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Va, jela defavoue, & tu me fais horreur.
Barbare qu'as-tu fait ? avec quelle furie
As-tu tranché le cours d'une fi belle vie?
Avez-vous pû, Cruels, l'immoler aujourd'huy,
Sans que tout voftre sang se soûlevast pour luy s
Mais parle. Defon fort qui t'a rendu l'arbitre?
Pourquoy l'affaffiner ? Qu'a-t'il fait ? A quel titre ?
Qui te l'a dit?

ORESTE.

O Dieux! Quoy ne m'avez-vous pas Vous-mesme, icy, tantoft, ordonné fon ti épas ?:

HERMIONE.

Ah! Falloit-il en croire une Amante in fensée,
Ne devois-tu pas lire au fond de ma pensée ?
Et ne voyois-tu pas dans mes emportemens,
Que mon cœur démentoit ma bouche à tous mo..
mens?

Quand je l'aurois voulu falloit-ily foufcrire?
N'as-tu pas dû cent fois te le faire redire,
Toy-mefme avant le coup me venir confulter.,.
Y revenir encore ou plutoft m'éviter?
Que ne me laiffois. tu le foin de ma vangeance!.
Qui t'ameine en des lieux où l'on fuit ta prefence?
Voilà de ton amour le deteftable fruit.

Tu m'apportois, Cruel, le mal-heur qui te fuit.
C'eft toy, dont l'Ambaffade à tous les deux fatale,
L'a fait pour fon mal-heur pancher vers ma Rivale i
Nous le verrions encor nous partager les foins,
Il m'aimeroit peut-eftre, il le feindroit du moins.、
Adieu. Tu peux partir. Je demeure en Epire,
Je renonce à la Grece, à Sparte, à 1on Empire,
A toute ma Famille. Et c'eft affez pour moy,
Traiftre, qu'elle ait produit uu monftre comme
toy,

SCE

SCENE IV.

1

ORESTE feul.

Que vois-je ? Eft-ce Hermione? Et que viens-je

d'entendre?

Pour qui coule le fang que je viens de répandre ?
Je fuis, fi je l'en crois, un Traiftre, un Affaffin.
Eft-ce Pyrrhus qui meurt? & fuis-je Orefte enfin?
Quoy! j'étouffé en mon cœur la raison qui m'é-

claire.

J'affaffine à regret un Roy que je revere.

Je viole en un jour les droits des Souverains,
Ceux des Ambaffadeurs, & tous ceux des Humains,
Ceux mefine des Autels, où ma fureur l'affiege.
Je deviens Parricide, Affaffin, Sacrilege.
Pour qui? Pour une Ingrate, à qui je le promets,
Qui mefine, s'il ne meurt, ne me verra jamais,
Dont j'époufe la rage. Et quand jel'ay fervie,
Elle me redemande & fon fang & fa vie !
Elle l'aime! & je fuis un monftre furieux!
Jela voy pour jamais s'éloigner de mes yeux,
Et l'Ingrate, en fuyant, me laiffe pour falaire
Tous les noms odieux que j'ay pris pour luy plaire..

SCENE V.

ORESTE, PYLA DE,
Soldats d'ORESTE.

PYLADE.

IL faut partir, Seigneur. Sortons de ce Palais,

Ou bien refolvons-nous de n'en fortirjamais.
Nos Grecs pour un moment en défendent là Porte,
Tout le Peuple affemblé nous pourfuit à main forte.
Aux ordres d'Andromaque icy tout est foûmis.
Ils la traitent en Reyne, & nous comme Ennemis,

An:

Andromaque elle mefme à Pyrrhus fi rebelle,
Luy rend tous les devoirs d'une Veuve fidelle,
Commande qu'on le vange. Et peut-cftre qu'encor
Elle pourfuit fur nous la vangeance d'Hector.

Allons. N'attendons pas que l'on nous environne,
Nos Grecs nous rejoindront. Et tandis qu'Her.
mione

Tient encore le Peuple autour d'elle arrefté,

Voilà noftre chemin, fortons en feureté.

Non, non, fuivre,

ORESTE.

c'eft Hermione, Amis, que je veux

A fon dernier courroux, je ne puis plus furvivre:
Partez, j'ay fait le crime, & je vais l'expier.

PYLADE.

Hermione, Seigneur ? il la faut oublier.
Quoy toûjours l'inftrument, & l'objet de fa rage,
Cherchez-vous chez les Morts quelque nouvel
outrage?

Et parce qu'elle meurt, faut-il que vous mouriez ?

ORESTE.

Elle meurt? Dieux. Qu'entens-je!

PYLADE.

Hé quoy, vous l'ignoriez
En rentrant dans ces lieux nous l'avons rencontrée
Qui couroit vers le Temple, inquiéte, égarée.
Elle a trouvé Pyrrhus, porté fur des Soldats,
Sans doute à cet objet fa rage s'eft émuë.
Mais du haut de la porte enfin nous l'avons veuë,
Un poignard à la main, fur Pyrrhus fe courber,
Lever les yeux au Ciel, fe frapper, &tomber.

ORESTE

Grace aux Dieux! Mon mal-heur paffe mon espe

rance.

Ouy, je telouë, ô Ciel! de ta perfeverance.
Appliqué fans relasche au foin de me punir,
Au comble des douleurs tu m'as fait parvenir.
Ta haine a pris plaifir à former ma mifere,

J'eftois

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J'eftois né pour fervir d'exemple à ta colere..
Pour eftre du Mal-heur un modelle accomply
Hé bien, je meurs content, & mon fort eft rem-

ply.

Où font ces deux Amans ? Pour couronner ma joye,

Dans leur fang, dans le mien, il faut que je me

noye.

L'un & l'autre en mourant je les veux regarder

Reüniffons trois cœurs, qui n'ont pû s accorder, Mais quelle épaiffe nuit tout à coup m'envi ronne?

De quel coté fortir? D'où vient que je friffonne? Quelle horreur me faifit? Grace au Ciel, j'entrevoy.

Dieux! Quels ruiffeaux de fang coulent autour

de moy!

Ah Seigneur !

PYLADE.

ORESTE.

Quoy, Pyrrhus, je te rencontre encore ?
Trouveray-je partout un Rival que j'abhorre?
Percé de tant de coups comment t'es-tu sauvé?
Tiens, tiens, voila le coup que je t'ay reservé.
Mais que vois-je ? A mes yeux Hermione l'em-
braffe?

Elle vient l'arracher au coup qui lemenaffe?
Dieux, quels affreux regards elle jette fur moy!
Quels Demons, quels ferpens traifne-t'elle aprés
foy!

Hé bien, Filles d'Enfer, vos mains font-elles preftes?

Pour qui font ces Serpens qui fifflent fur vos teftes?

A qui deftinez-vous l'appareil qui vous fuit?
Venez-vous m'enlever dans l'éternelle Nuit?
Venez, à vos fureurs Oreftes'abandonne.
Mais non, retirez-vous, laiffez faire Hermione.

L'In

L'Ingrate mieux que vous fçaura me déchirer,
Et je luy porte enfin mon coeur à devorer.

PYLADE.

Il perd le fentiment. Amis, le temps nous preffe, Ménageons les momens que ce transport nous laiffe.

Sauvons-le. Nos effors deviendroient impuiffans,

S'il reprenoit icy farage avec les fens;

FIN

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