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nassiens Glatigny, M. Mendès, Armand Silvestre, M. Mérat, Léon Valade, M. Coppée, M. Sully Prudhomme, M. de Heredia, M. Léon Dierx.

Théophile Gautier, dans son Rapport sur les Progrès de la Poésie française, en 1867, après les avoir cités (en leur joignant MM. Winter, Luzarche et des Essarts), prononce : « Il est bien difficile de caractériser, à moins de nombreuses citations, la manière et le type de ces jeunes écrivains dont l'originalité n'est pas encore bien dégagée des premières incertitudes. Quelques-uns imitent la sérénité impassible de Leconte de Lisle, d'autres l'ampleur harmonique de Banville, ceux-ci l'apre concentration de Baudelaire, ceux-là la grandeur farouche de la dernière manière d'Hugo; chacun, bien entendu, a son accent propre qui se mêle à la note empruntée » ; et Gautier louera M. Sully Prudhomme de la bonne composition de ses poèmes, dira de M. de Heredia que son nom espagnol ne l'empêche pas de trouver de beaux sonnets en notre langue, de Stéphane Mallarmé que « son extravagance un peu voulue est traversée de brillants éclairs », de M. François Coppée que son Reliquaire est un charmant volume qui promet et qui tient.

M. Coppée est celui qui reçoit le plus beau compliment; il avait déjà ses deux gammes très diverses, dont l'une vient de Gautier et l'autre un peu de Musset et davantage de Murger. La première lui dictait à ce moment, dans le Jongleur, ce poème qui donna à M. Catulle Mendès l'impression que M. Coppée dominait désormais son inspiration, des vers comme ceux-ci, très Emaux et Camées.

Si la gitane de Cordoue

Qui sait se mettre sans miroir
Des accroche-cœurs sur la joue
Et du gros fard sous son œil noir,

Trompant un hercule de foire
Stupide et fort comme un cheval,
M'accorde un soir d'été la gloire
D'avoir un géant pour rival...

et, la seconde, des strophes comme celle-ci, contenant
le Parnasse non héroïque, ni farce, mitoyen, dirons-nous :

Et c'est la fin; mon cœur, quitte des anciens vœux,
Ne saura plus le charme infini des aveux

Et le bonheur qui vous inonde

Parce qu'un soir de mai dans le bois de Meudon
Sur votre épaule, avec un geste d'abandon,

Elle a posé sa tête blonde.

en germe

Si froidement que parle Gautier des Parnassiens, c'était les défendre chaudement, étant donné l'état de l'opinion courante à leur égard. Ce tollé de la presse est au surplus tout à leur honneur, et, s'ils en ont un peu oublié la leçon lors des débuts du Symbolisme, nous devons le leur compter comme preuve que leur art contenait une portion de nouveauté,

qui maintenant nous échappe un peu, qui était toute de forme, mais assez vive en sa substance pour faire comprendre les colères qui les accueillaient. Gautier énumère dans son Rapport les poètes qui en même temps qu'eux, sous d'autres couleurs, abordaient la poésie et qui furent leurs adversaires; les louanges sont peut-être plus abondamment départies aux non-Parnassiens et notamment à Ratisbonne, Lacaussade, Maxime Du Camp, André Lefèvre (qui tient une grande place), Auguste Desplaces, Levavasseur, M. Prarond, Valéry Vernier, Eugène Grenier. Eugène Manuel, Stéphane du Halga, Thalès Bernard, Max Buchon, Grandet, Bataille, Du Boys et Rolland. Il semble, dans la juxtaposition des deux séries, avoir eu tort, comme dans une exaltation un peu excessive d'Autran parmi les artistes plus anciens; l'essentiel est la configuration qu'il fournit du groupe, et le fond de son opinion.

Il y a encore une autre façon documentaire de dénombrer les Parnassiens, c'est celle que fournit le Parnasse contemporain, recueil paru chez Lemerre et qui, sauf népotismes et intercalations amicales, donne toute la figure de l'école, y compris, ce dont il serait injuste de la priver en une étude sérieuse, son rayonnement, ses adeptes.

