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» discipline, des femmes sans mœurs, des peuples »sans foi, des rois sans loi, sans supérieur qu'ils crai»gnent, et délivrés de toute espèce de frein; tous les » devoirs de la conscience anéantis, l'amour de la » patrie et l'attachement au prince éteints dans tous » les cœurs; enfin nul autre lien social que la force : » on peut prévoir aisément, ce me semble, ce qui » doit bientôt résulter de tout cela. L'Europe en proie » à des maîtres instruits par leurs instituteurs mêmes à » n'avoir d'autre guide que leur intérêt, ni d'autre » dieu que leurs passions, tantôt sourdement affamée, » tantôt ouvertement dévastée, par-tout inondée de » comédiens, de filles publiques, de livres corrupteurs » et de vices destructeurs, voyant naître et périr dans son sein des races indignes de vivre, sentira tôt ou » tard dans sa calamité le fruit des nouvelles instructions; » et, jugeant d'elles par leurs funestes effets, prendra » dans la même horreur et les professeurs et les dis»ciples, et toutes ces doctrines cruelles qui, laissant » l'empire absolu de l'homme à ses sens, et bornant tout à la jouissance de cette courte vie, rendent le » siècle où elles règnent aussi méprisable que mal» heureux. » V.

XIII.

Portraits de J. J. Rousseau et de Voltaire.

DEUX sur-tout,
dont le nom, les talens, l'éloquence,
Faisant aimer l'erreur, ont fondé sa puissance,
Préparèrent de loin des maux inattendus,
Dont ils auroient frémi s'ils les avoient prévus.
Qui, je le crois, témoins de leur affreux ouvrage,

Hs auroient des Français désavoué la rage.
Vaine et tardive excuse aux fautes de l'orgueil!
Qui prend le gouvernail, doit connoître l'écueil,
La foiblesse réclame un pardon légitime;

Mais de tout grand pouvoir l'abus est un grand crime.
Par les dons de l'esprit placés aux premiers rangs,
11 ont parlé d'en haut aux peuples ignorans ;

Leur voix montoit aux cieux pour y porter la guerre ;
Leur parole hardie a parcouru la terre.

Tous deux ont entrepris d'ôter au genre humain
Le joug sacré qu'un Dieu n'imposa pas en vain;
Et des coups que ce Dieu frappe pour les confondre,
Au monde leur disciple ils auront à répondre.
Leurs noms toujours chargés de reproches nouveaux,
Commenceront toujours le récit de nos maux.
Ils ont frayé la routé à ce peuple rebelle;
De leurs tristes succès la honte est immortelle.
L'un qui dès sa jeunesse errant et rebuté,
Nourrit dans les affronts son orgueil révolté,
Sur l'horizon des arts sinistre météore,
Marqua par le scandale une tardive aurore,
Et pour premier essai d'un talent imposteur,
Calomnia ces arts, ses seuls titres d'honneur;
D'un moderne cynique affecta l'arrogance;
Du paradoxe altier orna l'extravagance,
Ennoblit le sophisme et cria vérité.
Mais par quel art honteux s'est-il accrédité?
Courtisan de l'envie, il la sert, la caresse 2
Va dans les derniers rangs en flatter la bassesse,
Et jusqu'aux fondemens de la société

Il a porté la faulx de son égalité;

Il sema, fit germer chez un peuple volage,
Cet esprit novateur, le monstre de notre âge,
Qui couvrira l'Europe et de sang et de deuil.
Rousseau fut parmi nous l'apôtre de l'orgueil :
Il vanta son enfance à Genève nourrie,
Et pour venger un livre il troubla sa patrie,
Tandis qu'en ses écrits, par un autre travers,
Sur sa ville chétive il régla l'univers.
J'admire ses talens, j'en déteste l'usage;

Sa parole est un feu, mais un feu qui ravage, Dont les sombres lueurs brillent sur des débris. Tout, jusqu'aux vérités, trompe dans ses écrits, Et du faux et du vrai ce mélange adultère Est d'un sophiste adroit le premier caractère. Tour-à-tour apostat de l'une et l'autre loi, Admirant l'Evangile et réprouvant la foi, Chrétien, déiste, armé contre Genève et Rome, Il épuise à lui seul l'inconstance de l'homme, Demande une statue, implore une prison; Et l'amour-propre enfin égarant sa raison, Frappe ses derniers ans du plus triste délire : Il fuit le monde entier qui contre lui conspire, Il se confesse au monde, et toujours plein de soi, Dit hautement à Dieu : nul n'est meilleur que moi. L'autre encor plus fameux, plus éclatant génie, Fut pour nous soixante ans le Dieu de l'harmonie. Ceint de tous les lauriers, fait pour tous les succès, Voltaire a de son nom fait un titre aux Français. Il nous a vendu cher ce brillant héritage, Quand libre en son exil, rassuré par son âge, De son esprit fougueux l'essor indépendant Prit sur l'esprit du siècle un si haut ascendant; Quand son ambition toujours plus indocile, Prétendit détrôner le Dieu de l'Evangile. Voltaire dans Ferney, son bruyant arsenal Secouoit sur l'Europe un magique fanal, Que, pour embrâser tout, trente ans on a vu luire. Par lui l'impiété, puissante pour détruire, Ebranla, d'un effort aveugle et furieux, Les trônes de la terre appuyés dans les cieux. Ce flexible Protéé étoit né pour séduire : Fort de tous les talens et de plaire et de nuire, Il sut multiplier son fertile poison.

