Imágenes de página
PDF
ePub

roys ambaxadeurs au Crotoy, devers messire Jaques de Harecourt, c'est assavoir son frère, messire Jehan de Harecourt, évesque d'Amiens, et avec lui l'évesque de Beauvais, messire Hue de Lannoy, maistre des arbalestriers, et ung hérault, de par le roy Henry, pour lui faire sommacion de rendre la ville et chastel du Crotoy en la main des roys dessusdiz. Mais finablement, pour diligence qu'ilz sceurent faire, ne porent venir à quelque traictié. Et pour ce s'en retournèrent.

CHAPITRE CCLXV.

Comment le roy d'Angleterre ala de Senlis à Compiengne : la prinse de Sainct-Digier (lis. Saint-Dizier) et la rencontre des Dauphinois et Bourguignons'.

Item, en ce mesme temps ala le roy d'Angleterre de Senlis à Compiengne, pour veoir la ville. Auquel lieu lui furent apportées nouvelles qu'on avoit voulu prendre la ville de Paris par aucuns moiens de lectres apportées en ladicte ville par la femme de l'armurier du roy de France, laquelle par ung certain jour, bien matin, fut apperceue d'un prestre qui estoit en ung sien jardin au dehors de ceste ville, et le vit parler secrètement à aucunes gens d'armes en une vallée au dessoubz dudit jardin. Et sur ce, ledit prestre tout effrayé retourna dedens la ville de Paris, et dist aux gardes de la porte qu'ils advisassent bien à ce qu'ilz auroient à faire, et qu'il avoit veu gens armez et une femme parler à eulx. Et adonques les dictes gardes de ce ad

1. Intitulé pris sur l'édition de 1572.

vertis, prindrent ladicte femme et la menèrent en prison. Laquelle tantost après congneut son fait. Pour lesquelles nouvelles le dit roy Henry retourna tantost, à tout ses gens d'armes, à Paris, et fist noyer ladicte femme, et avec elle aucuns de ses complices. Et puis retourna à Senlis devers le roy de France.

Item, en ce temps Jehan de Vergy et messire Anthoine prindrent la ville de Saint-Digier en Partois. Mais les Daulphinois qui estoient dedens se retrahirent au chastel, auquel lieu ilz furent tantost asségez. Et ce pendant, la Hire et aucuns capitaines, se assemblèrent en grant nombre pour aler secourir ceulx dudit chastel. De laquelle assemblée furent advertis les deux seigneurs dessusdiz, et pour y résister se mirent ensemble le plus grant nombre qu'ilz peurent finer, et alèrent au devant de leurs adversaires et les assaillirent vigoreusement, et en fin les desconfirent. Si en y eut de mors environ quarante, et les autres se saulvèrent par fuite. Après laquelle besongne retournèrent audit lieu de saint Digier, et tost après le chastel se rendi à eulx, lequel ilz regarnirent de leurs gens '.

1. Vient ici, dans la première édition gothique de Monstrelet, (le Vérard sans date), une pièce de vers intitulée : La complainte du povre commun et des povres laboureurs de France. Cette pièce a été reproduite par toutes les éditions, y compris celle de Buchon. Mais, comme elle ne se trouve, ni dans les manuscrits à un seul livre, tels que le nôtre et le Suppl. fr. 93, ni même dans ceux aux deux livres, et seulement dans ceux aux trois livres, dont le premier, qui est de l'an 1510, est postérieur au Vérard sans date, nous pensons que la pièce en question ne faisait par partie du texte original de Monstrelet, et pour cette raison nous la reportons aux additions.

CHAPITRE CCLXVI.

Comment le duc de Touraine, Daulphin, fist asséger Cosne-sur-Loire, et ce qu'il s'en ensuivy.