Dans le premier Parnasse, les ainés admis sont Gautier, Banville, Leconte de Lisle, Vacquerie, Baudelaire, Arsène Houssaye, Philoxene Boyer, les frères Deschamps, Auguste Barbier.

Outre ces noms, outre ceux que réclame la Légende du Parnasse contemporain, on trouve Louis Ménard, qui n'apparut qu'une fois, étranger au mouvement de par les faibles qualités de son vers, mais dont on lut, de ce côté, avec profit, les œuvres philosophiques en prose et les évocations du polythéisme hellénique, André Lemoyne, poète aimable et bien différent, puis MM. Xavier de Ricard, Léon Valade, Cazalis, Emmanuel des Essarts, Henry Winter, Armand Renaud, Eugène Lefébure, Edmond Lepelletier, Auguste de Chatillon, Jules Forni, Charles Coran, Eugène Villemin, Robert Luzarche, Alexandre Piédagnel, F. Fertiault, Francis Tesson, Alexis Martin. Une série terminale de sonnets semble constituer une sélection voulue.

La seconde série du Parnasse accueille Mme de Callias, Mme Blanchecotte (une doyenne), MM. Ernest d'Hervilly, Henri Rey, Mme Louise Colet, M. Anatole France, Léon Cladel, Alfred des Essarts, Antony Valabrègue, MM. Armand Renaud, André Theuriet, Jean Aicard, Georges Lafenestre, Frédéric Plessis, Robinot-Bertrand, Léon Grandet, Gustave Pradelle, Mme Penquer, Louis Salles, Eugène Manuel. Laprade et Soulary y furent vraisemblablement invités, ainsi que Charles Cros, poète trop autonome pour être là autrement qu'en visiteur.

A la troisième série du Parnasse, l'effectif s'accroit; d'autres déférentes invitations amènent Mme Ackermann, Autran, Jules Breton, peintre critique et poète (où excella-t-il !), Edouard Grenier, poète universitaire des plus médiocres, dont quelques études sur Heine sont curieuses à cause d'un ton d'égalité comique, Paul de Musset, Ratis

bonne; à côté d'eux, des jeunes chez qui l'influence parnassienne se manifeste vraiment, MM. Armand d'Artois, Emile Bergerat (chez qui le chroniqueur éclipse le poète), Émile Blémont, Robert de Bonnières, qui donna quelques sonnets du genre de ceux de M. de Heredia, puis entreprit vainement la réhabilitation du conte en vers, Raoul Gineste, Charles Grandmougin, Guy de Binos, Isabelle Guyon, Auguste Lacaussade, déjà connu par des poèmes naturistes, créole comme Leconte de Lisle ou Dierx, abordant les mêmes paysages, Paul Marrot, poète plutôt réaliste et fantaisiste, Achille Millien, Monnier, Amédée Pigeon, Claudius Popelin, Gustave Ringal, Gabriel Vicaire, comme aussi Rollinat et Paul Bourget.

Mais ces trois derniers ne sont pas des Parnassiens: Rollinat, comme Vicaire, tiendrait plutôt au groupe de Richepin et de Maurice Bouchor qui protesta vivement non pas tant contre la rythmique que contre le fonds d'idées, l'impassibilité, le non-réalisme des Parnassiens et aussi contre leur vocabulaire, et réclamèrent avec quelque éclat un retour à la simplicité et à la découverte de la vie. L'intrusion du Symbolisme a resserré ces deux groupes jadis ennemis, au moins sur un point, et ceux qu'on accusa âprement de vouloir disloquer le vers ont été amnistiés de plano. Ce fut néanmoins la première fois qu'on barrait la route au Parnasse depuis ses débuts, la chose se passant vers 1878. Richepin écrivait la Chanson des Gueux, M. Paul Bourget Edel, M. Boucher les Chansons joyeuses, et ce fut d'avoir eu trop confiance en leur rhétorique qui les empêcha d'imposer une esthétique qui s'appuyait d'ailleurs sur le naturalisme, dont on pensa quelque temps qu'ils allaient devenir les poètes. Ils ne manquèrent point de talent ni de truculence, mais bien d'indépendance et d'audace.

