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Diez aye,

le baptême après le Roi Clovis. La maifon de Bauffremont en Lorraine & en Bourgogne, avoit pour cri ces mots : Bauffremont, au premier chrétien, probablement pour une pareille raifon. Les ducs de Normandie crioient : Diez aye, dam c'est-à-dire Dieu nous aide, le Seigneur Dieu nous aide; car dans la feconde de ces formules, dam eft pris pour dom, dominus, & non pour Notre-Dame, ainfi que l'a penfé la Colombiere. Le duc de Bourbon crioit : NotreDame, Bourbon ; & le duc d'Anjou : S. Maurice. La troifieme efpece étoit un cri de réfolution comme celui que prirent les Croifés pour la conquête de la Terre-Sainte, fous Godefroi de Bouillon: Diez le volt; c'est-à-dire, Dieù le veut. La quatrieme forte de cri eft celui d'exhortation, tel que celui du feigneur de Montoifon de la maifon de Clermont en Dauphiné, à qui le Roi Charles VIII cria à la recouffe Montoifon ; ou celui des feigneurs de Tournon: Au plus druz; c'est-à-dire au plus epais & au plus fort de la mêlée. La cinquieme efpece eft celui de défi, comme le cri des feigneurs de Chauvigni: Chevaliers pleuvent, c'eft-à-dire, viennent en foule. La fixieme forte de cri, celui de terreur ou de courage; ainfi les feigneurs de Bar crioient: Au feu, au feu ; & ceux de Guife: Place à la banniere. La feptieme efpece eft des cris d'événement, comme celui des feigneurs de Prie: Cant l'oifeaux; parce qu'un feigneur de cette maison avoit chargé l'ennemi dans un bois où chantoient des oifeaux. La derniere efpece étoit le cri de ralliement comme celui de Mont-joye S. Denis, c'est-à-dire : ralliez-vous fous la banniere de Saint Denis.

'Tous ces différens cris de guerre étoient bons dans les batailles avant l'invention de la poudre à & l'introduction des armes à feu. Malgré les cliquetis des armes, & le bruit des combat

canon,

tans, on pouvoit encore quelquefois entendre ces différens fignaux.

On avoit même autrefois recours aux cris parce que le vifage des chefs fe trouvant caché par le heaume qui le couvroit entiérement, il falloit un criou fignal pour reconnoître fon chef, & fe rallier à fa troupe.

Aujourd'hui les troupes ne fe reconnoiffent dans une action, que par leurs enfeignes, leur uniforme, & d'autres marques vifibles; ce qui n'empêche pas qu'il n'arrive quelquefois des méprifes & du défordre. Au refte, ces cris de guerre n'ont pas été tellement propres aux Européens qu'on n'en ait trouvé de femblables parmi les peuples d'Amérique, fi l'on en croit d'Acofta. Les Orientaux, tels que les Perfans, les Tartares & les Turcs, ont coutume d'attaquer leurs ennemis, fur-tout en pouffant des cris & des hurlemens; ces derniers crient: Allah Mahomet. Si, dans une bataille contre les Chrétiens, ils voient que ceux-ci, après les avoir enfoncés, négligent de les pourfuivre, ils crient: Giaur camar, c'eft. à-dire, l'infidele a peur ; & c'eft un fignal de ralliement pour revenir à la charge. Si au contraire ils fe voient enfoncés & preffés l'épée dans Jes reins, alors ils crient: Giaur gildy, c'eft-àdire, les Infideles font à nos talons; ce qui eft une marque de leur fuite & de leur déroute en tiere.

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CRITIQUE.

ON peut la confidérer fous deux points de

vue généraux: l'une eft ce genre d'étude, à laquelle nous devons la reftitution de la littérature ancienne. Pour juger de l'importance de ce travail, il fuffit de fe peindre le cahos où les premiers commentateurs ont trouvé les ouvrages les plus précieux de l'antiquité. De la part des copiftes, des caracteres, des mots, des paffages alterés, défigurés, omis ou tranfpofés dans les divers manufcrits: de la part des auteurs, l'allufion, l'ellipfe, l'allégorie, en un mot, toutes ces fineffes de langue & de ftyle, qui fuppofent un lecteur à demi inftruit. Quelle confufion à démêler dans un tems où la révolution des fiecles & le changement des mœurs fembloient avoir coupé toute communication aux idées !