Or convient il parler du duc de Touraine, Daulphin, lequel en ce temps assembla de divers pays environ vingt mille combatans, à tout lesquelz il se tira vers Sancerre, auquel lieu se tint de sa personne assez longue espace. Durant lequel temps fu mise en son obéissance la Charité-sur-Loire, où il mist grosse garnison de ses gens, et après fist asséger la ville de Cosne-surLoire, qui à la fin fu contrainte de traicter avec les commis dudit Daulphin, par condicion qu'ilz lui rendroient ladicte ville, le xxvir jour d'aoust ensuivant, au cas que le duc de Bourgongne ne les secourroit audit jour si puissamment que pour les délivrer des mains de ses adversaires. Et avecques ce, promirent lesdiz deux ducs, c'est assavoir de Touraine et de Bourgongne, par la bouche de leurs héraulx, à estre et comparoir chascun à tout sa puissance, l'un contre l'autre, à combatre son adverse partie à ladicte journée. Et afin d'entretenir icelle, ledit duc de Bourgongne, qui paravant s'estoit conclud de retourner en son pays d'Artois, demoura en Bourgongne et manda ses gens de toutes pars, tant en Flandres, Picardie, comme ailleurs, à venir vers lui. Et si envoya devers le roy d'Angleterre lui requerre bien instamment qu'il lui envoiast certain nombre de gens pour estre avecques lui à ladicte journée, avec aucuns de ses princes et chefz de guerre. Lequel roy fist response à ceulx que

ledit duc y avoit envoiez, que ce ne feroit-il pas, mais yroit en sa propre personne avecques toute sa puissance. Et ce pendant, messire Hue de Lannoy, maistre des arbalestriers de France, assembla grant nombre de gens, tant de la conté de Flandres comme des marches vers Lisle; et pareillement firent messire Jehan de Luxembourg, le seigneur de Croy et plusieurs autres capitaines de Picardie. A tout lesquelz, vers l'issue du mois de juillet, se tirèrent par divers chemins entour Paris, soubz la conduite du duc de Bethfort, son frère, du conte de Varvich et autres de ses princes et capitaines, pour aler en Bourgongne. Et lui-mesmes, assez agravé de maladie, se partit dudit lieu de Senlis, après qu'il eut prins congié du roy de France, à la Royne et aussi à sa femme, qui onques depuis ne le vid, et ala à Meleun, où il se fist mètre sur une litière en entencion d'aler à la journée dont dessus est faicte mencion, avecques ses gens. Mais, pour tant qu'il se sentit trop feble et qu'il empiroit de jour en jour, retourna et se fist mener au Bois de Vincennes, et là se alita du tout.

Et le duc de Bethfort, ses princes et tout son ost, se tirèrent par plusieurs journées jusques au pays de Bourgongne, et ainsi le firent tous les seigneurs de Picardie et d'autres lieux. Et tant chevauchèrent qu'ilz viendrent ou pays de Vezelay, où ilz trouvèrent le duc de Bourgongne qui là les actendoit, à tout grant puissance de gens d'armes qu'il avoit assemblez de plusieurs lieux. Si les receut et festia moult joieusement, et par espécial quant il trouva ledit duc de Bethfort et les autres princes d'Angleterre, que moult amoit, si les remercia très humblement du noble et puissant

secours qu'ilz lui présentoient à son besoing. Et après, les princes et les capitaines dessusdiz, joings ensemble comme vous avez oy, commencèrent à chevaulcher, à tout leurs gens qui estoient en très grant nombre, en approuchant ladicte ville de Cosne. Et avoient establi par ordonnance avant garde, bataille et arrière garde, et chascune des compaignies avoit certain nombre d'Anglois, Picars et Bourguignons, afin que au jour qui estoit assigné n'y eust nulle envie, et que nulle des trois parties peussent avoir honneur ou deshonneur plus l'une que l'autre. Et ainsi tenant ceste ordonnance, chevauchèrent vers ledit lieu de Cosne. Devant laquelle ville ilz se logèrent la nuit, dont lendemain ilz devoient estre combatus selon les promesses cy-dessus déclairées. Mais ledit duc de Touraine, Daulphin, et ceulx qui le gouvernoient, sachans la puissance des princes dessusdiz, se retrahy, à tout ses gens d'armes, devers Bourges en Berry, et ne comparu, ne homme de par lui, à ladicte journée, et par ainsi demoura icelle ville de Cosne en l'obéissance du duc de Bourgongne. Et après ceste journée passée, se mist toute l'ost à retourner devers Troies. Toutesfois durant icellui voiage y eut plusieurs Picars et Anglois qui eurent moult grant disète de vivres et par espécial de pain. Mais tantost qu'ilz furent vers ladicte ville de Troies, se commencèrent à mectre au large sur le plat pays. Lequel, tant pour leur venue comme pour leur retour, fu moult travaillé par tout où ilz passoient.

« AnteriorContinuar »