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Histoire de France pendant le dix-huitième siècle, par CHARLES LACRETELLE, professeur d'histoire à l'Université impériale. Tome IV,

MONSIEUR

ONSIEUR LACRETELLE a fait attendre long-temps la publication de ce quatrièine volume. On diroit qu'il a senti les obstacles s'accumuler et sa marche se ralentir, à mesure qu'en décrivant les événemens du dix-huitième siècle il s'est vu approcher de la catastrophe mémorable qui termine cette époque. Aussi ses opinions en politique, en morale, en littérature, IX®. année,

I

en religion, son style et son langage se ressentent visiblement de la gêne où il s'est trouvé, et semblable aux hommes et aux choses qu'il s'est chargé de nous peindre, M. Lacretelle se trouve quelquefois en contradiction avec lui-même.

« Si le règne de Louis XV, dit M. Lacretelle, eût été suivi d'un règne prospèrë, qui, par son énergie, eût réparé les torts de la mollesse et de l'irrésolution, l'historien pourroit tracer avec une rapidité dédaigneuse le tableau des douze dernières années de ce monarque; il indiqueroit les désordres d'une cour énervée, heureux d'en voiler les détails. Comme l'abo lition des Jésuites ne fut point accompagnée en France des catastrophes qui ensanglantèrent celle des Templiers, il diroit en peu de mots que des moines furent renversés pour avoir conçu le projet d'une domination universelle. Le triomphe que l'autorité royale remporta sur les parlemens lui paroîtroit le dénouement forcé d'une lutte inégale..... Arrivé à l'époque où la France voit sa considération politique honteusement interrompue, il franchiroit cet intervalle aussi vite que l'honneur de la patrie semble l'exiger. En parlant des mœurs, des belles-lettres, et de la philosophie, il pourroit peindre à grands traits le mouvement d'une nation qui se précipite en quelque sorte vers le bienêtre que ses lumières lui promettent. Mais les malheurs, la chute et la mort de Louis XVI font une loi de rechercher avec plus de scrupule, de retracer avec plus de sévérité les fautes de son aïeul, et de saisir, dans des événemens frivoles en apparence, les pronostics ou les mobiles d'une révolution terrible ».

Nous ne sommes pas de l'avis de M. Lacretelle ; nous pensons que le devoir d'un historien est de faire connoître le caractère et les défauts des grands person

nages, quelles qu'en aient été les conséquences, et à cet égard même il ne peut se permettre une rapidité dédaigneuse; il suffit cependant d'indiquer les désordres secrets d'une cour énervée, et on peut toujours avoir le bonheur d'en voiler les détails, qui ne sont pas d'ailleurs du domaine de l'histoire; l'abolition des Jésuites ne peut être racontée en peu de mots; et celui qui diroit que « des moines (il faudroit dire des religieux), furent renversés pour avoir conçu le projet d'une domination universelle,» renfermeroit dans ce peu de mots beaucoup d'erreurs. Le mouvement qui portoit les esprits vers un bien-être que promettoient les lumières, n'est guère susceptible d'être peint à grands traits, au moins du genre de ceux dont M. Lacretelle veut parler, parce que les novateurs qui ont donné cette direction à l'esprit public, n'avoient conçu rien de grand, et qu'entraînés les uns par de petites passions, les autres par certaines cotteries, quelquesuns par l'immoralité la plus honteuse, ils ont amené un état de choses qu'ils n'avoient certainement pas prévu, et donné une impulsion qu'il n'étoit pas en leur pouvoir d'arrêter ou même de diriger. Ce sont là de ces opinions qu'on pourroit avoir, si l'autorité de M. Lacretelle et la réputation que ses talens lui ont acquises, n'étoient d'un aussi grand poids, lorsqu'il s'agit de ces sortes de matières.

Cependant tâchons, pour mieux savoir à quoi nous en tenir, de comparer M. Lacretelle avec lui-même. « Ces confesseurs de rois, nous dit-il plus loin, en parlant des Jésuites, étoient traités comme des régicides; ils voyoient réunis contre eux des moines jaloux et des philosophes qui vouloient que leur abolition entraînât celle de tous les monastères. Dans une génération qu'ils avoient élevée, ils trouvoient une foule

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