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raison car aucun des livres qui la composent n'est plus demandé, et souvent on en lit quelques passages dans les veillées d'hiver. Le seul inconvénient qui nous avait frappé, c'était de ne point y trouver les noms de quelques hommes ayant cependant bien mérité du pays; c'était ensuite de ne point y trouver la mention d'événements considérables, lorsqu'aucun de ceux dont l'illustration avait été vraiment exceptionnelle n'y avait figuré. Ce livre, si attachant et si instructif à la fois, ne pouvait donc remplacer utilement et complétement nos Histoires de France.

Cet inconvénient, ces lacunes, ont frappé heureusement l'auteur luimême plus encore que nous. Loin de se laisser enivrer par un succès si bien mérité et si flatteur, il l'a considéré comme une obligation de combler ces vides regrettables, et il s'est résolument mis à l'œuvre. Vingt-et-une Vies nouvelles ont été ajoutées à celles qui le composaient d'abord. Parmi ces Vies nouvelles, il en est qui servent en quelque sorte de cadre à l'histoire d'une époque. Ainsi, celle de Juvénal des Ursins, ce grand citoyen, cet ami si fidèle, ce sujet si dévoué de l'infortuné roi Charles VI, a permis de raconter, comme M. Bouniol sait raconter, tous les événements de ce règne déplorable, les luttes sanglantes entre les Bourguignons et les Armagnacs, les crimes vengés par d'autres crimes et les hontes si brillamment effacées par les exploits de Jeanne d'Arc et des autres preux des armées de Charles VII. De plus, comme, malgré ces additions déjà si considérables, il se trouvait encore quelques lacunes des temps pendant lesquels l'histoire ne signalait aucun homme dont la vie méritât d'être reproduite, M. Bouniol en a succinctement tracé les événements principaux, sous le nom d'incidences, de manière à en donner une connaissance suffisante. Ainsi, à la rigueur, la France héroïque, telle que M. Bouniol vient d'en publier une édition qui porte le titre de seconde édition, parce que celui de l'ouvrage n'a pas changé, peut suppléer toutes les Histoires de France, mais aucune Histoire ne peut la suppléer. Nulle part, en effet, on ne verra nos grands hommes agir, se mouvoir, parler, comme ils le font dans son livre. Après l'avoir lu, il semble qu'on les connaît, qu'on les a vus. Grâce à lui, nous l'espérons, les noms des vieux héros de la monarchie vont devenir populaires, et nos campagnes sauront que l'histoire de France compte quatorze siècles de grandes actions. Les additions nouvelles ont à peu près doublé l'ouvrage ; mais l'éditeur, pour en réduire le prix autant que cela était possible, l'a réduit à quatre volumes beaucoup plus forts que les anciens, et le prix n'en a été porté qu'à DIX FRANCS. Nous croyons pouvoir affirmer que cette augmentation de prix, beaucoup plus que compensée par l'augmentation des matières, n'arrêtera pas le débit d'un ouvrage dont l'utilité et la valeur nous paraissent incontestables.

MARQUIS DE ROYS.

DORALICE, SCÈNES DE MOEURS CONTEMPORAINES, par Mme la Comtesse de HAHN-HAHN, traduction de Mlle J. Turck.

Mm. la Comtesse de Hahn-Hahn n'est pas une inconnue pour nos lecteurs. Elle a tenté et mené à bien plus d'une fois la tâche difficile d'écrire

une œuvre romanesque qui intéressât sans surexciter l'imagination et qui charmât l'esprit sans le corrompre. Sa place est marquée à un bon rang parmi les romanciers catholiques de l'époque. M J. Turck a donc été bien inspiré de nous donner une traduction du nouvel ouvrage sorti de la plume de l'éminent écrivain. Nous n'essayerons pas une analyse détaillée de Doralice. D'ailleurs, ces deux volumes n'ont point la multiplicité d'événements et la rapidité d'action qui caractérisent nos romans français. C'est une étude physiologique faite d'une main discrète et fine à la fois, une série de caractères et de portraits où se révèlent partout la délicatesse d'une touche féminine et l'ardente charité d'une âme sincèrement chrétienne. Parmi ces portraits, quelques-uns sont admirables de vérité on dirait que les originaux ont vécu et que l'écrivain n'a fait que se souvenir des types que la femme du monde avait rencontrés dans les salons.

