eu dans les mots mangeur & rongeur, ce qui fcroit tout-à-fait contraire à votre usage,

L'ABBÉ.

On remédic à ce dernier inconvénient en mettant deux points fur l'ü, pour qu'il ne forme pas une voyelle compofée avec l'e: par ce moyen mangeüre, rongeure, fe prononceront abfolument fans faire fentir l'e, manjûre, ronjûre; mais il n'en eft pas moins vrai que la fubftitution du je au g fifflé feroit très-avantageufe pour l'orthographe. Le g ayant alors une propriété conftante, nous ferions. débarraffés non-feulement des e muets & perdus qui lui donnent le fifflement du je avant toute autre lettre que l'e & l'i; mais encore des u perdus qui lui rendent fon articulation gutturale avant ces deux dernières voyelles.

LE COM TE.

Notre but n'eft pas fans doute de corriger l'ufage, mais de nous approprier l'orthographe actuelle. Quand nous pourrions à notre gré faire cette fubftitution du je au g, il n'en feroit pas moins curieux ni peut-être moins utile d'examiner & d'étudier toutes les règles d'étymologie, &, fi vous voulez, d'analogie françoife, qui peuvent fixer l'emploi de ces deux lettres.

LA MARQUISE

Mais en attendant que nous ayons acquis toutes

ces connoiffances, ne feroit-il pas poffible de nous donner à cet égard quelques règles qui fuffent à notre portée ?

L'ABBÉ.

On n'en peut guère établir qui ne foient, au moins en partie, fondées fur la mémoire; cependant voici une obfervation qui pourra nous être d'un grand fecours. Par une fuite des propriétés de ces deux lettres, quand dans la première fyllabe d'un mot, on fait entendre le fifflement du g fuivi d'un e ou d'un i, cette fyllabe s'écrit par un g: ce qu'on voit dans gite, génie, geftion, &c. fi au contraire ce fifflement eft fuivi du fon de l'a, de l'o ou de l'u, cette fyllabe s'écrit par un je: jaloux, joli, jufte, &c. Les mots geai, oifeau, geolier, jeter jérémiade, jeu, jeûner, jeuneffe, jante, jambe & autres qui s'y rapportent, font à peu près les feuls qui puiffent former quelque équivoque, & on fera bien de fe les fixer dans la mémoire.

Comme les mots analogues doivent avoir entr'eux la reffemblance la plus exacte qu'il eft poffible, le g ou le je initial des mots fimples fe conferve dans tous leurs compofés. Ainfi le je qui commence néceffairement les mots jouer, joli, jurer fe retrouve dans leurs compofés enjoué, enjouement, enjeu, enjoliver, abjurer, forjurer, parjure, &c. & le g initial de génération, geler fe voit dans dégénérer, régénérer, dégeler, dégel, congélation, &c. Il en eft de même des mots compris dans l'exception: le je du mot jeter, paffe dans une infinité de compofés tels que rejeter, déjeter, projet, injection, furjeter, trajet, fujet, objet, &c.

Dans tous les autres cas où la prononciation eft indécise, il faut employer le g & non le je, Nous en excepterons feulement les mots majefté, majeur, & leurs analogues majestueux, majestueusement majorité, majorifer,, &c. qui s'écrivent par un je, quoiqu'ils ne foient compofés d'aucun autre mot.

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