qu'ilz se voulsissent entretenir tousjours en leur bon propos vers ledit roy si comme ilz avoient fait long temps par avant, promectant, par la bouche des dessusdiz, qu'ilz en seroient moult bien guerdonnez au plaisir de Dieu, si le Roy retournoit en sa seigneurie. Lesquelz ambassadeurs furent très honnorablement receuz des nobles et du commun, et leur furent fais beaulx dons, et leurs despens administrez et payez aux despens de la ville très largement. Et après qu'ilz eurent esté en icelle ville et cité de Tournay certaine espace de temps, l'ung retourna en Berry, et l'autre demoura encores à Tournay, faisant plusieurs prédications, en attrayant tousjours iceulx que bien ils s'entretenissent ou parti du Roy. Mais en fin son estat fut amenri, et se refroidirent ceulx de Tournay de lui faire si grans biens qu'ilz lui avoient fait de première venue. Ou mois d'avril ensuivant, messire Jehan de Luxembourg assambla ses gens d'armes, et avecques lui, sire Thomas de Rampston, chevalier anglois, lesquelz alèrent mectre le siège devant Oisy en Térace. Et dedens briefz jours ensuivans, traicta le cadet, qui en estoit capitaine, avecques ledit de Luxembourg, par telle condicion qu'il lui rendroit la forteresce au cinquiesme jour de may ensuivant. Et par ainsi se départit le siège; et lui fut rendu au jour dessusdit. Auquel an, ledit de Luxembourg asséga l'église de Broissy, laquelle avoient fortiffiée aucuns sacquemans tenans le parti du roy Charles, qui moult faisoient de dommage au pays. Et pareillement asséga la Tour le Borgne. Et furent prins en ces deux places environ quatre vingtz d'iceulx, entre lesquelz estoit ung nommé Le Gros Breton, ung de leurs capitaines. Et furent tous pendus aux arbres assez près de Séry lez Mazières '. En cest an furent ars de feu, de meschief, six cens maisons ou environ de la ville de Saint-Amand, avecques la porte de la bassecourt de l'abbaye et deux chambres de deux moynes dudit lieu, et ne demoura que deux povres maisons entre les deux portes de la ville. Dout le menu peuple de ladicte ville fut tout désolé et eut grant tristesce et troublement. En cest an, se rompirent les trièves, qui avoient duré l'espace de treize ans ou environ, entre le Soudan de Babilonne et le roi de Chippre, par le rapport d'aulcuns faulx chrestiens qui rapportèrent au Soudan que les Chippriens occioient ses gens quant ilz les povoient actaindre. Sur lequel rapport, sans aultre deffiance faire au roy de Chippre, ledit Soudan envoya six galées plaines de Sarrasins descendre en Chippre, et faire guerre par feu et par espée. Et premièrement ardirent et destruisirent du tout la ville de Limeçon', avecques grant foison d'autre pays. Et lors le roy de Chippre, de ce adverti, adfin de résister, envoya ung sien chevalier, nommé messire Phelippe Prévost, à tout grans gens, lequel venu aux dessusdiz Sarrasins, en escarmuchant à eulx fu féri d'une flesche ou visage duquel cop il chey, et tantost lesdiz Sarrasins lui tranchièrent le chief et prindrent ses esperons dorés avecques ladicte teste, et se retrayrent en leurs galées, et puis retournèrent en Surie. 1. Sery-Maizières (Aisne). 2. Limisso. CHAPITRE XVI. Comment messire Jehan de Luxembourg asséga le chastel de Wieghe, et comment il fist une embusche, où Pothon de Sainte-Treille et ses compaignons furent desconfis. En ce temps, messire Jehan de Luxembourg asséga la forteresse de Wieghe1 très puissamment. Lequel siège dura environ trois semaines, continuant tousjours ledit de Luxembourg de faire abatre et dérompre par ses engins icelle forteresce. Et enfin lesdiz asségez non espérans avoir souscours, firent traicté avec ledit de Luxembourg, par tel si qu'ilz s'en yroient sauf leurs vies, en délaissant tous leurs biens, promectans d'eulx non plus armer deçà la rivière de Loire, sinon en la compaignie du roy Charles. Après lequel traicté se départirent en alant à Guise, et la forteresce fut démolie et abatue. Et après, le premier ou second jour ensuivant, ledit messire Jehan de Luxembourg se deslogea avec aucuns de ses plus féables. En ce temps, fut Pothon de Saincte-Treille prins, si comme vous orrez. Je vous di que messire Jehan de Luxembourg durant ledit siège se mist en embusche derrière une petite église, envers les marches de Guise, pour veoir et pour actendre se aucuns de ses ennemis feroient aucune envaye envers ses gens. Laquelle chose advint comme il l'avoit proposée. Car ledit Pothon de Saincte-Treille, Lestandart de Milly, le seigneur de Verduisant et aucuns autres expers et es 1. Wiege (Aisne). prouvez en armes, saillirent hors de la ville de Guise, en venant vers ladicte embusche. Et adoncques ledit de Luxembourg, véant sur eulx son advantage, à tout les siens, ala vigeureusement contre eulx; et tantost par grant vigueur les mist en grand desroy. Et y fut prins ledit Pothon, le seigneur de Verduisant et aucuns autres, en petit nombre. Mais ledit Estandart de Milly, de plaine venue assist sa lance dessus Lyonel de Vandonne, si le porta jus de son cheval et le blessa très durement vers l'espaulle, tant que ledit Lyonel de son vivant en fut affolé de bras et de jambe. Après lequel cop icelui Estandart voiant que proesce n'y povoit riens valoir et que ses ennemis estoient trop fors, se trahit vistement dedens la ville de Guise. Et messire Jehan de Luxembourg avecques ses gens chassa longuement les autres, qui s'en fuyoient en plusieurs parties. Et après retourna et assambla ses gens, en menant grant leesce de la bonne adventure qui lui estoit advenue, et ainsi, à tout ses prisonniers, retourna en son chastel de Beaurevoir, donnant congié à ses capitaines jusques à son rappel. DE L'AN MCCCCXXIV. [Du 23 avril 1424 au 8 avril 1425.] CHAPITRE XVII. Comment, en ce temps, grant quantité d'Anglois arrivèrent à Calais, et autres matières en brief. Et comment messire Jehan de Luxembourg asséga la ville de Guise. Et plusieurs autres matières. Au commencement de cest an, vindrent d'Angleterre, nagant par mer, en la ville de Calais, seize cens combatans anglois ou environ, dont la plus grant partie alèrent à Paris devers le duc de Bethfort, et les autres devers messire Jehan de Luxembourg sur les marches de la contée de Guise. En après, messire Jehan de Luxembourg traicta avec Pothon de Saincte-Treille et autres ses prisonniers, par condicion que eulx et leurs gens se départiroient de la ville de Guise et s'en yroient oultre l'eaue de Loire, sans faire guerre ne dommaige, promectans de non retourner, sinon en la compaignie du roy Charles. Par le moyen duquel traictié et aucunes autres finances que ledit Pothon paya, fut mis en plaine délivrance, lui et ses gens, et s'en ala oultre la rivière de Loire, comme dit est. Environ cest an, s'assemblèrent sur les marches de Champaigne, Lahire, Jehan Raulet et aucuns autres capitaines tenans le parti du roy Charles, avec grant nombre d'autres gens, lesquelz ilz menèrent et conduirent sur les marches d'Ardenne et de Retteloix, et |