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bien davantage, monseigneur, lui répondit vivement le poëte, si je savais écrire comme vous savez parler et agir.

Au sortir d'une autre représentation, un homme de la cour, qui donnait la main à une dame tout à fait attendrie, dit à l'auteur : Voici deux beaux yeux auxquels vous avez fait répandre biens des larmes. Ils s'en vengeront sur biens d'autres, répliqua Voltaire.

D'abord Voltaire n'avait point mis d'amour dans cette pièce; mais lorsqu'il la présenta, les comédiens la refusèrent. H consentit donc à y en mettre, et la présenta de nouveau; il éprouva encore de grandes difficultés de la part des acteurs, et ce ne fut qu'en employant tous ses amis, qu'il parvint à cbtenir que le théâtre s'en chargeât.

Le duc d'Orléans, régent, par ordre duquel Voltaire était à la Bastille, lorsqu'on représentait sa tragédie d'OEdipe, s'étant trouvé à l'une des représentations de cette pièce, en fut si charmé, qu'il rendit la liberté au prisonnier. Voltaire vint sur-le-champ en remercier le Prince, qui lui dit: «Soyez sage, et j'aurai soin de vous ». Je vous suis infiniment obligé, répondit Voltaire, mais je supplie votre altesse de ne plus se charger de mon logement ni de ma nourriture.

OEDIPE, tragédie, par Lamotte, 1726.

Lamotte a fait deux OEdipes, l'un en prose, l'autre en vers; tous deux se ressemblent à la rime près. Il prétendait que la prose pouvait s'élever aux expressions et aux images poétiques; et c'est pour le prouver qu'il fit une ode et cette tragédie en prose. L'un et l'autre sont des chefsd'œuvré de ridicule. Il disait un jour à Voltaire, à propos de son OEdipe: C'est le plus beau sujet du monde; il faut

que je le mette en prose. Faites cela, lui répondit Voltaire, je mettrai votre Inès en vers.

OEDIPE A COLONE, tragédie, de Sophocle.

L'OEdipe à Colóne est la suite du premier OEdipe de Sophocle. On prétend qu'il le composa à l'âge de près de cent ans. Quoi qu'il en soit, en voici le sujet : OEdipe, aveugle, et exilé de son pays, se trouve par hasard près d'Athènes, en un lieu nommé Colone; il se ressouvient qu'Apollon lui a prédit qu'il y mourrait, et que son tombeau serait, pour les Athéniens, le présage qu'ils vaincraient tous leurs ennemis. C'est dans ce lieu et sous le parvis du temple des Euniénides, que se passe la scène. OEdipe paraît d'abord accompagné d'Antigone; il s'assied et apprend d'un passant quel est le lieu où il se trouve; il en tire un favorable augure. Un autre passant lui apprend qu'Athènes est gouvernée par Thésée ; OEdipe l'engage d'aller prier ce roi de se transporter vers lui; le passant s'y refuse, et court à Colone avertir les habitans qu'un vieillard, aveugle et accablé de misère, souille l'entrée du temple des Euniénides. Sur cet avis, les Anciens arrivent, et l'interrogent; il leur apprend qu'il est le fils de Laïus. A ces mots, ils semblent vouloir le chasser, ainsi que sa fille; mais enfin son éloquence et celle d'Antigone touchent le cœur des Athéniens. Sur ces entrefaites, Antigone reconnaît sa sœur Ismène, qui les cherche depuis long-tems, pour partager leurs peines. C'est alors qu'OEdipe fait sentir la différence qu'il y a entre son fils et ses filles; c'est alors qu'il apprend à Ismène l'oracle qui prédit que son tombeau sera funeste aux Thébains, s'il est inhumé dans une terre étrangère; oracle qui rend OEdipe plus respectable aux yeux des Athéniens. Thésée arrive enfin à Colone, et en

roi généreux, il offre à OEdipe ses états pour retraite: OEdipe ne lui demande qu'un tombeau, qui doit être funeste, dit-il, à ses fils qui l'ont exilé, lorsqu'il ne songeait plus à partir. OEdipe choisit Colone pour asyle. Mais Créon, instruit de l'oracle, vient le redemander au nom des Thébains. Soins inutiles! OEdipe s'obstine à rester : Créon proteste qu'il emploiera la violence, et entraîne en effet Ismène et Antigone. Heureusement Thésée se montre à l'improviste, fait fermer les issues pour couper le chemin aux ravisseurs, et retient Créon en ôtage. Enfin, il ramène les deux filles d'OEdipe. Cependant, Polynice, fils d'OEdipe, arrive et demande à voir son père, qui rejette d'abord sa demande, et finit par céder à l'importunité. Polynice paraît, mais c'est en vain qu'il espère obtenir grâce d'un père justement courroucé, à la faveur de ses sœurs, dont il a sollicité l'appui. Le vieillard indignécharge ses fils de malédiction, et Polynice retourne rejoindre ses alliés, à la tête desquels il dispute à son frère le trône de Thèbes.

