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Saint-Domingue par les nègres révoltés. Le féroce Jourdan, qui s'étoit donné à lui-même l'affreux surnom de Coupe-tête, étoit le chef des républicains avignonois, qui vouloient la réunion de cet État à la France. La ville est surprise par une troupe d'assassins, qui vont chercher, jusque dans leurs maisons, les malheureux voués à la mort : on les entasse au nombre de plus de soixante dans le palais, où on les égorge la nuit même. On rapporte qu'un jeune homme de dix-huit ans immola quatorze personnes de sa main, et qu'il s'étonna encore de sa lassitude. Deux victimes s'étoient échappées, à la faveur des ténèbres, dont une étoit un prêtre âgé de soixantedix-huit ans, le bienfaiteur connu des pauvres. les retrouve et on les rejoint à leurs malheureux compagnons. Douze femmes furent enveloppées dans ce massacre. Ces bourreaux déchirent, mutilent ensuite les cadavres, et les entassent dans une glacière qu'on mure. Au bout de quelque temps, on obtint de l'assemblée une amnistie pour ces scélérats, et l'on eut le 2 septembre.

On

De tous les ministres du roi, Bertrand de Moleville et Delessart étoient les plus odieux aux républicains. Ceux-ci crurent trouver un prétexte pour demander un décret d'accusation contre ce dernier ; ils l'obtinrent de l'assemblée, et le malheureux Delessart, loin de chercher à se soustraire par la fuite, comme il l'auroit pu, se rendit à la haute-cour nationale, qui siégeoit à Orléans. Le roi le vit partir avec douleur, et comme il avoit l'imagination frappée de la ressemblance de sa destinée avec celle de Charles Ier., il crut voir en M. Delessart un autre Straffort. La cour étoit éperdue. Le parti de la Gironde dominoit l'assemblée. On conseilla au roi de

le flatter en offrant des places à ses créatures. Louis suivit ce conseil, et dem inda de nouveaux ministres aux accusateurs de De essart. Les républicains lui donnèrent Dumourier, Servan, Roland, Clavière et Durantón. L'auteur peint ainsi Dumourier, qui suc1 cédoit au ministère de Delessart. « Il avoit des qualités supérieures à celles même d'un brillant aventurier; il étoit cependant éloigné d'être un grand homme. L'extrême mobilité de son caractère et de ses idées, lui fit prendre sans cesse des rôles différens : il voulut depuis faire honneur à sa politique de ses continuelles métamorphoses. L'obscurité lui faisoit violence, le désordre de ses affaires le pressoit, il vouloit de la gloire, et ne craignoit pas le scandale. Indifférent sur tous les partis, il choisissoit celui qui lui faisoit le plus de promesses. Il avoit d'abord montré si peu de zèle pour la révolution qu'il avoit présenté au roi un plan vigoureux, pour prévenir l'insurrection du 14 juillet. Bientôt il s'étoit lassé d'une opposition qui lui fermoit tout accès aux places. Maintenant il étoit lié avec les républicains sans aimer ni eux ni leurs principes. Son élévation lui causa une telle ivresse, qu'il vint au milieu des Jacobins, protester qu'il suivroit toujours leur inspiration et leurs conseils, et il couvrit sa tête d'un bonnet rouge.... Dès qu'il se vit auprès du roi, il se sentit ému d'un sentiment de compassion pour le sort de ce monarque, et d'admiration pour ses vertus privées. Il s'offrit à lui comme un libérateur, sollicita son entière confiance, et ne l'obtint pas : Louis n'estimoit dans les hommes que les qualités analogues à celles de son ame simple et pure ».

Brissot et les Girondins vouloient la guerre, et les Jacobins accusoient en même temps la cour de la pro

pour

voquer, en entretenant des correspondances secrètes avec le cabinet autrichien. Mais l'auteur déclare que, malgré tous les soins qu'on a pris, depuis huit années, éclaircir ce fait, on n'a encore obtenu aucune révélation qui prouvât le concert de Louis avec les puissances étrangères, qui se montroient disposées à le venger. La guerre fut déclarée, et nos armées s'ébranlèrent pour envahir la Flandre. Mais cette campagne fut marquée par des défaites humiliantes. Ces premiers revers furent aussitôt imputés à Louis par les républicains de la Gironde, qui répandirent que la direction de la guerre ne pouvoit plus être confiée à un monarque, dont les intérêts se trouvoient essentiellement liés avec ceux de l'ennemi. Le but auquel ils tendoient étoit de forcer ce prince à l'abdication, et ils résolurent dès-lors de l'environner de dégoûts et de terreurs, persuadés que ces sourdes attaques suffiroient seules pour le déterminer à quitter un trône chancelant et avili. Bientôt tous les genres d'outrages et les avertissemens les plus sinistres se succédèrent, pour intimider le malheureux roi. Sa garde constitutionnelle fut licenciée, et Brissac, qui la commandoit, l'ami le plus dévoué de Louis, fut décrété d'accusation et envoyé à la haute-cour d'Orléans : les seuls conseillers qui restoient à ce prince, Bertrand de Molleville, Montmorin, Malouet, dénoncés comme formant un comité autrichien, furent forcés de s'éloigner. Ses ministres même se tournèrent contre lui: Seryan, qui avoit la direction de la guerre, vint proposer à l'assemblée la formation d'un camp de vingt mille hommes aux environs de Paris : cette milice étoit plus dirigée contre la cour que contre l'ennemi; et Louis se trouva dans la position bizarre d'être obligé de refuser sa sanction à un décret sollicité par l'un de ses ministres. I