Les reftituteurs de la littérature ancienne n'avoient qu'une voix, encore très-incertaine ; c'étoit de rendre les auteurs intelligibles l'un par l'autre, & à l'aide des monumens. Mais, pour nous transmettre cet or antique, il a fallu périr dans les mines. Avouons-le, nous traitons cette efpece de critique avec trop de mépris, & ceux qui l'ont exercée fi laborieusement pour eux & fi utilement pour nous, avec trop d'ingratitude. Enrichis de leurs veilles, nous faifons gloire de poffèder ce que nous voulons qu'ils ayent acquis fans gloire. Il eft vrai que le mérite d'une profeffion étant en raifon de fon utilité & de fa difficulté combinées, celle d'érudit a dû perdre de fa confidération, à mefure qu'elle eft devenue plus facile & moins importante; mais il y auroit de l'injustice à juger de ce qu'elle a été par ce qu'elle eft. Les premiers

Jaboureurs ont été mis au rang des dieux, avec bien plus de raifon, que ceux d'aujourd'hui ne font mis au-deffous des autres hommes.

Cette partie de la critique comprendroit encore la vérification des calculs chronologiques, fi ce's calculs pouvoient fe vérifier; mais le peu de fruit qu'ont retiré de ce travail les fçavans illuftres qui s'y font exercés, prouve qu'il feroit déformais auffi inutile que pénible, de revenir fur leurs recherches. Il faut fçavoir ignorer ce qu'on ne peut connoître; or il eft vraisemblable que ce qui n'eft pas connu dans l'hiftoire des tems, ne le fera jamais; & l'efprit humain y perdra peu de chofe.

Le fecond point de vue de la critique, eft de la confidérer comme un examen éclairé, & un jugement équitable des productions humaines. Toutes les productions humaines peuvent être comprifes fous trois chefs principaux; les fciences, les arts libéraux & les arts méchaniques fujet immenfe que nous n'avons pas la témérité de vouloir approfondir. Nous nous contenterons d'établir quelques principes généraux, que tout homme capable de fentiment & de réflexion eft en état de concevoir.

Critique dans les fciences. Les fciences fe réduifent à trois points: à la démonftration des vérités anciennes, à l'ordre de leur expofition, à la découverte des nouvelles vérités.

Les vérités anciennes font où de fait, ou de fpéculation. Les faits font ou moraux ou phyfiques. Les faits moraux compofent l'hiftoire des hommes, dans laquelle fouvent il fe mêle du phyfique, mais toujours relativement au moral.

Comme l'hiftoire fainte eft révélée, il feroit impie de la foumettre à l'examen de la raifon; mais il eft une maniere de la difcuter pour le triomphe même de la foi. Comparer les textes,

& les concilier entr'eux; rapprocher les événemens des prophéties qui les annoncent; faire prévaloir l'évidence morale à l'impoffibilité phy fique; vaincre la répugnance de la raifon par l'af cendant des témoignages; prendre la tradition dans fa fource, pour la préfenter dans toute fa force; exclure enfin du nombre des preuves de la vérité tout argument vague, foible, ou non concluant, efpece d'armes communes à toutes les religions, que le faux zele emploie, & dont l'impiété fe joue: tel feroit l'emploi du critique dans cette partie. Plufieurs l'ont entrepris avec autant de fuccès que de zele, parmi lefquels Pascal doit occuper la premiere place, pour la céder à celui qui exécutera ce qu'il n'a fait que méditer.

Dans l'hiftoire profane, donner plus ou moins d'autorité aux faits, fuivant leur dégré de poffibilité, de vraisemblance, de célébrité, & suivant le poids des témoignages qui les confirment; examiner le caractere & la fituation des hiftoriens; s'ils ont été libres de dire la vérité, à portée de la connoître, en état de l'approfondir fans intérêt de la déguifer; pénétrer après eux dans la fource des événemens, apprécier leurs conje&u

res,

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les comparer entre eux, & les juger l'un par l'autre quelles fonctions pour un critique! &, s'il veut s'en acquitter, combien de connoiffances à acquérir! Les mœurs, le naturel des peuples, leurs intérêts refpectifs, leurs richeffes & leurs forces domeftiques, leurs reffources étrangeres, leur éducation, leurs loix, leurs préjugés & leurs principes; leur politique au dedans, leur difcipline au dehors; leur maniere de s'exercer, de fe nourrir, de s'armer & de combattre, les talens, les paffions, les vices, les vertus de ceux qui ont préfidé aux affaires publiques; les fources des projets, des troubles, des

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