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LE PROLETARIAT JUIF MONDIAL

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des

inexpérimentés, furent dépouillés de leurs maigres ressources par sociétés philanthropiques. Dans la Louisiane,90 pour 100 furent atteints de la fièvre jaune. Il ne reste de ces tentatives intéressantes que quelques colonies dans l'État de New Jersey.

La colonisation agricole juive a bien réussi dans la République Argentine, grâce à la Jewisch Colonization Association fondée par le baron Maurice de Hirsch (en 1890-91). En 1899, la population des colons atteignait 6.806 personnes et le nombre d'hectares de terre ensemencés était de 44.837 (1),

PAYS DIVERS

Il existe un grand nombre d'ouvriers juifs disséminés un peu partout. Sans entrer dans de longs détails, nous citerons encore la Belgique, l'Allemagne et la Hollande.

Dans l'industrie diamantaire, à Anvers, on estime à 600 ou 700 le nombre des ouvriers israélites, mais, indépendamment de cette catégorie, la population israélite indigente est assez nombreuse.

En ce qui concerne l'Allemagne, le rapport de 1897 du Bureau Impérial de statistique annonce qu'il y avait, en 1895, 3.371 juifs se livrant à l'agriculture, dont 1616 étaient propriétaires, 76 employés et 1679 ouvriers. Dans l'industrie il y avait 23.598 patrons, 5.566 employés et 16.329 ouvriers. Dans le commerce il y avait 80.105 patrons, 14.997 employés et 38.349 ouvriers. Il y avait aussi 6.371 juifs domestiques.

<<< Il existe en Allemagne, dit M. Solowestschik, une grande Union pour l'extension des métiers et de l'agriculture parmi les juifs, laquelle a des succursales dans les principales villes. Chaque année, des centaines et des centaines de jeunes gens apprennent, grâce à cette société, un métier quelconque. En Posnanie les artisans juifs sont dans une grande misère et dans la ville de Posen, par exemple, il y a tout un prolétariat juif. »

En Hollande, l'industrie diamantaire, dont le centre est Amsterdam, est entre les mains des grands marchands juifs; mais la plupart des ouvriers employés sont juifs; depuis quelques années la proportion a

(1) Nous donnons ces renseignements pour achever de montrer ce qu'il y a d'excessif et d'absurde dans le préjugé qui attribue aux Juifs une «< répugnance native à l'endroit de l'agriculture.

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Chaque colon reçoit en moyenne 100 hectares de terre, quatre bœufs, quatre bouvillons, deux juments, etc., etc. Ces avances sont estimées à 8.000 francs. Les colons doivent le remboursement de ces avances, toujours en nature.

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Les colonies sont divisées en trois grands centres : Moisesville (province de Santa-Fé); Mauricio (province de Buenos-Aires); colonies d'Entre Rios (province de l'Entre Rios). Les cultures principales sont le blé, le lin, le maïs et la luzerne. On fait aussi l'élevage et la laiterie. Ce qu'il y a de plus remarquable, dit M. Maurice Ravidat, c'est l'adaptation de tous ces gens à une vie, à des cultures, à un pays tout à fait nouveaux pour eux. quelques-uns étaient des agriculteurs, beaucoup n'avaient jamais quitté les villes ; et cependant même la transplatation de ces derniers a parfaitement réussi. » (De l'Assistance par la Colonisation).

Si

diminué. Voici un tableau des ouvriers par branches de travail; il a été dressé par Solowestschik d'après les renseignements fournis par M. Hermann Kuijper, secrétaire de l'Union Générale Néerlandaise des Ouvriers diamantaires.

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Ce qui fait une proportion de 60 p. 100 environ d'ouvriers juifs.
Voici les renseignements donnés par M. Kuijper à l'auteur du Prolé-

tariat méconuu:

Le sweating system existe dans le brutage des roses. Il y a 25 ans on ne connaissait que des hommes dans ce métier; l'abaissement des salaires fit que le débruteur de roses, qui travaillait chez lui, prit des apprentis, en général des jeunes filles, qui devenaient en quelques mois des ouvrières, mais qui ne gagnaient que 1, 2, 3 florins au maximum par semaine. Ces jeunes ouvrières, habituées à des salaires très bas, tàchèrent d'obtenir l'ouvrage directement des fabricants, acceptant des prix beaucoup moins élevés que ceux qui étaient payés auparavant à leurs patrons. Les fabricants ne demandaient pas mieux et, quelque temps après, ces ouvrières commencèrent à leur tour à prendre des apprenties. Le salaire tomba progressivement et en quelques années les ouvriers, ne pouvant plus tenir tète aux ouvrières, quittèrent le métier complètement ou devinrent débruteurs de brillants; à l'heure actuelle il n'y a que deux débruteurs de roses.

