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Comme une perdrix qui a perdu ses petits, j'erre par les montagnes. On m'a dit que tu as un piège; tends-le, pour que j'aille y tomber.

*

Lune, tu te vantes d'éclairer notre monde;

Voici une lune terrestre en mes bras, sa joue contre ma joue.
Si tu ne me crois pas, je vais écarter les pans de la robe;
Mais j'ai peur que tu n'en deviennes amoureuse et que la lumière

tu donnes au monde n'en décroisse.

que

O ma fleur-nénuphar, je demeure dans l'eau où tu as poussé;

Tu fais de l'eau un prétexte; à cause de mon amour, je frissonne comme le saule,

Je vais tarir l'eau tout autour de toi, pour que tu te dessèches sur ta tige;

Et de mes yeux je ferai jaillir un ruisseau, je t'en arroserai pour te faire revivre.

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Je suis dure comme le rocher sur lequel nulle plante ne pousse.

Je suis haute comme le nuage que personne ne peut atteindre.

Il faudrait un puissant archer avec un arc en os de bœuf,

Et à la corde en peau de loup; celui-là pourrait peut-être atteindre

mon cœur.

Celui qui n'a pas pitié du jeune homme qui souffre d'amour, Qu'il meure dans une forêt, la bouche privée du Saint-Sacrement; Que les serpents lui fassent un cercueil, que les crapeaux lui servent de diacres,

Que le corbeau lui serve de curé et que le geai noir lui serve de

moine !

NAHABED KOUTCHAK

Traduit de l'arménien par ARCHAG TCHOBANIAN.

Notes politiques et sociales

L'ALLIANCE FRANCO-RUSSE

M. Léon Tolstoï répond par cette lettre (en français) à trois questions de M. Pietro Mazzini, correspondant parisien des «< Roma », <<< Caffaro » et « Revista theatrale italiana >> :

Cher Monsieur,

Ma réponse à votre première question: Ce que pense le peuple russe de l'Alliance franco-russe, est celle-ci :

Le peuple russe, le vrai peuple, n'a pas la moindre idée de l'existence de cette alliance; si cependant cette alliance lui était connue, je suis sûr que (tous les peuples lui étant également indifférents) son bon sens ainsi que son sentiment d'humanité lui montreraient que cette alliance exclusive avec un peuple plutôt qu'avec tout autre ne peut avoir d'autre but que de l'entraîner dans des inimitiés et peut-être des guerres avec d'autres peuples, et elle lui serait à cause de cela au plus haut point désagréable.

A la question si le peuple russe partage l'enthousiasme du peuple français je crois pouvoir répondre que non seulement le peuple russe ne partage pas l'enthousiasme du peuple français (si cet enthousiasme existe en effet, ce dont je doute fort), mais s'il savait tout ce qui se fait et se dit en France à propos de cette alliance, il éprouverait plutôt un sentiment de défiance et d'antipathie pour un peuple qui sans aucune raison se met tout à coup à professer pour lui un amour spontané et exceptionnel.

Quant à la troisième question: Quelle est la portée de cette alliance pour la civilisation en général? je crois être en droit de supposer que, cette alliance ne pouvant avoir d'autre motif que la guerre ou la menace de la guerre dirigée contre d'autres peuples, son influence ne peut être que malfaisante. Pour ce qui est de la portée de cette alliance pour les deux nations qui la forment, il est clair qu'elle n'a produit jusqu'à présent et ne peut produire dans l'avenir que le plus grand mal aux deux peuples. Le gouvernement français, la presse ainsi que toute la partie de la société française qui acclame cette alliance, ont déjà fait et seront obligés de faire encore de plus grandes concessions et compromissions dans leurs traditions de peuple libre et humanitaire pour faire semblant d'être ou être, en effet, unis d'intentions et de sentiments avec le gouvernement le plus despotique, rétrograde et cruel de toute l'Europe. Et cela a été et ce sera une grande perte pour la France. Tandis que pour la Russie cette alliance a déjà eu et aura, si elle dure, une influence encore plus pernicieuse. Depuis cette malheureuse alliance, le gouvernement russe, qui avait honte jadis de l'opinion européenne et comptait avec elle, ne s'en soucie plus, et, se sentant soutenu par cette étrange amitié d'un peuple réputé le plus civilisé du monde, [suivre sur le manuscrit.]

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Kaxerunt devient

de jour en jour plas rétrograds. plus despotique et plus cruel. De sorte que cette étrange et malheurlise alliance the part avoir d'après mon sperion que l'infliccnée la plas mejente sur le bienêtre des lauwe peuples ainsi que sur la civilisation. en general.

Recevez cher Monseen l'asse rance de mes sentiments lis

polles distingues.
Lem Folday.

و

I septembri 1901.

EN ORIENT

Les litiges que la Porte a encore ou vient d'avoir avec diverses puissances, France, Angleterre, Italie, Allemagne même, ne laissent pas que de mériter au moins une notation. Il ne convient pas de s'illusionner sur leur ampleur, et de se perdre à leur propos dans des considérations métaphysiques. Ils ont tous plus ou moins roulé sur des affaires financières, parmi lesquelles il en était de peu recommandables. Trop souvent les peuples de l'Orient — et les Égyptiens ou les Persans comme les Bulgares, sont dupés et exploités à merci par les grandes et les petites Banques d'Occident qui sentent leurs gouvernements derrière elles. Les contrats qu'on leur impose sont draconiens, indéfendables et lorsqu'ils retardent les échéances et réduisent les arrérages, ils se bornent en général à rétablir l'équilibre et l'équité.

