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les débiteurs réduits à l'impuissance d'acquitter leurs dettes : << Je me venge de ces banqueroutes sur les lods et ventes », ajoute-t-elle quelques jours plus tard. (V, 356, 406.)

Les lods donnèrent naissance aux rière-lods, dont je retrouve les traces jusqu'en 1611, dans un arrêt rapporté par Henrys, arrêt qui fait défense au seigneur de SaintGermain-Laval de lever trois sols quatre deniers par livre, appelés droit de drouillée, ou rière-lods, sur les habitants dudit lieu.

Si c'était une communauté d'habitants qui aquérait un immeuble, ce bien devenant de mainmorte et ne devant plus rapporter de droits au seigneur, la communauté agricole avait deux droits à payer l'un d'amortissement, au roi; l'autre d'indemnité, au seigneur. L'indemnité seule, pour les biens tenus à cens, était du cinquième de ce cens, et se trouvait due pour tous actes translatifs de propriété, donations, legs, échange, déshérence, arrentement, etc., sans préjudice de toutes les redevances seigneuriales. Quant à l'amortissement, il était arbitré par les commissaires du roi (1).

Si quelque manant enrichi par un heureux coup du sort achetait un fief, ou des portions du fief d'un noble ruiné, comme en principe nul roturier ne pouvait posséder des terres nobles, il acquittait le droit de franc-fief, en vertu duquel il payait au roi, tous les vingt ans, une année de revenu de son immeuble. Celui de relief (rachat, muage, muance) donnait aux seigneurs la jouissance d'une année de revenu à chaque mutation. Ce droit était personnel, c'est-à-dire dû par chacun dès qu'il devenait propriétaire, de telle sorte que si un père de famille décédait le lendemain du jour où il l'avait acquitté, son fils le devait payer de nouveau.

(1) Dénisart, Collect. de jurisprudence, art. Indemnité. Olhagaray, Hist. des comtes de Foix, 739.

Faut-il répéter une fois encore que la bourgeoisie et les villes s'affranchirent de toutes ces entraves (1), laissant, comme toujours, Jacques Bonhomme combler le déficit creusé dans les caisses de l'État par ces priviléges dont il n'avait jamais sa part (2)?

Le suzerain exerçait le droit de tutelle ou garde-noble sur tous les vassaux mineurs de sa mouvance. Il prenait en main l'administration du fief avec tous ses revenus, de sorte qu'à sa majorité le jeune seigneur n'avait rien et se trouvait dans la nécessité de dépouiller ses sujets afin de se mettre en état de tenir son rang.

Le duc de Berry, l'un des oncles de Charles VI, eut la fantaisie d'épouser Jeanne de Boulogne, dont le brillant comte de Foix, .Gaston Phoebus, avait la tutelle. La fiancée avait douze ans, le fiancé soixante cinq fois son âge. Mais, non content de ce fameux sans dot de l'avare, qui aplanit les difficultés et rapproche les âges, le comte, en homme avisé, exigea du duc un pot-de-vin de trente mille francs : « Et tout payèrent les povres gens d'Auvergne et de la Languedoc, qui était taillés trois ou quatre fois l'an pour accomplir au duc ses folles dépenses. » (Froissart, I, 127.)

Les vilains ne pouvaient pas même nourrir l'espérance, si l'héritier du fief était une fille, de la voir renoncer au mariage, ce qui eût évité de lever la taille pour son hymen. Elle ne pouvait en effet refuser d'appartenir à l'un des trois barons que lui présentait son suzerain, qu'à la condition de payer à celui-ci une somme égale à celle qu'ils lui avaient offerte pour l'avoir pour femme (3), et, fille ou mariée, il fallait que ses tenanciers fissent les frais de sa virginité comme de son hymen.

(1) Rouen, Orléans en 1467; Angers en 1475; Rennes en 1492... (2) Exemples de ventes de ces exemptions aux villes: Ordonnances du Louvre, V, 214, 283, 287, 312, 321, 325, 332, 396, 399, 400, 408, 488, 575, 700, 709; VI, 297, 300, 403, 505, 693; VIII, 168, etc.

(3) Guizot, Hist. de la civilisation en France, 9e leçon.

CHAPITRE VII

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· Jean XXII

L'Église au XIVe siècle Nouvelles exactions papales. établit l'annate. Ses effets désastreux. - Tailles ecclésiastiques. Pilleries sans nombre du clergé. Les trois premières nuits de noces révolte à ce sujet. - Les curés afferment à des personnes indignes les revenus de leurs églises; les seigneurs élèvent des églises inutiles pour en affermer les produits : nouvelles révoltes des paysans.

<< Tout ce monde tonsuré croissait des bénédictions du ciel et de la graisse de la terre. C'était un petit peuple heureux, obèse et reluisant, au milieu du grand peuple affamé, qui commençait à le regarder de travers. » MICHELET, Hist. de France.

