Images de page
PDF
ePub

croire vrais, d'après tant de témoignages si concordants qui nous les attestent, Je l'ai racontée telle qu'elle ressort des documents de toute sorte qui sont déjà connus, et que des documents nouveaux pourront seulement compléter, sans devoir y rien changer d'essentiel. La figure du Bouddha nous apparaît dans les conditions les plus simples et les plus croyables. Si elles nous révèlent la grandeur de son génie, elles nous expliquent non moins clairement l'immense empire qu'il a exercé sur les esprits. Mais je dois le dire en historien sincère : j'ai transformé les légendes bouddhiques en leur empruntant le récit vraisemblable qu'elles m'ont fourni. Je l'en ai extrait fidèlement et je n'y ai rien changé ; mais ces faits sont trop simples pour avoir suffi à l'imagination superstitieuse des peuples indiens. Les légendes les ont noyés dans une foule de détails extravagants et fabuleux, que je dois faire connaître aussi, du moins dans leur caractère général, afin qu'on sache avec précision ce que valent les livres canoniques du Bouddhisme, pour avoir fait une si grande fortune dans le monde asiatique. Le lecteur sourira quelquefois en parcourant ces légendes, qui, le plus souvent, courront grand risque de lui causer un insupportable ennui. Mais ces folies aussi font partie de l'histoire de l'esprit humain, qu'il faut toujours étudier sans dédain, même alors qu'il s'égare dans ces rêveries monstrueuses. Ceci, d'ailleurs, pourra contribuer à nous faire mieux connaître l'intelligence des peuples auxquels s'adressait le Bouddha, et qu'il devait réformer.

BARTHÉLEMY SAINT-HILAIRE.

(La suite à une prochaine livraison.)

CHARLES-QUINT

AU MONASTERE DE YUSTE

PAR M. MIGNET (1).

Le premier fragment que nous avons reproduit est relatif à l'arrivée de Charles-Quint à Yuste, à la description de son palais, à la vie qu'il y menait, à ses relations avec les moines. Ce fragment s'arrête au mois de février 1557, au moment où Ruy Gomez de Silva, comte de Melito et depuis prince d'Eboli, arrivait chargé d'une mission pressante de Philippe II, qui suppliait son père de lui venir en aide et de quitter sa retraite pour reprendre la direction des affaires de la monarchie espagnole. Depuis cette époque jusqu'au mois d'août 1558 de graves événements s'étaient accomplis. La guerre s'était rallumée en Italie et en France sur la frontière du Pays-Bas ; Philippe II

(1) Voir t. XXVII, p. 5. Ces deux fragments sont extraits d'un volume qui vient de paraître à la librairie de Lheureux, Paulin et Cie, et qui est intitulé: Charles-Quint, son abdication, sa retraite et sa mort au monastère de Yuste. Prix 5 fr.

avait gagné les batailles de Saint-Quentin et de Gravelines; mais le duc de Guise, victorieux en Italie, avait repris Calais sur les Anglais, et de cette alternative de succès et de revers pour les deux puissances allait bientôt sortir la paix de Cateau-Cambrésis, paix fàcheuse pour l'honneur et les intérêts de la France, mais dont Charles-Quint ne devait pas voir la conclusion. Nous reprenons le récit de M. Mignet:

Charles-Quint touchait au terme de ses jours. L'éruption des jambes était revenue avec violence. Ne pouvant supporter l'irritation qu'elle lui causait, il eut recours pour s'en délivrer à des moyens dangereux. « La démana geaison des jambes, écrivait Mathys le 9 août, a recom<< mencé. Elle est très-incommode à l'empereur, qui fait << usage de répercussifs dont il assure se trouver mieux « que je ne le suppose. Ces répercussifs me déplaisent, «< car ils sont très-périlleux. Bien que Sa Majesté me dise « qu'elle préfère une petite fièvre à cette démangeaison, << je ne pense pas qu'il soit en notre pouvoir de choisir <<< nos maux. Je sais très-bien qu'il pourrait en résulter un << mal pire que celui qu'elle a. Plaise à Notre-Seigneur <«<< qu'il n'en soit pas ainsi, et puisse-t-il lui donner la a santé dont nous avons besoin (1)! »