Soudain un coup de tonnerre se fait entendre; OEdipe, qui le regarde comme le présage de sa mort, fait rappelen Thésée. Le roi arrive : OEdipe, conduit par sa fille, marche vers le lieu où la terre doit l'engloutir, et enfin on vient raconter la mort merveilleuse du prince exilé, sous les pas duquel la terre s'est doucement entr'ouverte, pour le recevoir sans violence et sans douleur.

OEDIPE A COLONE, tragédie-opéra en trois actes, par M. Guillard, musique de Sacchini, à l'Opéra, 1787. Polynice, l'un des fils d'OEdipe, devait partager, avec son frère Etéocle, le trône de Thèbes, après en avoir banni ec prince malheureux, qui, victime de la fatalité, a tué son

père, Laïus, et épousé Jocaste, sa mère, sans les connaître; mais Etéocle, après avoir régné une année, refuse de céder le trône à son frère, ainsi qu'ils en étaient convenus. Polynice, comme on vient de le voir dans Sophocle, se retire dans Argos, auprès d'Adraste, qui lui donne sa fille en mariage, et qui, secondé par sept héros grecs, lui promet d'aller mettre le siège devant Thèbes.

Ce que Sophocle a dit d'Adraste, M. Guillard l'attribue à Thésée, roi d'Athènes. Ce prince, qui vient d'accorder à Polynice sa fille Eryphile, exhorte ses soldats à le secourir. La scène se passe devant le temple des Euménides, déesses tutélaires de l'Attique, mais formidables, et dont le crime n'ose approcher. Thésée propose à son nouveau gendre de les rendre favorables à ces nouds, en leur offrant un sacrifice; mais ce prince, tourmenté par ses remords, craint tout de leur courroux, et fait, devant Thésée, l'aveu de sa conduite criminelle envers son père, qu'il a refusé de recevoir dans ses états tandis qu'il régnait. Le roi, persuadé de son repentir, espère que les déesses en seront touchées. On offre le sacrifice; on les interroge; mais les plus fâcheux augures indiquent leur colère: leur temple s'ouvre et les laisse voir elles-mêmes dans une attitude menaçante ; peuple consterné s'enfuit avec les marques du plus terrible effroi.

Plus agité que jamais par ses remords, Polynice aper çoit un vieillard aveugle, soutenu par une jeune fille, descendre la montagne. Il reconnaît, dans l'une, sa sœur Antigone, et dans l'autre, OEdipe, qui s'était privé de la vue, pour se punir de ses crimes involontaires. Il ne peut soute→ nir leur présence. OEdipe s'arrête accablé de fatigue; et là, passe ses malheurs en revue devant sa fille, qui cherche à le consoler: il veut mourir. Vous demandez la mort,

lui

le

dit Antigone, avec une siniplicité touchante, que deviendra votre Antigone, si vous l'abandonnez ? Elle l'assure que bonheur de le servir lui paraît préférable à l'empire du monde.

OEdipe demande où il est ; la description du lieu lui rappelle de douloureux souvenirs, et lui rend toutes ses fureurs. Il croit voir le sentier où il a tué son père, l'autel où il a épousé sa mère; il prend sa fille pour Jocaste, pour Polynice; il se calme enfin en la reconnaissant. Les habitans de Colone arrivent, et, voyant un étranger sur un terrein consacré aux Euménides, et sur lequel il n'était pas permis de s'arrêter, veulent l'en chasser; ils l'interrogent. Antigone tremblante répond pour lui; mais on veut qu'il parle lui-même. Son trouble, son état le font reconnaître pour OEdipe, et la fureur du peuple s'en augmente; enfin, Thésée arrive, appaise ces séditieux, et prend OEdipe sous sa protection.

Au troisième acte, Polynice, rendu à la vertu, annonce à sa sœur, que le peuple mutiné accuse OEdipe de ses malheurs, et demande qu'il soit sacrifié aux Euménides;

que la fuite peut seule le dérober à leur fureur. Il sent en

même tems que le secours de cette jeune princesse est insuffisant à son père; il offre, s'il peut en obtenir son pardon, de partager les soins de sa sœur, et de renoncer à sa vengeance, à son trône, à la main même d'Eryphile.

Thésée ramène OEdipe, et recommande à Antigone la cause de Polynice, qu'il ne nomme point. A ce mystère, OEdipe reconnaît Polynice, qui tombe à ses pieds, implore son assistance, et lui fait part de ses projets; le roi demeure inflexible, il désavoue Polynice pour son fils.

Antigone me reste, Antigone est ma fille;

Elle est tout pour mon cœur, seule elle est ma famille.

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