n'y eut pas jusqu'à l'aventurière madame Roland, cette femme à tête exaltée par la philosophie et l'ambition, qui ne se joignît aux ennemis du monarque pour le persécuter. Ce fut elle qui écrivit, au nom de son mari, cette insolente lettre au roi, où elle se plut à réunir tout ce qui pouvoit le glacer d'épouvante. Ce prince déjà étoit déterminé à congédier Servan, Clavière et Roland: leur renvoi leur fut sur-le-champ signifié, lorsque ce dernier lui eut présenté sa lettre. Cet homme dé bien la porta aussitôt à l'assemblée, où elle produisit une vive effervescence et donna lieu aux plus sanglantes invectives contre la cour : on déclara que les ministres renvoyés emportoient les regrets de la nation.

Le parti de la Gironde, pour venger la disgrace des ministres de son choix, dressa à la hâte le plan de l'insurrection du 20 juin. On ne la voulut pas sanglante, mais seulement propre à inspirer la terreur. On vit se rassembler, sous le commandement du brasseur Santerre, la populace du faubourg Saint-Antoine et des autres quartiers de Paris, armée de piques, mêlée d'une immense quantité de femmes, et précédée de deux pièces de canon. Cette troupe se dirigea vers les Tuileries, enfonça les grilles du château, en brisa les portes à coups de hache, et pénétra jusque dans les appartemens du roi, où fut même traînée une pièce de canon. L'appareil de l'épouvante étoit par-tout; mais ces insurgés furent fidèles à l'ordre qu'ils avoient reçu de leurs chefs, d'avilir la royauté et non de la renverser. On vit, dans le tumulte de cette scène, des courtisans emprunter les habits et la pique de quelquesuns des insurgens, et se mêler, dans l'intention de défendre le roi, avec ceux qui vomissoient contre lui le sarcasme et l'injure. « Louis montra, dans cette occasion, toute l'étendue du courage passif, le seul

qui fût compatible avec son caractère. On vint lui lire une pétition où les outrages lui étoient prodigués. Il y répondit avec modération et fermeté. Un homme ivre, et d'un aspect féroce, vint lui présenter le bonnet rouge. Il n'osa le refuser, et il plaça ce signe avili şur une tête dépouillée du diadême.... Il touchoit les cœurs par une bonté familière, et chacun s'étonnoit d'avoir cru voir en lui un ennemi du peuple. Louis n'étoit jamais mieux que lorsque rien ne rappeloit qu'il étoit roi : on eût dit qu'il n'existoit plus nul sou venir du trône, ni de la part de celui qui l'occupoit, ni de la part de ceux qui venoient en ternir toute la splendeur ». Louis XVI étoit assis auprès d'une table, autour de laquelle venoient boire des hommes déjà ivres. Il étoit calme dans ce tumulte. Un garde national s'approcha de lui, comme pour le rassurer sur ses dangers; Louis prit sa main, et la mettant sur son cœur Voyez, dit-il, si c'est-là le mouvement d'un cœur agité par la crainte. Enfin le maire de Paris, Pétion, se présenta; il harangua cette populace, lui enjoignit de se retirer, et ses ordres furent exécutés avec une extrême promptitude. Cette foule armée s'é“. coula par toutes les issues.

L'auteur assigne la journée du 20 juin comme l'é poque où se termina la puissance révolutionnaire des Girondins. Les Jacobins s'indignèrent contre eux : ils crurent que c'étoit profaner une insurrection que de ne pas l'ensanglanter, et que la majesté du peuple avoit été compromise par des, menaces sans résultat. Robespierre et Danton apprirent, par cette journée, avec quelle facilité le château des Tuileries pouvoit être insulté, et dès ce moment préparèrent contre la cour une attaque bien plus terrible; ce fut celle du 10 août.

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