Le travail est exercé dans les mansardes, dans les caves, souvent dans les chambres où toute la famille de l'ouvrière est logée. Le chômage est très fréquent et la durée du travail varie selon la saison. La grande majorité des débruteuses travaille ou seule, ou avec une à dix ouvrières, de 6 à 7 heures le matin jusqu'à minuit; quelquefois et surtout les jeudis, on travaille de 6 heures du matin jusqu'à 2 à 3 heures de la nuit. Le salaire varie de 2 à 8 florins par semaine.

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Jusqu'à ces dernières années, le sentiment religieux était très développé chez l'ouvrier juif, mais depuis quelque temps, il s'affaiblit. L'ouvrier juif s'est complètement assimilé à l'ouvrier chrétien ils restent pauvres et il

n'y a plus d'autres différences entre eux que la façon dont ils dépensent leur argent. Les jeunes filles juives ouvrières se marient dès l'âge de 17 à 18 ans, mais le mariage, dans ces dernières années, chez les ouvriers juifs, a une tendance à être retardé. D'après les renseignements que j'ai pu recueillir chez les fabricants, ceux-ci préfèrent l'ouvrier juif, qui, quoique très grincheux et exigeant, travaille plus régulièrement, à l'ouvrier chrétien qui n'est pas aussi exact dans l'exécution de ses promesses.

Outre les ouvriers diamantaires, il y a à Amsterdam d'autres ouvriers et artisans juifs. Dans les fabriques, les ouvriers juifs n'existent pour ainsi dire pas, à cause du travail du samedi. La plupart des artisans sont des tailleurs, charpentiers, cordonniers, cigariers, etc., etc.

Beaucoup d'ouvriers juifs travaillent à Amsterdam sous le «sweating » et leur situation est très triste : la durée du travail est de 15 heures par jour et quelquefois plus, leur gain est à peine de 5 à 10 florins par semaine et les femmes n'en gagnent que 2 à 6. Les tailleurs qui travaillent chez les patrons ne faisant de l'ouvrage que pour les particuliers gagnent 12 à 14 florins par semaine et leur situation est meilleure. » (1)

EN ALGÉRIE

Nous serons bref sur la situation des israélites d'Algérie. Ceux qui veulent se renseigner d'après les faits et non d'après les polémiques savent qu'il existe une population israélite vivant au jour le jour aussi bien dans la province d'Alger que dans celle d'Oran et de Constantine. Rappelons quelques faits significatifs. On prétend que les Juifs sont maîtres des fonctions et de l'administration.

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Or, sur 17.843 fonctionnaires, il y a seulement 256 juifs. Entrons dans quelques détails. Il y a près la Cour d'appel d'Alger 29 conseillers français seul juif; 9 greffiers et commis-greffiers aucun juif; 3 interprètes aucun juif; 7 avoués et défenseurs I juif. Il y a 101 présidents et juges des tribunaux civils — aucun juif. Il y a 37 procureurs et substituts aucun juif; 4 notaires juifs sur 91; 10 huissiers juifs sur 111. Il y a 170 employés français dans l'enregistrement, pas un seul 'juif; 142 juges de paix dont 2 juifs; 48 greffiers dont 4 juifs (2). II y a en Algérie, parmi les juifs, une population ouvrière, une population industrielle et commerçante (classes moyennes) et une petite aristocratie du commerce.

Pour combattre cette fraction riche, la municipalité anti-juive d'Alger a établi une taxe progressive sur l'emplacement occupé par les marchands-déballeurs ou petits colporteurs. Un colporteur occupent 2, 3, 4 mètres d'étalage, paye 1 fr. 50 ou 1 fr. 8o le mètre, tandis que les grands

(1) Un Proletariat méconnu.

(2) Voir le très intéressant discours de M. Gustave Rouanet, prononcé à la Chambre des députés les 19 et 24 mai 1899.

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LA REVUE BLANCHE

étalages des magasins payent 25 ou 30 centimes. Ensuite la municipalité a supprimé l'exonération des loyers au-dessous de 300 francs, habités généralement par les juifs pauvres.

En effet, la statistique professionnelle des ménages juifs annonce pour Alger 700 ménages qui occupent une chambre; à Oran, il y a 1.350 indigents; à Constantine, 780 ménages de 5 personnes en moyenne n'occupent qu'une seule pièce.

Détail significatif : à Constantine, la principale clientèle du mont-depiété est israélite, si bien que cette administration se voit obligée de transporter ses bureaux dans le quartier juif.

