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sexes sous la dignité des expressions, nous ne sommes tous, le dirai-je, que des mâles et des femelles; lorsque la religion a perdu toutes ses terreurs, et que des époux philosophes ne voient dans leurs infidélités réciproques qu'un secret à se taire mutuellement, ou peut-être une confidence à se faire: favoriser le divorce, c'est conspirer avec les passions de l'homme contre sa raison.... Ces passions violentes, orages tumultueux du cœur humain; ces combats terribles de l'amour contre le devoir, du plus impétueux des sentimens contre le plus puissant des obstacles, qui honorent la nature humaine, même lorsqu'elle succombe, et dont la fiction excite tant d'admiration et nous arrache tant de larmes, ne seront plus que des chimères qu'une postérité dégénérée reléguera au rang des travaux d'Hercule où de la guerre des dieux contre les Titans. Législateurs, fermez ces théâtres qui firent si long-temps l'ornement de la France. Phèdre, Zénobie, Pauline, Monime, seroient des personnages inconcevables pour une nation qui connoît le divorce. Andromaque (1), réduite à ne pouvoir sauver les jours de son fils qu'en manquant à la foi promise à son premier époux, et jurant de mourir en formant de nouveaux nœuds, n'exciteroit que la risée des femmes qui pourroient se marier du vivant même de leurs maris. Ces grandes scènes de la société, où l'homme paroît dans toute sa force, parce que le devoir s'y montre dans toute sa rigueur, et la vertu dans toute son austérité, ne seroient plus dans nos vraisemblances théâtrales; et puisqu'il faut des spectacles à ce peuple

(1)« On ne croit point, dit Racine dans la préface d'Andro» maque, qu'elle doive aimer un autre mari qu'Hector, ni » d'autres enfans que ceux qu'elle a eus de lui. »

enfant, on amusera son oisiveté par des bouffonneries de valets, des lazzi d'arlequin, des histoires de spectres et de voleurs.

que

« Sermens de rester toujours unis, sacrés engagemens

l'amour et l'innocence croient éternels, vous n'êtes point une illusion! la nature vous inspire à tous les cœurs épris l'un de l'autre ; mais, plus forte que la nature, et d'accord avec elle contre nos passions, une loi sainte et sublime vous avoit ratifiés; et, arrêtant pour toujours le cœur de l'homme à ces sentimens si purs, hélas! et si fugitifs, elle avoit donné à notre foiblesse le divin caractère de son immutabilité. Et voilà le législateur du divorce qui a espéré dans notre inconstance, et abusé du secret de nos penchans. Sa triste et cruelle prévoyance est venue avertir le cœur de ses dégoûts, et les passions de leur empire. Comme ces esclaves qui se mêloient au triomphe des conquérans pour les faire souvenir qu'ils étoient hommes, il vient, mais dans des vues bien différentes, crier à la vertu, aux jours de ses joies les plus saintes, qu'elle est foible et changeante, non pour la fortifier, mais pour la corrompre; non pour lui promettre son appui, mais pour lui offrir ses criminelles complaisances. Au moment que les époux se jurent une éternelle fidélité, que la religion consacre leurs sermens, que des familles attendries y applaudissent, une loi fatale verse en secret son poison dans la coupe de l'union, et cache l'aspic sous les fleurs. Elle fait retentir aux oreilles des époux les mots de séparation et de divorce, et laisse dans le cœur, comme un trait mortel, le doute de sa propre constance, et la possibilité d'un essai plus heureux.

» Et cependant une mère avoit conduit à l'autel une fille chérie; enivrée des joies maternelles, elle étendoit dans l'avenir les douces espérances de la tendresse, et

voyoit dans l'objet de ses affections une femme heu reuse et une épouse honorée. L'infortunée ne prévoyoit pas qu'un jour sa fille, renvoyée sans honneur de la maison de son époux, et fuyant devant une orgueilleuse rivale, viendroit arroser le seuil paternel des larmes du désespoir, et reprocher à ses parens le choix d'un perfide; ou que, peut-être, devenue ellemême coupable par la séduction de la loi, elle chercheroit dans la honte un abri contre le malheur, et n'échapperoit à l'opprobre que par l'impudence.

