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DE ROUEN

ET

de la Normandie.

QUATRIÈME ANNÉE,

Premier Semestre.

L. G.

Rouen.

E. LE GRAND, LIBRAIRE-ÉDITEUR,

RUE GANTERIE, 28.

HAR AND COLLEGE LIBRARY

F. C. LOWELL FUND

Jan 7,1931

CRITIQUE GÉNÉRALE.

REVUE RÉTROSPECTIVE.

1855.

VOILA le monde plus vieux d'une année! Ce n'est rien peut-être devant l'accumulation des siècles que cette parcelle de temps ajoutée au passé; mais, pour l'homme, n'est-ce donc qu'un point effacé dans la vie? Devra-t-on dire que la génération actuelle foule avec insouciance la cendre des morts? Elle donne à l'oubli tout ce qu'elle rencontre en chemin, et, poussée par un infatigable désir de nouveauté, elle se précipite toujours vers un but qu'elle n'atteint jamais. Ainsi, le présent ne se compte pas, l'existence n'est point une réalité, et nous apprécions la durée seulement quand elle finit pour nous. On serait tenté de croire que l'espèce humaine ne sait pas jouir du temps, parce qu'elle ne sait pas le mesurer. « Le présent n'est jamais notre but: le seul avenir est notre

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objet; donc nous ne vivons jamais, mais nous espérons de « vivre. » L'admirable génie de Pascal avait ainsi formulé cette tendance fatale qui nous expose à tant de fatigues et de déceptions, et contre laquelle il faut lutter avec courage; autrement l'expérience serait un mot vide de sens, et l'homme

deviendrait le jouet de perpétuelles agitations. Qu'il essaie donc, à certaines heures de la vie, de se recueillir en lui-même et de calculer la route qu'il a parcourue. Eclairée par ces méditations, la pensée se retourne plus pure et plus sérieuse vers le terme de la carrière: désormais, elle apprécie la valeur du temps et la moralité des enseignemens qu'il apporte avec lui.

Ce qui est vrai de l'homme, considéré comme individu, est vrai de la société tout entière. Si donc elle cherche, તે son tour, à se rendre compte de ses œuvres et à reconnaître le sillon qu'elle a tracé dans l'histoire, elle acquiert aussitôt, avec l'intelligence de ses destinées, le sentiment profond de sa force et de sa dignité. Elle découvre un sens au livre des traditions; elle comprend enfin la civilisation, et, tout en se défiant de l'impatience des réformes et de l'orgueil des théories, elle croit au progrès comme à Dieu.

Il est donc bien, et pour l'homme et pour l'humanité, de revenir sur le passé, afin d'y trouver une garantie d'avenir. Tout se tient et s'enchaîne dans l'ordre physique et moral; les faits et les doctrines naissent les uns des autres. Ainsi, nul n'a le droit de répudier la légitimité des précédens, à moins de nier la légitimité de l'histoire, et l'étude des opinions de la veille sera toujours la plus utile pour donner quelque sagesse aux opinions du lendemain. Ces vérités incontestables ont été le germe des grands travaux historiques auxquels la France doit, peut-être, la meilleure part de ses progrès sociaux. Nous n'entendons pas raconter ici cette période si féconde en recherches et en résultats précieux, nous voulons seulement expliquer pourquoi l'idée nous vient, en recommençant le cours de nos modestes publications, d'esquisser, suivant le témoignage de notre conscience et de notre raison,

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