Soumis aux volontés impérieuses de son intraitable malade, le clairvoyant mais timide médecin osait blâmer ses écarts de régime, sans être capable de les arrêter. Il le

(1) Lettre de Mathys à Vasquez du 9 août, dans Retraite et mort de Charles-Quint, etc., p. 314 et 315.

laissait dormir les portes et les fenêtres ouvertes pendant les nuits d'août, qui, étouffantes le soir, étaient trèsfraîches vers le matin (1). Aussi Charles-Quint prit-il un refroidissement qui lui irrita la gorge et lui donna ensuite un accès de goutte inusité dans cette saison. Le 10 août on fut obligé de le soutenir lorsqu'il alla entendre la messe; et le 15, fête de l'Assomption, il se fit porter à l'église, où il communia assis (2). Le lendemain la tête lui tourna, et il eut une sorte de défaillance (3). Depuis il resta faible, avec du malaise, de la chaleur, et sans appétit, ce qui était un mauvais signe. La saison était marquée par des maladies nombreuses qui régnaient aux alentours du monastère, et qui s'étaient étendues jusqu'à Valladolid et à Cigales. Les fièvres tierces ravageaient la contrée; beaucoup de gens en mouraient dans les villages voisins; le comte d'Oropesa en était atteint au château de Jarandilla, et les serviteurs mêmes de Charles-Quint, dont un assez grand nombre étaient malades, n'y avaient pas échappé sur les hauteurs de Yuste (4).

Le temps commença à changer le 28 août. Ce jour-là un orage violent se déchaîna sur la montagne, où vingtsept vaches furent frappées de la foudre (5), et de vieux arbres furent renversés par l'impétuosité des vents. L'air

(1) Lettre de Quijada du 9 août, dans Retraite et mort de Charles Quint, etc., p. 314, note 1, et Retiro, estancia, etc., fol. 215 r.

(2) Lettre de Mathys à Vasquez du 17 août. Retraite et mort de Charles-Quint, etc., p. 315-316.

(3) Lettre de Quijada à Vasquez du 17 août. Ibid., p 319.

(4) Lettre de Quijada du 17 août. Retraile el mort de CharlesQuint, etc., p. 319.

(5) Lettre de Quijada à Vasquez du 28 août. Retiro, estancia, etc., fol. 221 vo.

s'en trouva rafraîchi. Jusque-là Charles-Quint s'était occupé d'affaires importantes ou délicates, qui touchaient aux grands intérêts de la monarchie espagnole ou à la concorde un peu troublée de sa famille. Il avait reçu plusieurs visites à Yuste, et il en attendait d'autres. Le comte d'Urueña, avec une suite considérable, était venu lui baiser les mains (1). Charles-Quint avait été charmé d'apprendre de don Pedro Manrique, premier député aux récentes cortès de Valladolid comme procurador de Burgos, ce qui s'était passé dans cette assemblée, close à la fin de juillet, et où avaient été votés un servicio financier ordinaire et un servicio extraordinaire. Don Pedro Manrique allait à Bruxelles informer Philippe II de cette utile assistance, dont il rendit auparavant compte à l'empereur, qui, sur la recommandation de doña Juana, lui remit une lettre de faveur pour le roi son fils. Cette lettre fut une des dernières qu'il écrivit (2).

En même temps que Pedro Manrique, Charles-Quint avait vu arriver au monastère Garcilaso de la Vega, qui venait de Flandre avec l'archevêque de Tolède Carranza et le régent d'Aragon Figueroa. Garcilaso lui avait apporté des dépêches de Bruxelles et de Valladolid, ainsi que les relations détaillées de tous les événements militaires. Philippe Il avait chargé l'archevêque Carranza et le régent Figueroa de ses plus secrètes communications pour son père; il priait ardemment l'empereur de décider la reine de Hongrie à reprendre l'administration des Pays-Bas lorsqu'il s'en éloignerait. Il le conjurait aussi d'intervenir avec son irrésistible autorité auprès du roi de Bohême,

(1) Lettre de Quijada à Vasquez du 28 août, Retiro, estancia, etc., fol. 221 vo.

(2) Retiro, estancia, etc., fol. 220 vo.

« PrécédentContinuer »