Il faut supprimer de la liste que fournit le Parnasse contemporain le nom des poètes qui tournèrent court, après un ou deux volumes de vers, entrèrent dans la politique ou l'administration, et se turent; certains furent des créations de M. Lemerre. Postérieurement au Parnasse contemporain on trouverait aussi de nouvelles recrues pour le Parnasse, mais il faudrait distinguer, parmi ces fervents de l'art traditionnel, ceux qui procèdent du romantisme pur et les lamartiniens, de ceux que directement tel ou tel des Parnassiens influença. Si on peut porter à l'acquis du Parnasse des poètes tels que M. de Guerne, M. Jacques Madeleine, et très à la rigueur M. Henry Barbusse, on ne saurait lui attribuer ceux qui, quoique résolus au vers régulier, ont d'autres attaches, comme M. Quillard, comme Albert Samain. Ce n'est point sans arrière-pensée que le Parnasse réclame Verlaine : c'est non seulement à cause de sa gloire, c'est à cause des verlainiens, car l'empreinte de Verlaine se trouve, et forte, chez des suivants du rythme traditionnel.

L'art de M. Laurent Tailhade ne s'apparente intellectuellement qu'à des tentatives de rénovation, si strictement traditionnelle soit sa métrique, et on sent bien en lisant M. Sébastien-Charles Leconte qu'il s'est passé quelque chose depuis le Parnasse, grâce à quoi, malgré la vive admira

tion du poète pour Leconte de Lisle et M. Dierx, on ne peut le considérer comme un parnassien : ce serait un néo-classique, avec des recherches particulières de synthèse et de musique.

Quant à M. Rostand, quoique évidemment ses sympathies d'art affichées soient avec le Parnasse, il a trop le goût de l'anachronisme, l'indifférence de la valeur du terme et de la solidité du vers pour qu'on puisse le compter parmi eux. Son lavis est l'antithèse de leur eau-forte, au moins théoriquement. Dans la pratique, il y a avec certains des Parnassiens plus de ressemblances réelles.

Pour être complet, il faut noter l'expansion belge du Parnasse. Georges Rodenbach, dont toutes les volitions d'intimisme et de musique discrète sont opposées à l'art parnassien, aboutissait au vers libre, et sa mort prématurée ne l'a point interrompu avant qu'il n'en ait laissé pour témoignage ce beau livre, le Miroir du Ciel natal. Il demeure donc au Parnasse, de ce coté : M. Iwan Gilkin et M. Albert Giraud, qui sont très exactement de ses fidèles, encore que M. Giraud doive infiniment à Paul Verlaine.

III

Un livre technique apparaît à la maturité du Parnasse : c'est le Petit Traité de poésie française de Théodore de Banville. Ce livre a paru vers 1876 (1); il n'a pu servir à l'instruction poétique d'aucun des premiers Parnassiens, mais il resume un enseignement oral qu'ils écoutèrent.

D'ailleurs, en ajoutant à la prosodie de Tennint, et en la refondant, et en la noyant autant que faire se pouvait dans de la fantaisie élégante et joyeuse, Théodore de Banville est très prudent : il ne présente son livre que comme un petit manuel destiné aux gens du monde. Il préconise, pour les poètes, uniquement la lecture des maîtres comme moyen d'instruction, et prétend s'adresser à un candidat au Parnasse qui voudrait faire des vers malgré Minerve. Il y a peut-être là coquetterie d'un grand lyrique, ennuyé de professer et de donner des recettes. D'autres réserves, que le poète fait pour sa conscience, sont plus importantes : il s'agit pour lui de ne pas fermer son livre sans lui laisser une issue sur l'avenir. Plus près que les Parnassiens de la révolution romantique, plus créateur qu'eux et de beaucoup, il n'a pas, étant un inspirateur, la foi aveugle des adeptes : c'est pourquoi il regrette que la révolution d'Hugo soit restée incomplète, que les romantiques n'aient rien ajouté à cette révolution, que leur rôle y ait été plutôt restrictif. Les concessions faites à l'avenir,il pose son principe de la Rime puissance absolue, le seul mot, dira-t-il, qu'on entende dans le vers; il la considère comme une néces

