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romanesque? Nous avons sans doute un grand res-, pect pour ces héroïnes philantropiques et scientifiques; nous aimons à croire que, par ton ou par intérêt, ou par délassement, ou même si l'on veut par instinct, elles peuvent faire quelque bien; mais nous doutons qu'elles puissent jamais remplacer ces héroïnes de la charité, que la religion éleyoit au-dessus d'elles-mêmes, et qu'on voyoit jadis descendre de la plus haute élévation, dans les réduits les plus obscurs, pour y surprendre un malheureux abandonné de la nature entière. Ces réflexions pourront peut-être paroître dures, et même inciviques à tant de beaux esprits, qui, aussi corrompus que leur siècle, sont très-intéressés à ce que le siècle n'aille pas mieux ; à tous ces merveilleux restaurateurs de la raison, qui croient qu'on a tout avec les lumières ; que la société se régénère avec des brochures; que les idées libérales vont remplacer les anciennes libéralités, et qu'enfin les pauvres ne peuvent plus manquer de rien, puisque Arlequin fait la quête à l'Opéra. Mais les vrais sages et les esprits non prévenus suivent de l'œil le progrès fatal de la décadence; ils voyent le siècle s'appauvrir chaque jours en vertus comme en génie, et le gouffre des mauvaises mœurs prêt à tout engloutir, à moins qu'un gouvernement aussi sage que prévoyant ne redouble d'efforts pour remonter le ressort moral par le ressort religieux, et n'oppose à ce torrent de dépravation la digue d'une éducation plus propre encore à fortifier les ames qu'à polir les esprits.

Madame de la Rochefoucault, née le 25 janvier 1732, et mariée à l'ancien vicomte de la Rochefoucault, en 1752, est morte à Montmirel le 13 septembre 1803, dans la soixante-onzième année de son âge.

X.

XXVIII.

Monumens religieux, par madame DE GENLIS.

ON

Na dit et répété cent fois que le christianisme est une religion triste, peu favorable aux arts liberaux, et que les poètes et les artistes ne peuvent trouver que dans la mythologie des sujets heureux et brillans. Cependant la religion a enfanté des chefsd'œuvre littéraires; un peuple qui possède Athalie, Polieucte, Esther; les Poésies sacrées de J.-B. Rous seau; le Poëme de la Religion et de la Grace, a des titres assez solides pour repousser les prétentions de. ceux qui, par aveuglement ou par ton, donnent la préférence aux ouvrages des anciens. Mais si l'on compare les monumens élevés avant que la religion chrétienne fût en vigueur, avec ceux érigés depuis, il sera facile de se convaincre que ceux-ci sont en bien plus grand nombre, et méritent la préférence sur les autres, tant il est vrai que la religion élève l'ame, échauffe le génie, et l'inspire au point de lui faire créer des merveilles.

Les monumens religieux sont ceux qui méritent sur-tout d'être remarqués. Par-tout où la religion chrétienne a été en honneur, on a construit une infinité d'églises, de tombeaux, de monastères, de grottes, d'ermitages, qui sont autant de chefs-d'œuvre qu'on ne peut se lasser d'admirer. On peut en dire autant des tableaux et des statues que nous ont laissés les plus grands maîtres. Quelle différence n'y a-t-il pas entre les sujets fournis par la fable, presque tous monstrueux, fantastiques ou lugubres, atroces et li

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cencieux, et les sujets admirables et variés que nous offre la religion. L'histoire des patriarches en offre de si doux, de si gracieux; celles de Rebecca, de Rachel, de Ruth, etc., ont produit des tableaux si ravissans! Le costume antique des hébreux est si beau, et les paysages de la Judée si pittoresques, qu'un peintre se sent naturellement inspiré par d'aussi beaux sujets. La Fuite en Égypte, l'Adoration des Bergers et des Mages, l'Enfant Prodigue, la Madeleine pleurant aux pieds du Sauveur, la Samaritaine, la Cananéenne, fournissent des compositions aussi brillantes, aussi riches que touchantes. Quels sujets majestueux, ter ribles et pathétiques on a tiré de l'histoire des juges et des rois, de la vie des saints, de celles des pères du désert! L'un de nos plus grands peintres (le Sueur), n'a dû sa réputation qu'à l'étude de la vie de

saint Bruno.