L'institution du jubilé ouvrit le XIVe siècle : le pape promit la rémission de tous leurs péchés à tous ceux qui viendraient visiter pendant trente jours l'église des Apôtres, et comme chacun avait beaucoup à se faire pardonner, l'Europe entière afflua dans Rome et y laissa ses richesses. S'il faut en croire Villani, que ce spectacle impressionna si profondément, il n'y eut jamais dans la ville sainte moins de deux cent mille Romieux ou Romipètes les appellent les chansons des troubadours, sans compter ceux qui étaient sur les routes, tant pour arriver que pour s'en retourner. Puis, au bout de l'an, la noblesse rentra dans ses domaines, la conscience et la bourse légères, aussi avide de charger et de remplir à nouveau l'une que l'autre. Ce fut, on peut le croire, besogne urgente et prestement accomplie.

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comme

Nous avons vu Boniface VIII et Philippe le Bel se disputer les deniers de la France : à l'avénement de Clément V, l'entente la plus cordiale se rétablit entre le roi et le pape; au lieu de se les disputer, ils se les partagèrent. Clément voulut venir se faire sacrer à Lyon (1314), il voulut qu'Avignon, « la ville sonnante », fût désormais le siége de la papauté, imposant ainsi à la France une hospitalité ruineuse qui pesa sur elle jusqu'en 1377: «Comme un baron faisant chevauchée autour de sa terre pour exercer son droit de gîte et de pourvoirie, Clément se mit à voyager à travers l'Église de France. De Lyon il s'achemina vers Bordeaux, mais par Mâcon, Bourges et Limoges, afin de ravager plus de pays. Il allait, prenant et dévorant, d'évêché en évêché, avec une armée de fainéants et de serviteurs." Partout où s'abattait cette nuée de sauterelles, la place demeurait nette » (Michelet).

Au dire des contemporains, la belle comtesse de Talleyrand coûtait plus à Clément V que la terre sainte, et quand elle avait une grâce à lui demander, elle cachait le placet dans son corsage, pour être certaine qu'il allât à son adresse (1). Ce fut, plus tard, tout le contraire sous Louis XIII.

A partir de cette cordiale entente du roi et du pape, ce fut entre eux un échange de gracieusetés dont le peuple. faisait tous les frais. En 1325, Charles IV accorda au saintpère des subsides si considérables que chaque bénéficier paya une année de son revenu. Le pape, en retour, octroya au roi de lever pendant deux années des décimes sur le clergé. « Ainsi, dit le continuateur de Nangis, tandis que l'un tond la malheureuse Église, l'autre l'écorche! »

A Clément V succéda, sous le nom de Jean XXII, Jacques d'Ossa, fils d'un savetier de Cahors, dont on put dire,

(1) Pétrarque, dans ses lettres, fait un tableau hideux de la corruption qui régnait à Avignon. — Voy. Ugo Foscolo, Essais sur Pétrarque, p. 139 et suiv. de la traduction italienne,

comme de Boniface VIII, qu'il se glissa au trône comme un renard et qu'il régna comme un lion. Grâce à son livre des taxes de chancellerie romaine, que le Dictionnaire historique de Jacques Marchand n'hésite pas à signaler comme l'un des plus odieux et des plus détestables qui ait jamais été commis par la main d'un homme, les maîtres de la terre purent se livrer à l'égard de leurs sujets à toutes les fantaisies de leur tyrannie ingénieuse, certains d'acheter l'impunité dans la grande foire d'indulgences ouverte à Rome par la papauté. Mais la plus heureuse de toutes les inventions de Jean XXII fut celle des annates, qui devint pour lui une mine d'or non moins féconde que celle qu'avait découverte Boniface VIII dans le jubilé. S'attribuant, de sa pleine et infaillible autorité, les revenus de toutes les prébendes, de tous les évêchés, de toutes les cures, de tous les bénéfices vacants (1), pour cause de mort, ou même par suite d'un simple changement de résidence (2), il commença, pour rendre l'annate aussi fructueuse que possible, par multiplier les offices canoniques, c'est-à-dire qu'il augmenta le nombre des exacteurs du peuple. Dans le seul évêché de Poitiers, il en tailla trois, et jusqu'à cinq dans celui de Toulouse (3). Dès qu'un évêque mourait dans l'un des siéges les plus importants, il appelait à le remplir, après l'avoir laissé quelque temps en vacance, un évêque de l'ordre immédiatement inférieur. Le nouveau titulaire laissait ainsi son ancien diocèse sujet au droit d'annate, et grâce à ce procédé ingénieux, il ne mourait pas un prélat en France que Jean n'en déplaçât sept ou huit; il y avait donc sept ou huit diocèses dépouillés par le pape, jusqu'à ce qu'ils le fussent par leur nouveau pasteur, seigneur de domaines où il ne trouvait plus rien.

(1) Lelaboureur, Hist. de Charles VI, p. 22.

(2) Claude Blondeau, Biblioth. canonique, I, 59. Un arrêt d'avril 1553 s'opposa à ce qu'on levât l'annate sur les cures.

(3) Arcère, Hist. de la Rochelle, I, 228. — Méseray, VI, 265.

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