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Armé du ridicule, éludant la raison,
Prodiguant le mensonge, et le sel et l'injure,
De cent masques divers il revêt l'imposture,
Impose à l'ignorant, insulte à l'homme instruit ;
Il sut jusqu'au vulgaire abaisser son esprit,
Faire du vice un jeu, du scandale une école.

Grâce à lui, le blasphème, et piquant et frivole,
Circuloit embelli des traits de la gaité;
Au bon sens il ôta sa vieille autorité,
Repoussa l'examen, fit rougir du scrupule,
Et mit au premier rang le titre d'incrédule.

L. H.

XIV.

Discours en vers sur l'Indépendance de l'Homme de Lettres; pièce qui a remporté le prix de poésie proposé par la classe de la langue et de la littérature française, de l'Institut impérial de France; par M. Millevoye.

L'EXCESSIVE importance que l'on a donnée depuis

cinquante ans à la littérature et à l'état d'homme de lettres, est un des traits les plus ridicules du caractère du dix-huitième siècle, si fécond en ridicules de tout genre tout le respect qu'on refusoit aux choses qui en méritent le plus, sembla se concentrer sur les lettres : le gouvernement perdoit sa considération, les distinctions sociales étoient bafouées, les mœurs étoient dégradées, la religion avilie et méprisée; mais la littérature devint une espèce de sacerdoce, et l'homme de lettres une espèce de prêtre qu'on envisageoit avec une vénération religieuse on regarda le théâtre comme une école de morale, l'académie comme un sanctuaire, les sentences de nos écrivains philosophes comme des oracles, l'algèbre et la géométrie elles-mêmes comme des sciences en quelque sorte mystiques, capables de répandre dans les esprits des lumières surnaturelles. Les gens de lettres profitèrent de cette superstition

Sa parole est un feu, mais un feu qui ravage,
Dont les sombres lueurs brillent sur des débris.
Tout, jusqu'aux vérités, trompe dans ses écrits,
Et du faux et du vrai ce mélange adultère
Est d'un sophiste adroit le premier caractère.
Tour-à-tour apostat de l'une et l'autre loi,
Admirant l'Evangile et réprouvant la foi,
Chrétien, déiste, armé contre Genève et Rome,
Il épuise à lui seul l'inconstance de l'homme,
Demande une statue, implore une prison;
Et l'amour-propre enfin égarant sa raison,
Frappe ses derniers ans du plus triste délire:
Il fuit le monde entier qui contre lui conspire,
Il se confesse au monde, et toujours plein de soi,
Dit hautement à Dieu nul n'est meilleur que moi.

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L'autre encor plus fameux, plus éclatant génie,
Fut pour nous soixante ans le Dieu de l'harmonie.
Ceint de tous les lauriers, fait pour tous les succès,
Voltaire a de son nom fait un titre aux Français.
Il nous a vendu cher ce brillant héritage,
Quand libre en son exil, rassuré par son âge,
De son esprit fougueux l'essor indépendant
Prit sur l'esprit du siècle un si haut ascendant;
Quand son ambition toujours plus indocile,
Prétendit détrôner le Dieu de l'Evangile.
Voltaire dans Ferney, son bruyant arsenal,
Secouoit sur l'Europe un magique fanal,
Que, pour embrâser tout, trente ans on a vu luire.
Par lui l'impiété, puissante pour détruire,
Ebranla, d'un effort aveugle et furieux,
Les trônes de la terre appuyés dans les cieux.
Ce flexible Protéé étoit né pour séduire :
Fort de tous les talens et de plaire et de nuire,
Il sut multiplier son fertile poison.
Armé du ridicule, éludant la raison,
Prodiguant le mensonge, et le sel et l'injure,
De cent masques divers il revêt l'imposture,
Impose à l'ignorant, insulte à l'homme instruit ;
Il sut jusqu'au vulgaire abaisser son esprit,
Faire du vice un jeu, du scandale une école.

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