» On parle de population que le divorce favorise, et l'on ignore que si l'union des sexes peuple un pays inhabité, la seule société des époux maintient et accroît la population chez une nation formée, et que le divorce, là où le législateur a l'imprudence d'en introduire ou d'en conserver la faculté, tue plus de familles qu'il ne fait naître d'enfans. Les peuplades sauvages, où tous les individus se marient, sont foibles et misérables; et chez les peuples civilisés, où les besoins de la société condamnent au célibat une grande partie de la nation', l'Etat est populeux et florissant....

» Vous reprochez à la loi de l'indissolubilité sa perfection, et il n'est question que de notre perfectibilité; vous taxez cette loi d'impraticable, et elle est presque par-tout pratiquée, au moins de fait ; car là même où le divorce est permis, il est toujours plus rare que le mariage non dissous. Mais voyez aussi les sophistes qui accusent de sévérité la loi qui punit de mort l'homicide. Etrange inconséquence! les déistes trouvent l'homme trop vil pour que l'Etre suprême daigne s'abaisser jusqu'à lui; J.-J. Rousseau trouve l'homme trop borné, pour qu'on puisse avant l'âge de quinze ans lui apprendre qu'il a une ame; les législateurs modernes trouvent l'homme trop imparfait,

pour qu'ils puissent lui donner des lois fortes: et cependant ils font de l'homme, ils font du peuple le législateur infaillible, le souverain universel; et de tant d'imperfections dans les élémens, ils composent la perfection même dans l'ensemble. La loi de l'indissolubilité trop parfaite! Eh quoi, le législateur des chrétiens, au milieu de toutes les voluptés païennes et de toutes les grossièretés judaïques, a dit aux hommes : Soyez parfaits; et aussitôt ils ont rejeté de la société toutes ces lois imparfaites ou corrompues de leur enfance; l'esclavage, la polygamie, les spectacles atroces et licencieux, la divination, le sacrifice des victimes humaines, l'immolation des animaux, etc., etc. Encore aujourd'hui, des hommes, se disant envoyés par lui, plantent une croix de bois dans le désert; et, ministres de cette autorité nouvelle, ils changent en un jour les usages des temps anciens, commandent à l'homme nu de se vêtir, à l'homme errant de se fixer, à l'homme chasseur de cultiver la terre, au polygame de s'unir à son semblable d'un lien indissoluble, à l'idolâtre d'adorer un seul Dieu créateur et conservateur, et ils sont obéis et ils sont obéis; et la politesse commence avec le christianisme, et les douceurs de la vie en même temps que les devoirs de la société, et la culture des arts utiles en même temps que le culte de Dieu; et telle est la force de cette doctrine sévère, d'autant plus naturelle à la raison de l'homme qu'elle est plus opposée à ses penchans, que des milliers de chrétiens, dont l'esprit étoit aussi juste que le cœur étoit droit, ont souffert, pour rester fidèles à ces croyances, selon vous incroyables, à ces pratiques que vous taxez d'impraticables, des maux et des tourmens que le philosophe n'endureroit pas pour soutenir sa facile doctrine et conserver ses mœurs licencieuses.

Et vous, législateurs, après que l'homme sorti de la foiblesse et de l'enfance, a atteint, à l'aide du christianisme, la mesure de l'âge viril, et la plénitude de la perfection sociale, virum perfectum in mensuram ætatis plenitudinis Christi, vous voulez le faire redescendre aux puérilités du premier âge, et remettre au lait de l'enfance des hommes accoutumés à l'aliment substantiel de la religionn chrétienne. Vaine et fausse philosophie, s'écrie S. Paul, qui veut ramener le monde aux élémens de son enfance, et le faire décheoir de la dignité du christianisme! Videte ne quis vos decipiat per philosophiam, et inanem fallaciam, secundùm elementa mundi et non secundùm Christum. »

De pareils morceaux, qui sont multipliés dans cet ouvrage, l'on fait rechercher avec empressement dans les familles où les mœurs antiques se sont conservées. La première édition étoit épuisée, et celle-ci étoit depuis long-temps attendue. M. de Bonald y a fait quelques additions qui augmentent encore le mérite de ce livre.

X.

XXVII.

LES TEMPLIERS.

Opinion des Historiens sur cet
Ordre.

La foule est toujours à-peu-près la même, parce qu'elle ne peut pas augmenter: le succès va toujours croissant, parce que le fanatisme s'en mêle ; ce n'est point la pièce qu'on applaudit, c'est le sujet. Il y a cependant du mérite dans la pièce; je l'ai dit

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