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dans l'or embaumé de les boucles

plus douces que tous les sachets d'Engaddi, avec la féerique fleur de ton corps souple entre mes bras de magicien maudit.

VI

Puisque les roses s'effeuillent dans la brise
et que l'oiseau d'Hafiz au paradis s'envole,
faut-il briser les cordes de ma viole,
comme mon cœur, mon cœur de fol se brise?

On t'a fait en bois de rose du Liban
le plus mignon cercueil qu'on ait jamais eu;
on t'a mis comme aux anges un voile blanc
et tu es jolie comme Jésus.

La mort en fleur sur le mince filet

de ta bouche purpurine et rosée

aux lueurs des cierges s'est posée

comme un papillon violet,

et le bandeau de cheveux d'or qui va s'éclaircir jusqu'à la nacre de l'oreille,

n'encadre plus qu'un visage pareil

à la douceur agonisante de la cire.

Maintenant les doigts fluets de ta main aux secrets charmeurs d'amour

ne broderont plus en fil de carmin

mon nom de fol sur notre livre d'amour,

maintenant tes doigts légers

au fil des cithares ou des cinnors

ne me feront plus songer

à la chanson des cordes d'or;

et ma main vieillie aux doigts amaigris,
jamais non plus, jamais ne récrira
ces songeries de baladin de Syric
sur papier de soie rose de Sipparah.

TRISTAN KLINGSOR

Flétrissures

La Chambre a prétendu, par son ordre du jour du 16 décembre, flétrir les actes de candidature officielle. Il est certain que l'enquête parlementaire sur l'élection de Narbonne a révélé des détails caractéristiques, qui permettent d'étudier sur un exemple la manière de préparer les bonnes élections et de réparer les mauvaises. Mais si la Chambre a cru donner à son ordre du jour, selon la phrase de M. Viviani, «la force souveraine d'une condamnation morale », elle s'est gravement trompée.

D'abord il est trop évident que cette « indignation vertueuse » n'est que l'indignation hypocrite et intéressée d'un parti politique. Les députés radicaux se révoltent à l'idée de la candidature officielle exercée au profit des modérés; mais, à la fin de chaque législature, ils intriguent pour qu'il y ait, à l'intérieur, un ministre radical. Un des grands reproches qu'on continue d'adresser à M. Brisson, c'est d'avoir en 1885 respecté le suffrage universel, au risque de laisser ses adversaires entrer en majorité à la Chambre. Ni M. Viviani, ni M. DujardinBaumetz n'ont, jusqu'à ce jour, adressé d'interpellation rétrospective au gouvernement radical qui versa 5,000 fr. dans une caisse particulière, en vue de l'élection d'un candidat socialiste.

En second lieu, il est manifeste que le vote du 16 décembre n'a pas été seulement un vote de parti, mais encore un vote de rancune personnelle. Tous les adversaires de M. Barthou ont crié bien haut que, dans tous les arrondissements, on avait vu la même comédie qu'à Narbonne; or, au 16 décembre, toutes les élections avaient été examinées sauf deux, et la Chambre n'avait encore prononcé aucune invalidation pour faits de pression officielle. M. Dupuy ignorait-il qu'à Roubaix, l'administration a combattu M. Jules Guesde? Et n'est-il pas venu à l'idée de M. Viviani que le préfet du Tarn n'avait peut-être pas gardé, vis-à-vis du marquis de Solages, la stricte impartialité que lui dictait son devoir? Toujours est-il que M. Dupuy n'a pas demandé à la Chambre d'invalider M. Motte, et M. Viviani n'a pas encore trouvé l'occasion de rappeler à la Chambre le nom de Jaurès. Il est clair que M. Dupuy a saisi l'occasion que lui offrait l'élection de Narbonne pour se venger de M. Barthou qui lui a déjà joué plus d'un méchant tour; il est clair que les antisémites ont vu dans le discours de M. Viviani comme une revanche du discours de M. Poincaré, que la Ligue des roits de l'homme venait de faire afficher. M.

Viviani est toujours véhément, quand, prétendant parler au nom des socialistes, il peut, en même temps, ne pas déplaire aux antisémites. Il a proposé un jour d'amnistier les bandits antijuifs d'Alger; il n'a pas protesté quand un de ses collègues demanda qu'on laissât « Zola à l'égout ». Il a prononcé avant les élections un discours virulent contre la magistrature civile, dont les nationalistes demandent aujourd'hui un second affichage; on attend encore son réquisitoire contre les conseils de guerre.