(1) La première édition, chez Cinqualbre, éditeur fugitif qui donna aussi une réédition d'Arvers et Ompdrailles le Tombeau des Lutteurs.

́sité de technique, aussi comme un tremplin ; sa nature heureuse lui en avait fait une baguette magique, et il en vante aux autres les puissances cachées, la force inventive.

Très louablement opposé aux licences poétiques qui déforment la phrase, par exemple à l'inversion, il accuse la lâcheté humaine de s'opposer à l'emploi de l'hiatus.

Il ressort de ces lignes qu'étant donné une technique dont il ne discute pas la base scientifique ni la légitimité, ceux qui l'abordent doivent s'en tirer sans trucs et sans facilités convenues, obtenues aux dépens du tour logique de la phrase; cela donne la main aux théories des vers-libristes qui ne subordonnent jamais cette allure nécessaire de la phrase au redoublement des sonorités, à la redondance de la strophe, ni à la rotondité du rythme, comme dirait M. Mendès.

Mais Banville ne persévère pas sur cette indication qu'il a fait luire, et, avec une belle franchise, facile à son énorme et souriante habileté dont l'acrobatisme n'est qu'une province, il conseille nettement de cheviller. Il prend pour exemple un fragment du Régiment du Baron Madruce, en dispose les images principales, les mots essentiels placés à la rime, et indique que la besogne, une fois le premier travail fait, est de rejoindre avec élégance et sans qu'aucune bavure dénonce le travail de mosaïque, les images principales, les rimes principales. Évidemment il eût été moins fécond et moins lyrique s'il se fut toujours soumis à cette méthode. Enfin, chevillage habile ou mosaïque ingénieuse, et rime rare à consonne d'appui, voilà la base même de son enseignement.

D'ailleurs, les influences de Banville et de Leconte de Lisle, les plus importantes techniquement (celle de Baudelaire fut plutôt mentale), sauf sur ce point que toutes deux indiquent une nécessité de serrer le vers relâché par les lamartiniens et les mauvais élèves d'Hugo et de Musset, sont diverses et même contradictoires. Le Petit Traité de poésie de Banville contient, avec luxe de détails relativement à ses dimensions, l'étude des formes fixes. Toutes y trouvent leur place, et Banville les tenta toutes; le grand poète des Érilės perdit beaucoup de temps à tourner des babioles. Les Parnassiens le suivirent dans cette voie, et, à son instar, firent nombre de ballades, de rondels, de triolets.C'était l'aboutissement du mouvement de curiosité qui avait entraîné les Romantiques vers l'étude assez détaillée du XVIe siècle, comme firent Sainte-Beuve et Nerval. Après avoir joui des petits rythmes en curieux très désireux de trouver un terrain où Hugo n'eût pas mis le pied, les Parnassiens se précipitèrent sur celui-là.

Leconte de Lisle avait des ambitions trop solennelles, je ne dis pas hautes parce que celles de Banville étaient aussi hautes, pour s'amuser à ces gentillesses du vieil esprit français, qui sont à la poésie lyrique ce que les vieux fabliaux sont au roman de mœurs ou d'évocation; il y eut là beaucoup de talent perdu. La fidélité à ces deux influences, la marche au grandiose, selon Hugo et Leconte de Lisle, la danse vers le plaisant et le spirituel, d'après Banville, communique aux premiers

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