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Sérénissime! A ma plus profonde douleur je me vois obligé de Vous communiquer que Votre auguste Fils, le Prince-héritier, est muet, et que jamais Il n'aura le don de la parole.

Vraiment?... Ma foi, mon cher conseiller médical, cela lui sera peut-être utile au cours de son existence !

Mais Simplicissimus ne s'attaque pas qu'à l'unique Guillaume II. Comme il combat« tous les désordres sociaux », le journal est, inévitablement, en guerre ouverte avec toutes les institutions sociales, génératrices ou protectrices intéressées du désordre: la famille, la religion, la propriété, le militarisme, la justice.

Bruno Paul bafoue la religion dans la personne de ses interprètes : curés glabres et gras, pasteurs onctueux.

C'est, tantôt, un ventripotent curé bavarois, qui reçoit, la veille d'un scrutin, la visite d'une délégation d'électeurs, venus pour lui demander conseil.

Loin de moi, leur dit l'ecclésiastique, l'intention de m'immiscer dans vos affaires politiques... Mais, sachez bien que celui qui voterait pour le candidat de la Fédération agricole (Bauernbund), encourrait la damnation éternelle.

Une autre fois, le même artiste nous montre deux pasteurs protestants, membres de l'« Association évangélique », cravatés de stuc et recouverts d'interminables lévites. Joyeux, l'un des compères se frotte les mains :

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Bonne année, cher collègue, excellente année! Nous avons chez nous trois attentats à la pudeur de moins que chez les catholiques!

Puis ce saisissant dessin de Rudolf Wilke: un régiment de cavalerie en partance pour la Chine, devant lequel se tient debout, tête nue, un clergyman roux, qui conclut ainsi sa harangue aux troupiers:

Soldats chrétiens, vous saurez faire votre devoir. Vive le bon Dieu! Hurrah! Hurrah! Hurrah!

Quant au militarisme, Eduard Thoeny le ridiculise dans ses professionnels, les officiers: brutes à monocle, impertinents, ignorants, arrogants, chasseurs de dots, bourreaux de soldats, assassins impunis-ou, si condamnés, graciés aussitôt de pékins.

Quelques légendes diront l'esprit et la tendance de ses charges. Dialogue bref entre mère et fils. (Le jeune homme est officier de hussards) :

-

Eh bien, Edgard, l'état militaire te plaît-il?

Que veux-tu, maman!... Il faut bien avoir une occupation. Pourvu seulement qu'elle ne dégénère pas en travail !

Dans une soirée.

Un officier parle :

Bah! ce Tolstoy et cet Egidy sont les véritables prototypes de la décadence moderne: d'abord d'excellents officiers, n'est-ce pas ? Et maintenant?... C'est du propre !

L'inspection passée, un général fait part de ses impressions à son aide de camp:

Je ne suis pas satisfait de ce régiment. Mais pas du tout!... Les physionomies de ces gaillards sont toutes dissemblables encore.

Bruno Paul fait monologuer ainsi un de ses galonnés :

L'honneur, l'amour, et la faim: voilà les ressorts qui font marcher le monde. Pour l'honneur nous avons le duel, pour l'amour le corps de ballet et pour la faim, Dieu soit loué, le mariage riche."

Confidences entre « chers camarades »> :

Alors, le camarade va se marier? Mes félicitations! Et la fiancée, comment est-elle ?...

- A vous dire la vérité, moi elle ne me plaît pas !

« Le lieutenant est lâché! » (Der Leutnant ist los!)

C'est le cri

T'alarme qui retentit dans les rues de Cassel et qui y provoque une

indicible panique. Les citadins, éperdus, fuient de tous côtés... qui escaladant un arbre, qui enjambant une fenêtre, tel autre essayant de s'introduire dans une quelconque maison, dont les occupants, affolés, lui ferment la porte au nez. C'est, en un mot, une scène du « Chien enragé de Goldsmith illustrée par Caldecott... Tout au fond on aperçoit un minuscule officier, appuyé sur son sabre et qui regarde d'un air de défi triomphal la foule apeurée.

Ce dessin fait allusion à la mise en liberté, par ordre suprême, d'un lieutenant qui, quelques semaines auparavant, avait embroché un promeneur vulgaire Zivilist (pékin), lequel, sur le passage du guerrier, ne s'était pas rangé avec une prestesse et un respect suffisants.

Bruno Paul, Th.-Th. Heine et Rudolf Wilke se gaussent encore d'une autre spes patriae: la jeunesse étudiante.

A vrai dire, leurs modèles ne sont ni studieux ni rigoureusement jeunes. Ce sont d'inassouvissables buveurs de bière dont les trognes couturées et abêties disent tout autre chose que l'assiduité aux cours universitaires. Mais cela ne les gênera pas dans la carrière. Ils seront médecins, théologiens, avocats, juges, et en cette qualité dernière, ils distribueront, sans compter, des milliers de mois et des centaines d'années de prison pour ivresse publique, tapage nocturne, injures et pugilat.

:

Voici le sujet d'un dessin de Th.-Th. Heine le Premier duel du Prince-héritier, publié peu après l'inscription du Kronprinz à l'université de Bonn.

Le prince, capitonné des pieds à la tête, se prépare à battre sa première Mensur. Au moment décisif un scrupule lui vient :

En vérité, messieurs, je ne sais pas si je fais bien de me battre. Le duel est défendu par les lois, et en ma qualité de futur chef de l'État... Cela n'a aucune importance, Altesse. Nous mêmes ne serons-nous pas, un jour, juges et avocats généraux ?

- Dites-moi, monsieur, êtes-vous satisfaktionsfaehig (1)?- demande un étudiant émêché à un ouvrier qui vient de lui flanquer un souflet.

- Comprends pas!...

En ce cas, de quel droit me giflez-vous ?

Dans sa série intitulée Le Prince-héritier, Th.-Th. Heine ridiculise en même temps la présomption des gouvernants et le byzantinisme des foules.

Le futur potentat, âgé d'une demi-douzaine d'années, cause avec quelques petites filles :

Moi, dit l'une des fillettes, j'ai une poupée qui crie « maman! » quand on lui appuie le doigt sur l'estomac.

(1) Satisfaktionsfaehig littéralement apte à donner satisfaction par les armes, est tout individu dont la situation sociale permet qu'on se batte avec lui sans déroger ou se compromettre.

La belle affaire! réplique le petit prince. Lorsque je serai grand j'aurai soixante millions de poupées qui crieront « hurrah!» quand je leur marcherai sur le dos.

Dans le Mėgot du Prince nous voyons une foule délirante: laquais, courtisans civils et militaires, ministres... se précipiter, en se distribuant force coups de poing, de dents et d'ongles, sur le bout de cigare que la future majesté a négligemment laissé choir.

D'un même esprit est le dessin, où l'hôte d'un bourgmestre rural questionne son amphitryon sur les antécédents d'une vieille botte, conservée sous verre dans le salon du magistrat.

-Çà, c'est une de mes bottes sur laquelle le Prince, lors de son passage ici, a daigné cracher, par mégarde.

Les Krautjunker, les hobereaux, qui entre autres prérogatives ont conservé celle d'abattre, indemnes de toute punition, les gens du commun, ne sont pas non plus oubliés par Simplicissimus. Leur état d'esprit est caractérisé dans cette légende d'un dessin de Rudolf Wilke : - Mon grand-père était, il est vrai, une ignoble crapule, mais comme ancêtre il compte tout de même !

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