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RAPPORT VERBAL

SUR UN OUVRAGE DE M. FAUSTIN-HÉLIE,

INTITULÉ :

Traité d'instruction criminelle ou Théorie du Code
d'instruction criminelle,

PAR M. BERENGER.

M. Bérenger Messieurs, chargé depuis assez longtemps par M. Faustin-Hélie, conseiller à la Cour de cassation, de faire hommage à l'Académie du 5° volume de son Traité d'instruction criminelle, ou théorie du Code d'instruction criminelle ; j'ai à me reprocher d'avoir autant tardé à remplir les intentions de l'auteur.

En lui offrant ce volume, l'Académie me permettra d'interrompre un moment ses travaux pour l'entretenir de ceux qui ont placé M. Faustin-Hélie au premier rang parmi nos criminalistes.

La législation criminelle comprend dans son ensemble les lois pénales destinées à réprimer les actes coupables et les lois de procédure qui règlent l'action et l'application des premières.

Le but des lois pénales est de donner sanction au droit ; le but de la procédure est d'assurer la complète manifestation de ces lois.

C'est cet ensemble de la législation criminelle qui a fait l'objet des savantes études de l'auteur.

Il n'a point, comme quelques-uns de ses devanciers, adopté la forme du commentaire par article, plus facile peut-être, mais qui entraîne des répétitions et qui ne comporte pas les développements qu'exigent nécessairement des matières où tous les intérêts de la société se trouvent engagés.

Dans un premier ouvrage qu'il publia, il y a quelques années, sous le titre de Théorie du Code pénal, et dont les premiers volumes furent faits en collaboration avec M. Adolphe Chauveau, M. Faustin-Hélie envisagea notre Code pénal au point de vue le plus élevé, prenant les règles élémentaires dans leur berceau, dans les temps éloignés, dans leur développement, dans leurs déviations ainsi, morale, philosophie, histoire, législation comparée, toutes les sciences furent mises par lui à contribution pour accomplir le grand travail qui devait jeter une si vive lumière sur nos institutions pénales.

Cette forme si large adoptée, par l'auteur, ne l'empêcha pas de descendre aux détails pratiques, d'entrer dans l'arène de l'interprétation, d'examiner la jurisprudence, de la placer en face des textes, et, par une critique savante, d'éclairer ce qu'ils pouvaient avoir d'obscur.

Chaque chapitre de ce premier ouvrage, remarquable à tant d'égards, renferme un traité complet dans lequel chaque matière est embrassée aux points de vue divers que je viens de dire.

La théorie du Code pénal, dont le succès a été croissant à mesure qu'on l'a appréciée davantage, a rectifié beaucoup d'idées et a puissamment contribué aux progrès qu'a fait la science du droit pénal.

Le second ouvrage, celui dont l'auteur offre le cinquième volume à l'Académie, est fait sur le même plan. En écrivant sa théorie du Code d'instruction criminelle, il

a reconnu que «< deux intérêts puissants, également sacrés, demandaient à être à la fois protégés; celui de la société qui veut la juste et prompte répression des délits; et l'intérêt des accusés qui est bien aussi un intérêt social et qui exige une complète garantie des droits de la défense. >>

M. Faustin-Hélie a eu constamment en vue ces deux intérêts, et il s'est étudié dans tout le cours de ce nouvel ouvrage à les concilier, de manière à ce que l'accusation eût toujours « les moyens de rechercher et de convaincre, et à ce que la défense ne cessât jamais d'avoir les moyens de se justifier. Lutte solennelle qui ne doit recevoir d'autre influence que celle de la justice. »>

Pénétré de cette pensée que : « la procédure criminelle est destinée à éclairer la marche de l'action judiciaire ; que son but est d'obtenir la complète manifestation de la vérité, et que son principe est la protection efficace de tous les droits, de tous les intérêts, de ceux de la société comme de ceux des accusés, à l'aide des formes dont elle s'entoure et des garanties qu'elle présente, » l'auteur a compris que cette partie du droit criminel avait, comme toutes les autres branches du droit, ses lois générales et ses lois écrites; son nouveau livre explique donc les unes et les autres de ces lois, ce qui a dû nécessairement étendre les limites de son travail; aussi recherche-t-il avec soin dans nos anciennes institutions judiciaires, les principes et les variations de la procédure criminelle, leur filiation, et pour ainsi dire leur généalogie.

Comme il le dit lui-même : « Le Code d'instruction criminelle n'est pas né d'un seul jet; il n'est ni la création exclusive de notre siècle, ni la propriété exclusive aussi du législateur qui l'a rédigé; le plus grand nombre de ses règles avait déjà subi l'épreuve de l'expérience, on n'a fait que les reprendre aux législations antérieures.

Ainsi les ordonnances de 1539 et de 1670; plus ancien- . nement encore les formes de procédure antérieures au XVIe siècle, lesquelles n'étaient elles-mêmes qu'une imitation des règles de la procédure grecque et de la procédure romaine; tous ces monuments de notre ancienne législation ont servi à construire l'édifice de la nouvelle.

On ne peut trop louer M. Faustin-Hélie du soin mis par lui à rechercher ces origines qu'il retrouve : Dans la législation attique ;

Dans le droit romain;

Dans la législation des Capitulaires;
Sous les deux premières races;

Dans les coutumes féodales et sous les législations antérieures à l'ordonnance de 1539;

Sous le régime de cette dernière ordonnance et de celle de 1670;

Enfin dans les législations de 1791 et de l'an IV.

C'est particulièrement dans le 1er volume que M. Faustin-Hélie s'attache à remonter à ces sources précieuses, volume très-remarquable et qui suffirait seul à la réputation de l'auteur! Dans les volumes suivants on reconnaît l'utilité de ces investigations historiques qui servent si puissamment à expliquer les dispositions de notre Code de procédure actuel.

Ainsi, soit que dans le 2e et le 3° volume, l'auteur traite avec tous les développements qu'elles comportent de l'action publique et de l'action civile, soit que dans le 4 il traite de la police judiciaire, et que dans le 5° il expose les principes de la détention préalable, c'est toujours à la lueur des règles transmises par les anciennes législations, qu'il explique, qu'il interprète, qu'il commente, et qu'il éclaire un sujet que son importance et sa gravité recommandent à l'attention des hommes qui,

à tous les degrés, participent à l'administration de la justice.

Je le répète, Messieurs, cet ouvrage, ainsi que le précédent, a placé M. Faustin-Hélie très-haut dans l'estime, non-seulement des jurisconsultes et des publicistes francais, mais encore dans celle des savants de toute l'Europe; à tous les titres donc, l'un et l'autre de ces ouvrages méritent de la part de l'Académie le plus bienveillant accueil.

BÉRENGER.

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