C'est un personnage qui n'est que trop vrai, par exemple, que celui de Mme Derthal, cette mère dévouée et aveugle en même temps, qui se dit excellente catholique et croit elle-même qu'elle l'est réellement, et ne se préoccupe en mariant ses filles que de la position sociale de ses gendres, sans penser une minute à la religion à laquelle ils appartiennent. Elle ne voit dans la vie que les avantages périssables et matériels; et, quand l'expérience lui montre la vanité de ces brillantes apparences, quand ses filles

comme des oiseaux dont l'aile est brisée retournent successivement au nid maternel, pour pleurer près d'elle leur bonheur écroulé et leur existence manquée malgré leurs magnifiques mariages, elle ne veut point voir qu'elle a sa part dans ces désastres et qu'elle-même les a préparés. Malheureusement, la coïncidence de ces cinq filles épousant précisément cinq jeunes gens de communions différentes touche à l'invraisemblance et détruit un peu l'illusion.

La figure la plus réussie peut-être est celle de Bianca - une des filles de Mme Derthalen qui se résument bien des personnalités du temps présent et où bien des contemporaines pourraient se reconnaître avec un peu de franchise. Superficielle et vaniteuse, Bianca s'efforce de combler le vide de son âme avec toute sorte de grands mots; sans cesse elle met en avant des abstractions auxquelles elle ne comprend pas grand'chose, et elle adore d'autant mieux, la Nature, l' Art, l'Idéal; elle appelle le Seigneur le grand Tout et cherche Dieu partout, excepté où il est. Pauvre fourvoyée, malheureuse par sa faute, elle se crée des besoins faux, des infortunes. imaginaires, des sentiments factices, faute d'énergie pour suivre honnêtement et humblement la route qui conduit au bonheur par la Vérité. Toutes ces aspirations se traduisent par d'assez tristes réalités, et l'orgueilleuse ne quitte ces sommets nuageux où elle prétendait converser avec les voix de la Nature, que pour rouler bien près du ruisseau. Une fois tombée, Bianca demande conseil à tout le monde avec la ferme résolution de n'écouter personne. Elle s'effraye dès qu'on lui parle de devoir et de sacrifice; elle voudrait qu'on la tirat d'affaire sans qu'elle eût un mouvement à faire, et encore à cette condition-là le voudrait-elle ? Désabusée, d'un côté elle enfourche comme on dit · un autre dada, elle court après une autre

chimère. L'art l'a trompée, la passion lui a été funeste: elle va maintenant essayer de la politique et s'enrôler sous le drapeau du progrès; elle va se consacrer à la grande tâche de préparer l'émancipation des peuples, se vouer à la cause des nationalités. Elle ne jure plus que par Garibaldi : un fétiche a remplacé l'autre dans ce cœur vide du vrai Dieu. N'est-ce pas, nous le demandons, une silhouette saisissante? Nous avons tous connu cette catégorie de femmes, sans compter, hélas ! que bien des hommes de notre génération sont femmes par ce côté-là. On serait presque tenté de s'apitoyer, si l'on ne s'apercevait vite que les signes caractéristiques de ces natures sont un orgucil sans bornes, un égoïsme immense et une haine profonde du moindre effort, Le Christ a dit Paix aux hommes de bonne volonté ! Au fond, ceux dont nous parlons n'ont pas le moindre désir de retrouver leur route.

Quel contraste avec Doralice, l'héroïne du roman de Mme Hahn-Hahn physionomie poétique et touchante que l'auteur a caressée de son pinceau le plus délicat! Celle-la met en Dieu toute son espérance et se sauve par le sacrifice, comme sa sœur se perd par l'égoïsme. La singulière façon dont M de Derthal entend le mariage a porté ses fruits pour elle aussi, elle ne demande de consolation qu'à la religion, et la religion lui rend la déception moins amère et l'épreuve plus courte.

Un jour, une heure peut-être, le rêve d'un bonheur permis encore, mais où le devoir fléchit un peu devant la passion, vient caresser ce chaste cœur, qui n'a trouvé dans le mariage que l'amertume et la désillusion. Mais Doralice, agenouillée au pied de l'autel de Marie, a demandé conseil à la Mère du Sauveur, et elle se relève plus forte et plus résolue. Elle est récompensée de ses sacrifices accomplis avec humilité et persévérance. La grâce à touché ceux qu'elle aimait, et elle les voit rentrer dans le giron de l'Église.