Les juifs pauvres à Constantine ne connaissent que les vieux métiers de ferblantiers, cordonniers-savetiers, tailleurs, bijoutiers. Établis dans des échoppes misérables ils ne produisent que des articles à bas prix (leur clientèle est exclusivement arabe et juive). Battus en brêche par la concurrence des musulmans et surtout par les grandes maisons à capitaux qui, achetant des matières premières à bas prix, embauchant pendant la morte saison des équipes d'ouvriers à des salaires dérisoires, avilissent les cours. Certains ne gagnent que 3 à 5 francs par semaine ; les plus heureux n'ont pas 2 francs un jour dans l'autre. Il est à remarquer que les ouvriers juifs perdent ces habitudes de tempérance qui les faisaient particulièrement apprécier des employeurs et des... moralistes. L'Européen est venu lui apporter son alcool, afin de lui donner (comme aux autres peuples qu'il civilise) le stimulant nécessaire qui remplace l'énergie naturelle celle qui naît de l'alimentation suffisante, du repost et du bien-être.

Abstraction faite d'un petit groupe de cigarières et d'ouvrières en sacherie, gagnant un maximum de 2 francs par jour, les femmes juives de Constantine sont ou domestiques ou couturières en gandourah (chemises arabes en cotonnade). La confection des gandourahs en occupe un grand nombre. Mais leur salaire, considérablement avili par la concurrence européenne et par l'abondance de la main d'œuvre, est devenu dérisoire. Une gandourah rapporte 10 centimes. Or, une ouvrière diligente, pas trop dérangée par les soins à donner au ménage, et travaillant à la machine arrive à confectionner 7 ou 8 gandourahs, c'est-à-dire à gagner au maximum 14 à 16 sous par jour.

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Ajoutons que ceux qui ont observé cette population ouvrière et ils sont peu nombreux savent que les confectionneuses de gandourahs sont soumises à tous les caprices des employeurs mozabites, sous peine de perdre tout travail et tout emploi.

A PARIS

On évalue à cinquante mille environ la population juive à Paris, mais ce chiffre doit être inférieur à la réalité, si l'on tient compte de l'émigration incessante des israélites de Russie et de Roumanie.

Ces cinquante millejuifs, que l'imagination et la crédulité populaires.

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se représentent comme des usuriers, des agioteurs, des spéculateurs et des affameurs, comprennent environ vingt mille prolétaires, ouvriers ou indigents; le reste est composé de marchands appartenant aux classes moyennes et aux classes aisées; une poignée seulement s'occupe de finance, de trafic et de prêts; enfin quelques-uns vivent des revenus de leurs millions et se divertissent dans les recherches archéologiques ou philologiques...

Les ouvriers juifs ne répugnent à aucun métier. (Nous l'avons constaté chez les Russes et les Roumains.) A Paris, ils exercent principalement les métiers de casquettiers, ébénistes, menuisiers, tailleurs, cordonniers, caoutchoutiers, diamantaires, finisseurs de chaussures, fourreurs, etc.

Nous allons donner quelques renseignements sur les casquettiers qui ont attiré l'attention publique au mois de septembre dernier, à propos d'une grève générale.

Il y a une vingtaine ou une trentaine d'années, la fabrication de casquettes était si peu importante à Paris, qu'on recevait cet article d'Allemagne. La France était importatrice; aujourd'hui elle est exportatrice. Ce sont les ouvriers et les petits patrons juifs qui ont créé cette industrie dans la capitale et lui ont donné le développement où elle est arrivée. Bicyclistes et chauffeurs de l'Eillet Blanc, de l'Épatant, du Jockey se coiffent avec les élégantes casquettes fabriquées par les ouvriers juifs ils en sont ravis.

Le syndicat des ouvriers casquettiers qui a sa permanence à la Bourse du Travail (4° étage, bureau 31), comprend plusieurs centaines de membres. Mais on estime à 1.000 ou 1.200 le nombre des ouvriers casquettiers, presque tous juifs, qui habitent le Marais. Il est à remarquer que les femmes sont plus nombreuses que les hommes. S'il n'y avait pas cinq ou six mois de chômage (coupés par des extras), le métier ne serait pas un des moins rémunérateurs. Mais ici, comme dans une foule d'autres industries, il faut compter avec la morte. De sorte que le salaire moyen est de 4 francs et 4 fr. 50 environ. Pour les femmes (qui s'occupent surtout du finissage), il est de 2 francs, 2 fr. 25 en moyenne. C'est peu dans une industrie qui est classée, désormais, dans les industries de luxe et où l'ouvrier doit fournir de ses propres mains un outillage d'une valeur de 200 francs environ, lequel exige un entretien constant qui nécessite une dépense annuelle de 40 francs environ. Ajoutons que le métier des casquettiers doit être rangé dans la catégorie des métiers insalubres. Les ateliers où l'on travaille par 4, 6, 10, 15 et 20 sont excessivement malsains, à cause du manque d'air, de l'humidité et de l'exiguïté des locaux. En outre, les poussières et les vapeurs délétères qui se dégagent dans l'opération du bichonnage des casquettes exercent des ravages sérieux dans les voies respiratoires, ce qui est du reste visible sur les visages absolument blancs des ouvrières et des ouvriers : les cas de tuberbulose sont fréquents dans cette population et la promiscuité les développe sans cesse.

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