taire ». Au cours de 1897, ce malheureux estaminet était perquisitionné environ une fois par semaine. La police atteignit son but : l’Estaminet Libertaire succomba sous ses tracasseries. A noter que Lille et Roubaix jouissent de municipalités socialistes. En septembre 1895, à Marseille, Cheylan et Octave Jahn furent arrêtés pour délit de paroles en réunion publique. Jahn, seul poursuivi, fut condamné à deux ans de prison qu'il fit à la maison centrale d'Aix. A la salle d'Arras, à Paris, en juin 1896, pour un écart de langage, Louis Vivier fut arrêté préventivement et quelques jours après, condamné à dix-huit mois de prison. En mars 1897, à Brioude, le commissaire de police arrêta un ouvrier lyonnais, Alexis Fromage, accusé d'avoir prononcé des paroles provocatrices dans une réunion tenue à Lyon en vue deprotester contre l'Inquisition espagnole. Quelques mois après, en octobre, des affiches très légales étaient placardées à Nouzon, dans les Ardennes. La police y voulut voir un acte de propagande délictueux et elle perquisitionna chez un anarchiste, Roger, qui sans preuves fut considéré comme l'auteur de l'affichage et condamné à deux mois de prison. Pour ces mêmes placards, intitulés « Germinal », une douzaine de perquisitions ou arrestations eurent lieu au Havre; il fut question d'impliquer les auteurs de l'affichage dans un procès d'association de malfaiteurs ; il fallut y renoncer. Les lois scélérales ont aussi servi à échafauder des procès de presse : le Libertaire a été condamné une demi-douzaine de fois et, tout dernièrement, Bordes et Prost, le premier, auteur d'un article, le second, gérant du Cri de Révolte, furent frappés de six mois de prison. Mais c'est en Algérie qu'en a été faite l'application la plus saugrenue : en inars 1897, à Tenez, deux jeunes gens, Ramsont et Vernet, collaient, sur un arbre, un placard du Père Peinard publié à l'occasion de l'anniversaire du 18 mars 1871. Le parquet de Paris n'avait rien relevé de subversif dans ce placard; mais un magistrat algérien poursuivit Ramsont et Vernet, ainsi qu'André Reclus qui, pour avoir remis l'affiche aux deux premiers, fut inculpé de provocation. Après des pérégrinations de tribunaux en tribunaux, la Cour d'Aix se déclara compétente et condamna les prévenus chacun à une centaine de francs d'amende. Alors que le parquet de Paris qui semble le seul réellement compétent pour instruire contre un livre, une brochure, un journal édité dans son ressort, a laissé passer une publication sans la poursuivre, il suffit, grâce aux lois scélérates, d'une lubie de magistrat de province pour incarcérer un lecteur ou un vendeur, alors que l'éditeur reste indemne. Ce qu’on ignore aussi, c'est combien les déplacements de Félix Faure sont motifs d'appliquer les lois scélérates : chacun de ses voyages est marqué par une série de perquisitions et d'arrestations, c'est ce que la police a trouvé de mieux pour faire sa cour à notre tsar. En février 1896, il voyage dans le Midi : perquisitions et arrestations partout où il passe. A Valence, sous prétexte de complot, arrestations en masse. En avril 1897, voyage dans l'Ouest : à Saint-Nazaire, arrestation de trois travailleurs. Quelques mois après, en juillet, voyage dans le Midi, jalonné de deux arrestations à Romans, de six à Avignon et d'une à Orange... et j'en passe. Des six victimes d'Avignon cinq étaient des Italiens arrétés pour « allures suspectes ». Dernièrement, Félix Faure s'est encore déplacé : il est allé à Saint-Etienne et, là comme ailleurs, il y a eu des arrestations, non seulement à Saint-Etienne même, mais dans les petits villages environnants, le Chambon, Saint-Chamond, La plus importante de ces rafles eut lieu pour fêter joyeusement l'entrée du tsar Nicolas à Paris; des réfugiés russes et polonais (en très grand nombre) etc. furent, les uns, séquestrés chez eux, par ordre de police, les autres, envoyés an dépôt. Outre ces étrangers qui connurent alors l'hypocrisie de l'hospitalité républicaine, une cinquantaine d'anarchistes français furent incarcérés pendant une huitaine.,. puis remis en liberté sans même avoir su le motif de leur ar. restation. J'aurais pu allonger cette fastidieuse liste de menus faits. Il me suffit d'en avoir groupé un certain nombre qui démontrent la fréquence de ces mesquineries arbitraires. On pourra alléguer que ces arrestations et ces perquisitions arbitraires sont des vétilles et que, dans la plupart des cas, un non-lieu en ayant été l'aboutis. sement, ce sont des ennuis pen graves. Mais, alors, ne nous faisons plus d'illusions et qu'il soit convenu que tous les français ne sont désormais qu'en liberté provisoire et qu'à la première réquisition d'un policier ou d'un juge d'instruction ils devront se rendre docilement en prison. J'ai montré que les lois scélérates sont un danger permanent. Leur abrogation s'impose. Et la mesure qui doit être la conséquence immédiate de cette abrogation, ou même la précéder, c'est l'amnistie pleine et entière. Meunier, Chevry, Philippe, Monod, Bury, Mouysset et Paul Reclus doivent être amnistiés, Mais l'amnistie pure et simple serait une mesure insuffisante : elle n'atteindrait pas les victimes connexes. Pour Liard-Courtois, Lorion-Girier, Grangé, Forêt, Villisse, des mesures particulières sont indispensables : tous doivent être libérés sans phrases. Comment atteindre ce but ! En se fiant à l'action légale et parlementaire ? Certes non. Il faut l'agilation de la presse, des réunions, de la rue. EMILE POUGET Notre seur Depuis les jours premiers on conte sa hideur et qu'on avait dit son nom sous la lampe, Orgueilleuse et naïve au doux cæur difficile J'étais celle qui meurt du mal que l'on ignore; Parmi l'ombre factice où la lampe vacille On parlait dans la chambre étrangement sonore. Soudain elle est entrée et les voix se sont tues... Des immobilités pareilles à la mienne Mirent en un coin sombre un troupeau de statues ; Et l'hôtesse nouvelle en semblait la gardienne. Et rayant d'un sillon blême la chambre obscure D'attente impérieuse et de silence pleine, Elle fut près de moi, svelte et froide stature Qui de mon front pourtant détournait son haleine. Longtemps elle resta sans me canser de crainte que le soleil des aurores se lève... A cause des secours anciens, pour tout salaire ! vengeances voisines Qui guettent sûrement leurs jeunes habitudes. Alors elle viendra tandis qu'ils rient encore ; Mme CATULLE MENDÈS |