Doralice est vraiment une individualité charmante et réelle encore, quoique plus vague et moins accusée que les autres, qui plaît justement peutêtre par l'indécision des contours et le vaporeux tout allemand dans lequel semble se perdre cette créature immatérielle. Nous ne ferons à l'auteur qu'un reproche c'est d'avoir un peu dépassé la mesure, et oublié que, si l'influence de la femme est immense dans la conversion des âmes, elle ne s'exerce guère par la prédication et la discussion dogmatique. Doralice est séduisante et persuasive quand elle accomplit ses devoirs de chrétienne, soigne les pauvres, visite les malades; elle choque quand elle fait un cours de théologie, cite les Pères et commente les textes. Ce défaut disparaît à la fin de l'ouvrage, et c'est pour cela peut-être que l'influence de Doralice est prépondérante alors.

Tel qu'il est, l'ouvrage dont nous venons de parler est d'une sérieuse valeur, et la traduction élégante et fidèle de Mlle Turck est destinée à occuper une place d'honneur dans la bibliothèque de toutes les femmes du monde. Rares sont de notre temps les romans qu'on peut sans crainte mettre entre les mains des jeunes filles: celui-là est du nombre, et, s'il fait rêver les jeunes imaginations, ce ne sera qu'aux belles et nobles choses, aux moyens d'être bonnes chrétiennes comme Doralice, ne fût-ce que pour éviter d'être à charge à soi et aux autres comme Bianca. E. DRUMONT.

HISTOIRE DE LA VENDÉE MILITAIRE, par CRÉTINEAU-JOLY, 5° édi

tion. 4 vol. in-12, ensemble 2,251 pag. — H. Plon. 1865.

Rien de beau, rien d'admirable comme la lutte de la Vendée contre la République. Les Vendéens combattaient pour leur Dieu, leur Roi, leur foyer, contre des hommes qui détrônaient Dieu, ne voulaient plus de rois et ne connaissaient d'autres lois que le bon plaisir de leurs sanguinaires caprices. Ils déployèrent un courage, un héroïsme, une générosité qui faisaient l'étonnement de ceux mêmes qui étaient forcés de se battre avec eux. L'insurrection de la Vendée prit les proportions d'une insurrection de géants, et ceux qui la soutenaient auraient certainement triomphé, sans les petites passions qui malheureusement finirent par diviser leurs chefs. Jamais plus nobles raisons ne motivèrent une prise d'armes que les raisons qui soulevèrent la Vendée, et, quoi que fassent leurs ennemis, jamais ils ne réussiront à flétrir les hommes qui prirent part à cette guerre juste mais malheureuse. Je ne connais pas d'écrivain qui ait mieux raconté et d'une façon plus dramatique l'histoire de cette lutte que M. Crétineau-Joly; son livre a joui d'un succès constant, car l'édition qui vient d'être mise en vente est la cinquième. L'historien n'a pas cherché, comme il le dit lui-même, à faire passer ses convictions dans l'esprit; il s'est efforcé avant tout d'être vrai, vrai envers tous, envers ses amis comme envers ses adversaires, vrai surtout dans le but de rendre un profond et sincère hommage aux paysans et aux gentilshommes qui sacrifièrent leur repos, leur bonheur et leur vie, à la défense d'une noble cause et à l'intérêt général de la société. M. Crétineau-Joly n'a jamais eu la pensée d'exalter la chaumière aux dépens du château, comme on le lui a reproché; seulement il a compris que l'histoire a un grand devoir à remplir, qu'avant tout elle doit à tous la vérité sans acception de personnes, et il a dit courageusement cette vérité. Comme aujourd'hui on n'accepte la vérité que sur bonnes preuves, il n'a rien avancé sans le justifier: il a montré ses documents, discuté le caractère et les actes des hommes qui ont place dans ses pages et qui jouent un rôle dans son histoire. Il a parlé avec dignité des Vendéens, il a fait apprécier les motifs qui les poussèrent à l'insurrection, redit sans passion ce que les paysans tentèrent en faveur de la société menacée, exposé leurs nombreuses et dures souffrances, souffrances venues de la royauté qui aurait dû les comprendre et les accueillir,souffrances venues de la république dont ils étaient les plus redoutables ennemis; et cela, l'écrivain l'a fait avec un coloris de style et une variété de tons qui font de son œuvre une belle et bonne histoire, tout à fait à la hauteur du sujet qu'il avait à traiter. Pour le traiter, ce sujet, dans toute sa vérité, il fallait une grande énergie de travail et une grande activité de recherches, et l'on trouve les deux en M. Crétineau Joly. Il s'est livré à de nombreuses investigations, et les documents lui sont venus de toutes parts; il a su les mettre en œuvre avec talent. La critique a été unanime pour louer les qualités multiples qui se rencontrent dans l'Histoire de la Vendée Militaire et qui en font une lecture des plus attrayantes.

