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nomafe. Les amans font des infenfés. On voit que le jeu, qui eft dans le latin, ne fe retrouve pas dans le françois.

Aux funérailles de Marguerite d'Autriche, qui mourut en couche, on fit une devife dont le corps étoit une Aurore qui apporte le jour au monde, avec ces paroles: Dum pario, pereo ; » Je péris, en donnant » le jour. »

Pour marquer l'humilité d'un homme de bien qui fe cache en faifant de bonnes œuvres, on peint un ver à foie qui s'enferme dans fa coque: l'ame de cette devife eft une Paronomafe: Operitur dùm operatur.

J'observerai, à cette occafion, deux au tres figures qui ont du rapport à celle dont nous venons de parler: l'une s'appelle fimiliter cadens; c'eft quand les différens membres ou incifes d'une période, finiffent par des cas ou des tems dont la terminaifon eft femblable: l'autre s'appelle fimiliter definens; c'eft lorfque les mots qui finiffent les différens membres ou incifes d'une période, ont la même terminaison; mais une termi naifon qui n'eft pas une définence de cas, de tems ou de perfonne, comme quand on dit: Facere fortiter, & vivere turpiter. Ces deux dernieres figures font proprement la même; on en trouve un grand nombre d'exemples dans S. Auguftin. On doit éviter les jeux de mots qui font vuides de fens; mais, quand le fens fubfifte indépendamment du jeu des mots, ils ne perdent rien de leur mérite.

On doit, en général, ufer fobrement de

toute efpece de figure, mais principalement des trois dont nous venons de parler. Les plus belles Oraifons de Cicéron ne font pas celles où il en a fait ufage; & d'ailleurs on en trouve très-peu d'exemples dans fes ouvrages. Voyez TROPES. FIGURES. JEU

DE-MOTS.

PASSIONS. La connoiffance des Paffions eft une partie des plus effentielles de l'éloquence & de la poëfie. Le but de l'Orateur n'eft pas feulement d'éclairer l'esprit, & de le foumettre par la force du raifonnement, mais encore d'ébranler le cœur, & de l'intéreffer aux vérités qu'on a prouvées. Le but du Poëte n'eft pas toujours d'amufer l'efprit, & de lui plaire par des peintures agréables: il eft fouvent obligé d'inté teffer vivement le cœur, de perfonnifier les paffions, de leur faire parler le langage qui leur eft propre,d'exciter la terreur & la pitié, &c. Or ils ne peuvent l'un & l'autre parvenir à leur but, qu'après une étude profonde du cœur humain, & des diverfes Paffions qui l'agitent tour-à-tour.

Pour traiter, avec ordre, cette matiere intéreffante, nous diviferons cet article en deux points principaux. Dans le premier, nous envifagerons les Paffions relativement à l'éloquence. Dans le fecond, nous les envifagerons relativement à la poëfie; puis nous fous-diviferons chaque point en différens paragraphes. Ce que nous dirons des Paffions relatives à l'éloquence, fera également utile aux Poëtes; car nous prendrons tous nos exemples dans les piéces dramati

ques.

I.

Des Paffions en général, & de leur utilité en matiere d'éloquence. On a défini les Paffions, en tant qu'elles font relatives à l'éloquence, des fentimens de l'ame, accompa M. Gignés de douleur ou de plaifir, & qui appor- bert, Re tent un tel changement dans l'efprit, qu'il les de L'éloq. juge tout autrement des objets qu'il ne fai- 1.1. foit auparavant. Telle eft la colere, telles font la pitié & l'indignation.

Les Rhétoriciens ni les Philofophes ne font point d'accord fur le nombre des Paffions: les plus communes font l'amour, la colere, la cruauté, la honte, la compaffion, l'émulation, l'indignation, la vengeance & celles qui leur font oppofées.

Arift.

ch. 7.

