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3.) Les nouvelles lois sur la procédure criminelle, en Allemagne, ont conservé l'ancien Code pénal; mais les Codes criminels allemands ont pour la plupart un grand défaut; ils contiennent un grand nombre de définitions, de règles générales, qui appartiennent à la théorie du droit pénal, et qui ne peuvent être bien entendues et appliquées que par ceux qui connaissent parfaitement la science du droit. Les Codes allemands contiennent aussi beaucoup de degrés et de détails sur les peines infligées à chaque délit, et ces peines sont pour la plupart trèssévères, comme résultant du principe d'intimidation.

Un Code pénal rédigé dans ce système n'est pas en harmonie avec l'institution du jury: - Les jurés ne peuvent pas comprendre le sens des dispositions légales. - Par cette raison, les questions posées aux jurés sont trop nombreuses, trop compliquées, trop scientifiques; les jurés sont embarrassés et se trouvent dans la fâcheuse position d'être obligés de prononcer un verdict de culpabilité dans le cas où le résultat est la condamnation à une peine qui est en contradiction avec la justice et la conscience du peuple.

Notre second article sera consacré à faire connaître le développement de la législation allemande dans les années 1851-1855, et à fournir les résultats des expériences faites en Allemagne, concernant l'application de nouvelles lois.

MITTERMAÏER.

(La fin à une prochaine livraison.)

RAPPORT

Fait à l'Académie des Sciences morales et politiques, au nom de la Section de morale,

PAR M. FRANCK,

SUR

LE CONCOURS POUR LE PRIX DE MORALE

A DÉCERNER EN 1852 (*).

No 2. Et quasi cursores vitaï lampada tradunt (Lucrèce, de Nat. rerum.) 8 cahiers in-fol., formant ensemble environ 600 pages d'une écriture très-fine.

Voici enfin le dernier Mémoire dont nous ayons à entretenir l'Académie; mais, nous l'avons dit en commençant, ici le dernier, c'est le premier. Cet ouvrage, qui surpasse tous les précédents, non-seulement par le mérite, mais aussi par le volume, est véritablement le seul où la question proposée soit traitée complètement et avec une étendue presque égale pour ses deux parties, celle qui regarde les faits et celle qui concerne les systèmes. Dans l'une et l'autre, l'auteur a déployé une remarquable

(*) V. t. XXVIII, p. 169.

connaissance des monuments les plus importants de la philosophie et de l'histoire de l'antiquité, jointe à une critique exercée, à un esprit philosophique aussi modéré qu'indépendant, à un sentiment très-élevé de la vérité morale et à une manière d'écrire simple, claire, naturelle, qui, sans jamais attirer l'attention sur elle-même, suit tous les mouvements de la pensée et s'élève quelquefois avec elle. Les défauts assez nombreux cependant que nous y avons rencontrés sont de ceux que l'on corrige facilement; car ils tiennent, non à l'ensemble, mais aux détails, à l'accessoire, non à l'essentiel, et, en général, ont plutôt pour cause des informations inexactes que des erreurs de jugement.

L'auteur de cet écrit, comme celui du Mémoire no 1, rejette entièrement hors de son cadre les systèmes de l'Orient, et il se plaît, en quelque sorte, à aggraver sa faute par un certain ton de raillerie dédaigneuse qui rappelle un peu trop le mépris des Grecs pour les Barbares. Autrefois, dit-il, dans les temps les plus heureux de la Grèce, quand les philosophes étaient en gaieté, ils transportaient le berceau de la vérité et de la science dans la vieille Égypte. Plus tard, pendant la lutte du christianisme naissant contre la philosophie païenne, les Pères de l'Église et les écrivains ecclésiastiques s'efforçaient de montrer qu'il n'existait pas chez les Gentils une seule idée morale ou religieuse qui ne fût comme un écho des livres saints des Hébreux. Au dernier siècle, Voltaire et tous ses amis se sont pris d'enthousiasme pour la Chine, ont exalté sur tous les tons la sagesse de Confucius. La roue de la fortune a changé encore: c'est aujourd'hui le tour de l'Inde, et qui oserait dire que, dans quelques années, ce ne sera pour celui de quelqu'autre peuple, en ce moment parfaitement oublié ou inconnu? A cette réflexion géné