INSTRUCTIONS SIMPLES ET PRATIQUES SUR LA GRACE ET LES SACREMENTS, par M. l'abbé CLAIRAIN; gr. in-8,608 pages.- Sarlit, 1864.

Ce volume fait partie d'un Cours Complet de la Doctrine catholique expliquée; il en est le onzième et dernier volume. Chacun des volumes du Cours forme un tout complet, que l'on peut se procurer séparément. Mettre, dans un langage simple et dénué de toute recherche, chaque point de la doctrine catholique à la portée de toutes les intelligences, tel est le but que se propose M. l'abbé Clairain. C'est une tâche que, depuis quelque années, il a poursuivie avec une persévérance digne d'éloges. Son ouvrage, dans lequel ceux qui ont charge d'âmes et les fidèles qui désirent s'instruire trouveront tous les développements qu'ils peuvent désirer, ne sera pas sans être utile et sans produire des fruits: il éclairera les esprits qui ont besoin d'être éclairés et fournira aux ecclésiastiques chargés de l'instruction des fidèles des sujets tout préparés pour leurs prônes et leurs sermons. Nous ferons cependant un reproche à M. l'abbé Clairain : c'est que son ton est toujours un peu trop le même; nous aurions voulu rencontrer de temps en temps de la chaleur, de la verve et de l'entrain. On ne tarde pas, quand on le lit d'une façon trop suivie, à sentir l'ennui, résultat de la monotonie, vous envahir. Si ce défaut est peu de chose pour les ecclésiastiques qui possèderont son livre afin de le consulter et de s'en aider, il n'en est plus de même pour les chrétiens qui voudront en faire l'objet de leurs lectures, l'objet d'une étude suivie. Toutes nos facultés ont besoin d'être mises en jeu pour que la vérité arrive dans l'âme à un triomphe complet: le cœur, l'imagination, l'intelligence doivent être tour à tour réveillés, excités et intéressés; et nous craignons que l'auteur ne se soit adressé presque toujours qu'à l'intelligence. Quoi qu'il en soit, M. l'abbé Clairain a mis tous ses soins à éclairer toutes les faces de la doctrine catholique et à ne rien laisser dans l'ombre et sans explication. A cause de cela, son ouvrage sera l'explication de la doctrine catholique peut-être la plus détaillée qui se puisse voir en son genre, et c'est bien quelque chose.

A. D'ARMANTIÈRES.

VIE DE LA SAINTE VIERGE D'APRÈS LES ECRITURES. Etudes et méditations précédées d'une introduction par Mgr MERMILLOD, évêque d'Hébron, auxiliaire de Genève. Un beau vol., format Charpentier, XIX-400 pages. Prix: 2 fr. 50 c. V. Palmé, éditeur, 25, rue de Grenelle-St-Germain.

D'un bout du monde à l'autre les pieux exercices du mois de Marie réunissent chaque jour de nombreux fidèles au pied des autels qui lui sont dédiés. Jusque dans les vastes solitudes habitées par quelques tribus errantes et qui, dans ce mois béni, viennent se grouper autour du missionnaire, tout retentit du chant des hymnes et des cantiques en son honneur. Le moment ne pouvait donc être mieux choisi pour proposer aux chrétiens cet excellent livre. Sans doute les études et les édifiantes méditations dont il se compose, ne sont point spécialement destinées à un moment plutôt qu'à tout autre; mais il est certain que dans ce mois consacré tout entier aux louanges de la Mère de Dieu, elles ont une véritable actualité. L'auteur de cet excellent livre n'a point voulu y attacher son nom. Nous ne voulons point ici soulever le voile dont son humilité s'est enveloppée et nous suivrons en cela l'exemple de l'illustre évêque

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