Ariftote, que nous aurons fouvent occas fion de citer, eft entré dans une difcuffion très-exacte & très-étendue de tout ce qui concerne les Paffions, & la maniere de les exciter. Cependant il prononce qu'elles ne font qu'acceffoires à la rhétorique; que la Rhetor. partie effentielle de cet art confifte dans les lib. 1, preuves, & que les Paffions ne touchent nullement le fond de la chofe, puisqu'on ne les emploie que pour entraîner l'auditeur. Les Orateurs, felon lui, ne devroient donc avoir d'autre but, que de prouver les faits. Un Auteur moderne a été plus loin, en M. sil foutenant qu'il n'y a rien de plus bas, ni de vain, plus humiliant pour nous, que de voir qu'un du Subl. homme, par les paroles, par fes geftes, liv. 2, par le ton de fa voix, & par fes cris, nous c. 4• agite, nous trouble, nous égaye, nous at triste, nous arrache des larmes, nous tire

Traité

1

grat.t.2.

hors de nous-mêmes; qu'en un mot, il nous infpire de véritables paffions. Mais pourfuit-il, qui pourroit douter que les Paf fions n'aviliffent l'homme, lorfque, de l'aveu de tout le monde, elles font les troubles & les maladies de l'ame, qui la défigurent, & qui en terniffent la beauté naturelle ?

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Ces fpéculations ne roulent que fur une équivoque qui les rend également fauffes. Princip. Comme l'a fort bien prouvé M. l'abbé Mal pour la let. Il eft vrai que fouvent on parle devant Let. des des juges, & que ces juges ne doivent être que les interprètes des loix; mais ces Juges ne font-ils pas des hommes? Ne font-ils pas fufceptibles de prévention ? N'eft-il pas par conféquent important, fouvent même abfolument néceffaire de les affoiblir ou de les Inflit. effacer?« Les preuves & les moyens, dit 4.6.ch.2. Quintilien, font, à la vérité, penfer aux »juges, que notre caufe eft la meilleure ; » mais les Paffions font auffi qu'ils fouhai» tent qu'elle foit telle ; &, dès qu'ils le fou» haitent, ils ne font pas éloignés de le » croire. Que l'Orateur tourne donc tous fes efforts de ce côté-là; qu'il s'attache. » particulièrement à ce point, fans lequel » tout le refte eft mince, foible & ingrat: » tant il eft vrai que les paffions font l'ame. » & la force d'un plaidoyer. » Elles font donc d'une reffource prefqu'indifpenfable. dans le genre judiciaire; mais, dans les autres genres, les auditeurs font-ils moins hommes? Difons, à l'honneur des juges qu'ils le font encore plus; & que c'eft par les fuites, ou, fi l'on veut, par les foibleffes;

inféparables de l'humanité, qu'il les faut prendre pour les déterminer. Voyez GENRES de Rhétorique.

de par

Il est également faux que toutes les Paffons font des troubles & des maladies de l'ame qui la défigurent, & qui en terniffent la beauté naturelle. Les Paffions, comme le dit le P. Lami, & comme le penfent tous Rhétor les bons Moraliftes; les Paffions, dis-je, ou l'Art font bonnes par elles-mêmes: leur feul dé- Ler, L. sa réglement eft criminel. Ce font des mou- ch. 14. yemens dans l'ame qui la portent au bien, & qui l'éloignent du mal; qui la pouffent à acquérir l'un, & qui l'excitent, lorsqu'elle eft trop pareffeufe, à faire l'autre. Jufqueslà, il n'y a point de mal dans les Paffions, Elles ne deviennent criminelles, que par les mauvaises qualités de l'objet vers lequel on les tourne. La colere eft une Paffion dé- Id. ibid. réglée, quand on entend, par ce mot, ces rages, ces emportemens, ces fureurs qui troublent la raifon; mais fi on la prend pour un mouvement, pour une affection de l'ame qui nous anime à vaincre les empêchemens qui nous retardent la poffeffion de quelque bien, & pour une force qui nous fait combattre & furmonter tous les obftacles qui s'y oppofent, je ne crois pas qu'on puiffe dire raifonnablement, qu'il n'eft pas permis de fe fervir de la colere pour animer Les hommes à chercher le bien qu'on leur propofe.

Dans les Paffions les plus déréglées, dans Id. ibid. celles qui n'ont pour objet que de faux biens, il y a toujours quelque chofe de bon. N'eftce pas une bonne chofe que d'aimer ce qui

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