Il est regrettable que M. Barthou n'ait pas eu l'audace qu'eut jadis, dans une occasion analogue, M. Rouvier. M. Barthou n'avait qu'à dire à ses collègues : « Vous voulez des élections pures, selon l'innocente expression de M. Dupuy; mais vous savez bien que, si les élections avaient été pures, aucun de vous ne serait ici. » Il est vraiment étrange qu'une Chambre, élue au prix de tant de mensonges, de låchetés et de corruptions, se croie le droit de condamner un procédé électoral. Il faut une certaine audace à M. Viviani pour dire que, dans la campagne du printemps dernier, tous ont, « sur le champ de bataille élargi, lutté idées contre idées, doctrine contre doctrine, drapeau contre drapeau ». La vérité est qu'on s'est débattu dans l'injure et l'équivoque. M. Viviani a-t-il oublié la liste des candidats officiels de l'Intransigeant? Les électeurs de la Sorbonne se rappellent encore que, pour leur député comme pour M. Méline, il n'y avait pas, au moment des élections, d'affaire Dreyfus.

Dans ces derniers temps, il est vrai, M. Viviani s'est nettement rallié au parti revisionniste. Il a approuvé les paroles de M. Brisson quand l'ancien président du Conseil demanda que le dossier secret fût communiqué à la Cour de cassation et à la défense. Mais l'«< indignation vertueuse » de ceux qui condamnaient avec lui M. Barthou se traduisait cette fois, selon l'expression même du président de la Chambre, par des cris qui n'avaient rien d'humain. Le gouvernement et la majorité donnaient satisfaction à M. Lazics contre M. Brisson, et applaudissaient cette nouvelle déclaration de M. Cavaignac, que nous ne sommes pas maîtres chez nous de traiter nos affaires comme nous l'entendons.

La question du dossier secret est pourtant bien simple: si le gouvernement estime qu'il y a danger pour la sûreté de l'Etat à ce que certaines pièces soient divulguées, il peut demander le huis-clos. M. Brisson trouve même que ce n'est pas nécessaire; et il est bien probable qu'avec de légères précautions, on pourrait s'en passer, ce qui vaudrait mieux à tous égards. En tous cas, il est inadmissible qu'on affecte des airs tragiques à l'idée que la Cour de cassation et la défense pourront prendre connaissance de pièces déjà connues d'une trentaine de ministres et d'ofliciers. Dreyfus, à le supposer coupable, est dorénavant inoffensif; Me Mornard et Mme Dreyfus présentent autant de garanties qu'un député ou un capitaine. Toute la confusion dans cette aflaire est venue de ce qu'on accordait plus d'autorité à la parole d'un officier qu'à celle d'un citoyen. Au Sénat, quand M. Cons

tans demanda que les prévenus devant un Conseil de guerre fussent assistés d'un défenseur civil, un sénateur de la droite laissa entendre que la robe était plus suspecte de trahir le secret que l'uniforme, et, s'il ne le dit pas, ce fut par respect pour la mémoire de Berryer. Aujourd'hui on frémit en pensant qu'un avocat va être initié aux secrets du deuxième bureau. Plutôt la guerre civile, s'écrient les uns; plutôt l'acquittement, prêchent d'un air magnanime les bons apôtres. En réalité, ils cherchent à nous faire reculer d'effroi devant la vérité ou du moins à laisser le doute et le trouble dans les consciences. Pour de tels procédés, la Chambre n'a pas encore trouvé de flétrissure.

C'est que M. Dupuy s'entend à guider les flétrissures de la Chambre. Le 16 décembre, il faisait blamer M. Barthou par M. Drumont et M. Viviani; le 23, il force les députés élus avec l'appui de la Libre Parole à désavouer M. Max Régis. A qui le tour maintenant ? Cela dépend sans doute de ce que fera la Cour de cassation et de ce qu'en dira l'opinion publique. Mais il importait d'affirmer dès aujourd'hui que ni ce gouvernement ni cette Chambre n'ont qualité pour flétrir qui que ce soit.

JACQUES LAUBIER

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