Mais ce ne sont pas des débats purement pécuniaires qui ont refroidi les rapports entre la Turquie et les diverses chancelleries. Des questions plus graves et plus hautes ont surgi, qui touchaient aux principes mêmes du droit des gens et aux usages consacrés de la diplomatie. Rappelons seulement la récente querelle des valises, et les violations incessantes des consulats dont Abdul-Hamid ne méconnaît point le caractère, mais qu'il ordonne tout de même pour rasséréner son esprit malade.

Si les Ottomans sont un peu plus mal gouvernés par le souverain actuel, que par ses prédécesseurs, c'est qu'il a perdu toute maîtrise de soi même, évoquant l'idée d'un Macbeth d'une espèce particulière. On a tout dit de sa terrible névrose, des visions funèbres qui le poursuivent, des craintes qui l'obsèdent et qui ne sont, à vrai dire, que le choc en retour de ses innombrables crimes contre les Jeunes Turcs, contre les Arméniens, contre ses parents et ses intimes. Comment un monarque ainsi hanté et tenaillé pourrait-il vaquer sérieusement aux affaires de l'État? Abdul-Hamid eût été peut-être un admirable préfet de police. On se demande pourquoi l'Europe consent encore à traiter avec lui.

Les indices de désagrégation se manifestent de toutes parts dans son empire. Les mutineries militaires qui ont fini par tuer Rome et Byzance, se multiplient en Albanie, en Asie Mineure, en Arabie surtout. Où est le colonel qui un beau jour se décidera à marcher sur le Palais et à faire subir à Abdul-Hamid le sort de Mourad? L'armée sent de plus en plus qu'elle est l'État tout entier, qu'il lui suffirait d'un léger mouvement pour renverser l'homme malade qui est aussi l'homme criminel. Les empereurs romains avaient du moins l'habileté de payer leurs prétoriens pour désarmer leurs haines ou leur mépris, pour leur arracher tout prétexte à insurrection. Le Sultan Rouge absorbant les revenus publics, non pour ses plaisirs il n'en connaît point mais pour sa police, laisse ses officiers sans solde. Il arrive alors qu'ils se soulèvent et refusent l'obéissance. Jusqu'ici l'argent arrivait à la der

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nière heure; la majorité rentrait silencieusement dans l'ordre; les plus exaltés étaient exécutés ou bannis, mais cette solution ne sera pas toujours la vraie. Abdul-Hamid n'a plus avec lui l'armée, ni le monde religieux qui le déteste et qui rêve sa chute, ni la classe instruite qui le traite en Néron ou en Héliogabale, ni la masse du peuple pressurée par le fisc. Son existence n'est qu'un miracle du hasard. Qu'il y songe avant de rouvrir les massacres d'Arménie !

Les Kurdes ont assassiné en juillet, en août, en septembre, autour de Mouch et de Sassoun. Les bons observateurs remarquent en Anatolie tous les signes précurscurs des carnages organisés. Les centres stratégiques regorgent de troupes qu'on y a condensées sans raison. Des forts de longue date vacants, ont été occupés sur des ordres venus d'en haut. Les soldats réguliers se sont installés chez l'habitant pour n'avoir plus qu'à frapper au moment venu. Il se peut que dans deux ou trois mois nous apprenions subitement la destruction de quelques milliers, de quelques dizaines de milliers d'Arméniens. Alors il sera trop tard pour intervenir, pour rappeler le Sultan Rouge à la pudeur et au respect de la vie. La diplomatie fait-elle en ce moment sa tâche, c'est à dire renseigne-t-elle les chancelleries sur les événements qui se préparent et que M. Pierre Quillard vient de dénoncer, au nom du comité de Protection, au Président de la République? A-t-on, dans les archives du quai d'Orsay, des pièces aussi documentées que celles dont M. Cambon, alors ambassadeur à Stamboul, poursuivait notre ministère des affaires étrangères en 1894! Si oui, qu'on les publie : il le faut pour l'édification du monde et la confusion d'Abdul-Hamid. Si non, qu'on réclame des informations. M. Delcassé voudrait-il s'abaisser à jouer le même rôle que M. Hanotaux autrefois, et se réserverait-il de cacher la vérité maintenant, pour mieux mutiler plus tard les livres jaunes? Nous ne saurions le croire. Après avoir montré tant d'énergie pour défendre les intérêts de la Société des quais, de M. Lorendo et de M. Tubini, le gouvernement de la République permettra-t-il au grand saigneur de poursuivre ses forfaits, de satisfaire à ses monstrueux appétits et de dépeupler ses Etats par le fer et par le feu? Ou plutôt les puissances dites civilisées accepteront-elles, par une inqualifiable indifférence, la complicité des crimes en gestation?

PAUL LOUIS

LA QUEUE DE LA « REVANCHE »

Nous venons faire visite à votre armée et à votre marine, disaient nos <«< hôtes illustres » d'hier. Pourquoi ne seraient-ils pas venus aussi bien faire visite à notre magistrature, ou à nos postes et télégraphes, ou à nos ponts et chaussées?

Il paraît que ce sens donné « spontanément » au voyage était « trop flatteur » pour qu'il y fût rien ajouté ni surtout objecté. Il paraît

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