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lemagne et vaincus en Afrique; défendant les doctrines catholiques des atteintes protestantes, sinon avec plus de conviction du moins avec plus d'ardeur, parce qu'il n'avait point alors à agir, mais simplement à croire, et que, si la conduite est souvent obligée d'être accommodante, la pensée peut toujours être inflexible; arbitre consulté et chef obéi de la famille, dont les tendres respects et les invariables soumissions se tournaient incessamment vers lui on peut dire qu'il ne fut pas autre dans le couvent que sur le trône. Espagnol intraitable par la croyance, ferme politique par le jugement, toujours égal en des situations diverses, s'il a terminé sa vie dans l'humble dévotion du chrétien, il a pensé jusqu'au bout avec la persévérante hauteur du grand homme.

MIGNET.

LE BLÉ

Considéré au point de vue du Commerce

libre entre les Etats,

PAR M. MICHEL CHEVALIER.

Il est une question, entre autres, qui se recommande aujourd'hui au sujet des subsistances, celle de savoir quelle est l'étendue des approvisionnements de blé disponible qui existent hors de France, et dont une partie plus ou moins grande pourrait être dirigée sur nos marchés, si le commerce en était libre. Je dis de blé et non pas de grains en général, parce que le blé est incomparablement de tous les grains celui qui donne lieu au plus grand commerce, et parce que pour la France particulièrement, c'est le seul dont il se fasse une importation considérable pendant les années de mauvaise récolte.

L'opinion reste enracinée encore dans un grand nombre d'esprits, qu'il existe chez quelques peuples étrangers des réservoirs de blé inépuisables, et que la France en serait littéralement inondée, si la barrière, supposée préservatrice, de l'échelle mobile était abaissée. Or, dans un ordre de faits fort analogue, une expérience vient de s'accomplir, qui a donné à réfléchir à beaucoup de personnes je veux parler de celle qui a eu lieu depuis

l'automne dernier au sujet de la viande. Par une sorte d'adage érigé en maxime d'État, on disait du bétail que si les droits qui l'empêchaient d'entrer en France étaient abrogés, ce serait la ruine de l'agriculture, tant les prix en seraient abaissés. On en était à ce point d'illusion qu'un homme illustre et de grand sens, le maréchal Bugeaud, cédant au courant de cette erreur, déclara un jour à la tribune, avec l'énergie de langage qui lui était familière, qu'une invasion des Cosaques serait une moindre calamité que la libre entrée du bétail étranger. Nous l'avons maintenant, cette entrée, libre ou à peu près. L'agriculture française en a-t-elle éprouvé la moindre atteinte? Le prix du bétail et de la viande en est-il avili? Aucunement. Les prix sont demeurés les mêmes; s'ils ont variés, c'est plutôt en hausse qu'en baisse. Et pourquoi ? c'est que la quantité de bétail que l'étranger peut nous fournir, à nos prix accoutumés, est extrêmement faible et ne saurait exercer sur le cours de nos marchés une influence sensible.

Ce résultat, aujourd'hui acquis relativement à la viande, a causé une surprise extrême à beaucoup d'agriculteurs. Eh bien, il y a tout lieu de croire que si l'on faisait disparaître de notre législation commerciale le mécanisme compliqué des mesures restrictives qui la caractérisent au sujet des grains, on observerait exactement le même effet, c'est-à-dire que le cours des blés n'en serait pas affecté en France.

C'est que, d'une part, pour le blé de même que pour le bétail, les excédants disponibles et accessibles au commerce européen sont fort limités, et que, d'autre part, ces excédants ont un débouché assuré qui les absorbe tous, et qui en engloutirait de plus considérables. Ce débouché est celui qu'offre l'Angleterre, depuis que l'exu

bérance de la population dans ce grand pays l'a mis dans l'impossibilité de se nourrir lui-même et l'a obligé à faire un appel pressant et permanent aux céréales de l'étranger.

Les relevés statistiques des quatre années qui ont suivi 1847 (il ne faut pas compter l'année 1847 parce qu'elle fut extraordinaire) montrent que l'Angleterre tire de l'étranger dans les années où elle-même a de bonnes récoltes, 25 millions d'hectolitres de grains de toute sorte, dont environ la moitié (soit 13 millions) en blé. Pour ne parler que de blé, puisque c'est le seul grain qui nous occupe ici, cette importation représente pour elle l'alimentation d'un peu plus de 4 millions et demi de personnes; car sur le continent et chez nous particulièrement, on calcule qu'il faut à une personne en moyenne au-delà de 3 hectolitres par an; mais en Angleterre c'est un peu moins. Or, quelle est la somme des excédants que l'Europe occidentale et centrale peut trouver sur le marché général du monde, du fait de l'ensemble des pays qui sont qualifiés de producteurs par rapport au commerce, et à des prix qui répondent à la cote moyenne des prix chez nous ? Elle ne va pas communément à 13 millions d'hectolitres; on le verra bientôt par les développements dans lesquels nous entrerons. L'Angleterre eût importé pendant les années 1848-49-50-51 plus de 13 millions d'hectolitres de blé, si elle en eût rencontré davantage sur le marché général à des prix modérés. Elle l'eût fait, puisqu'elle s'est rejetée sur les grains inférieurs pour 12 millions d'hectolitres en moyenne. C'est faute de mieux, c'est parce que le marché général s'est trouvé impuissant à lui fournir audelà de 13 millions d'hectolitres de blé pendant les quatre années que nous envisageons, années d'abondance universelle cependant, c'est pour cela seul qu'elle a fait en

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trer à forte dose dans son alimentation le maïs qui, avant la disette de 1846-1847, n'était admis dans la consommation du Royaume-Uni, qu'en très-modeste proportion.

Dans les années où de grands États sont en proie à la disette, on voit sortir, et fort heureusement, des pays producteurs des quantités dont le total surpasse fort 12 à 13 millions d'hectolitres. Mais c'est qu'alors le commerce offre des prix bien supérieurs aux prix accoutumés, et cette circonstance permet de faire venir aux ports d'embarquement des blés tirés de cantons intérieurs qui, dans l'état ordinaire des choses, ne livrent rien au marché général; nous en citerons bientôt de remarquables exemples tirés de l'histoire la plus contemporaine, car il y en a de cette année même.

L'Angleterre prenant ainsi habituellement tout ce qu'il y a de blé libre à la disposition de l'Europe occidentale et centrale, dans tous les pays qui en peuvent exporter, il n'en reste plus qui puisse aller encombrer les marchés des autres nations de la même région dans les temps ordinaires, c'est-à-dire quand les prix n'ont pas été portés audelà de la cote accoutumée par l'insuffisance de la récolte. Communément, il en reste si peu pour nous, que depuis que les blés entrent librement en Angleterre, nous-mêmes, excepté alors que nous souffrons notoirement de la disette, nous versons à la masse au lieu d'en retirer un supplément pour notre alimentation. L'agriculture française ajoute une masse considérable de blé à celle que les pays réputés producteurs par excellence jettent sur le marché anglais. Dans les quatre années qui ont succédé à 1847, année de disette pour nous-mêmes, la France a fourni à l'Angleterre à peu près autant de blé que quelque pays que ce soit, et c'est grâce à nous seulement que l'Angleterre a pu, durant cette période de quatre années, pé

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