On ne peut pas se dissimuler que les fondations d'églises n'aient été de la plus grande utilité aux arts et aux artistes. Car, indépendamment de toute idée religieuse, de tels monumens embellissent singulièrement un pays, ajoutent à la splendeur et à la célébrité d'une grande ville, attirent une foule d'étrangers, et mettent en œuvre les talens de tout genre. Ce n'est que dans les édifices consacrés à la divinité, que l'on peut déployer toute la magnificence et toute la majesté de l'architecture, dans ses plus grandes proportions. On doit encore à la religion un art admirable, dont les chefs-d'œuvre ne pouvoient être consacrés qu'à son culte. Cet art est la mosaïque, qui n'a rien de commun avec celle des anciens. Ces tableaux immortels, et dont l'éclat surpasse celui de la peinture, ne sont beaux qu'en grand et vus de loin; ils ne peuvent décorer qu'une vaste église.

Il est encore un genre de monument que le christianisme a rendu beaucoup plus intéressant qu'il ne pouvoit l'être dans le paganisme. Ce sont les tombeaux. La religion seule pouvoit en dissiper l'horreur. Des ornemens bizarres, des sphinx, des têtes d'animaux, et souvent les simulacres des plus infâmes divinités décoroient les tombeaux antiques; nos figures religieuses et symboliques parlent à-la-fois au cœur et à l'esprit ; elles sont susceptibles d'expressions admirables. Ces réflexions prouvent bien évidemment que la religion, bienfaitrice du genre humain, a non seulement eu sur les arts l'influence la plus puissante et la plus heureuse, mais qu'elle les a régénérés et perfectionnés.

Mais les ennemis de la religion ne se sont pas contentés de chercher à la tourner en ridicule; ils ont blamé jusqu'aux édifices qui servoient d'asile à ces hommes respectables qui abandonnoient le monde, pour se livrer non pas seulement à une vie contemplative, mais au soulagement du pauvre. Il est cependant avéré que la plupart des édifices qui renferment de célèbres universités, des hôpitaux destinés au secours de l'humanité, ont été fondés par des ecclésiastiques, et dirigés par des ministres de la religion; on pourroit en citer un grand nombre; nous nous bornerens à quelques-uns.

L'un des plus anciens établissemens dans ce genre fut le magnifique hôpital que saint Bazile fit bâtir vers l'an 331, dans un faubourg de Césarée; on y recevoit tous les pauvres malades, et même les étrangers. Cet hôpital fut spécialement établi pour les lépreux. Ces infortunés, privés du commerce de leurs proches, fuis et redoutés de tous les hommes, ne trouvèrent de secours que dans la charité chrétienne.

La crainte et l'égoïsme détruisoient pour eux les liens de la nature et de la société, la religion devint leur seul refuge.

Les chanoines hospitaliers de l'ordre du Saint-Esprit, eurent pour fondateur, Gui de Montpellier, qui bâtit dans cette ville, sur la fin du douzième siècle, un célèbre hôpital pour les pauvres malades ; des religieux furent institués pour les soigner. Innocent III, fit bâtir à Rome, un hôpital, en 1198, pour les malades et les enfans abandonnés ; il fit venir de Montpellier des religieux du Saint-Esprit, pour en prendre soin, et donna à son hôpital le même nom de Saint-Esprit. Cette maison, considérablement augmentée depuis, contient mille lits pour les malades; on y entretient un grand nombre de nourrices, et l'on y élève cinq cents garçons et autant de filles, jusqu à l'âge où ils peuvent gagner leur vie.

On éprouve un sentiment d'attendrissement et de respect, en voyant des ruines qui retracent des souvenirs intéressans, ou qui rappellent quelques actions brillantes; mais, que ne doit-on pas ressentir, en entrant dans un lieu où tant d'infortunés reçoivent de tels secours; dans un lieu consacré par une charité si active et si persévérante; dans un lieu où, depuis six cents ans, sans interruption, tant de bienfaiteurs du genre humain ont dévoué leur existence et sacrifié leur santé au devoir de soulager le pauvre, de soigner l'infirme, de recueillir, et de nourrir l'orphelin abandonné: C'est principalement dans les catholiques que l'on rencontre des établissemens de ce genre.

pays

Les monts-de-piété, dégénérés en abus à la longue, excepté quand les gouvernemens y veillent, ont été

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