rale viennent s'ajouter des jugements particuliers d'une extrême sévérité, notamment sur les Indiens et sur les Hébreux, et qui prouvent une fois de plus combien notre amour-propre trouve son compte à condamner ce que nous ne connaissons pas. Nous ne répéterons pas ici les observations que nous avons déjà faites sur le rôle incontestable de l'Orient dans l'histoire de la morale; nous dirons seulement que ce qui excuse et explique tout à la fois, chez l'auteur du Mémoire, ce dédain de la sagesse orientale, c'est l'admiration profonde et légitime que lui inspire l'esprit tout différent, le libre et brillant génie de la Grèce. « La Grèce, dit-il (1), c'est le peuple de l'humanité! Elle ne vit pas d'une vie solitaire et inutile aux autres; les semences de vérité que l'Orient, à ce qu'on assure, lui a transmises, mais qu'elle aurait pu tout aussi bien ne tenir que de son génie et de la nature, elle les vivifie, elle les féconde, elle les fait fructifier pour le genre humain; c'est le premier peuple civilisé et civilisateur; c'est le premier peuple philosophe. Aussi la philosophie et la morale commencent-elles pour nous lorsque la Grèce, cessant de chanter ses traditions nationales, se met à réfléchir. »

Ce qui donne à la Grèce cette place unique dans l'histoire de la civilisation, ou, comme l'a dit avec un peu de vivacité, peut-être, un philosophe dont le nom est resté cher à cette Académie (2), ce qui lui mérite le nom de peuple de Dieu, c'est l'essence même de son caractère et de son génie; c'est la liberté qui, étouffée ou inconnue en Orient, devient chez elle le principe vivifiant de toutes choses, de l'histoire et des institutions, de la poésie et de

(1) Premier cahier, p. 2.

(2) M. Jouffroy, Mélanges philosophiques, tome I, p. 93.

l'art, même de la religion. La religion grecque, en effet, ne repose pas, comme celle de l'Inde, de l'Égypte, de la Chaldée ou de la Perse, sur des dogmes immuables et sur des livres sacrés, qui ne laissent d'autre carrière ouverte à la pensée que d'humbles commentaires; les gracieux récits dont elle se compose et le culte allégorique destiné à les rappeler s'adressent plus à l'imagination qu'à la foi, se prêtent sans efforts aux fantaisies du poète comme aux vues du législateur, et laissent toute indépendance à la raison. Cette indépendance, transportée dans les questions qui intéressent toute l'humanité, ou dans l'étude de l'âme, de Dieu et de la nature, a donné naissance à la philosophie, qui, à son tour, a produit la morale.

Le premier système de morale et à la fois de métaphysique que nous offre la Grèce, est celui de Pythagore. Dans aucun des mémoires qui viennent de passer sous nos yeux, la morale de Pythagore n'est exposée avec autant d'intelligence et d'une manière aussi attachante que dans celui-ci; dans aucun, les rares documents qui nous restent sur ce point si obscur et si controversé de l'histoire de la philosophie, n'ont été choisis avec plus de sévérité et soumis à une interprétation plus naturelle. Sous les expressions, tantôt symboliques, tantôt mathématiques des anciens pythagoriciens, telles qu'on peut les recueillir dans Platon, dans Aristote et les Vers dorés attribués à Lysis, l'auteur aperçoit une noble doctrine, que l'idéalisme le plus pur n'empêche pas d'être accessible au sens commun, et qui est déjà un titre de gloire pour la conscience humaine. Tout bien a sa source dans l'unité, c'està-dire en Dieu, qui est la monade par excellence, comme Leibnitz l'a appelé plus tard, la monade éternelle, qui réunit toutes les perfections; et dans l'ordre, l'harmonie, la proportion, la mesure, qui ne sont que l'unité mani

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