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Diafoirus, et les vers n'ont pu être faits que par lui: la marche de M. Malot est au reste très-dithyrambique ; car, des prés émaillés où serpente l'Yonne, il est bientôt transporté en Amérique : je ne sais pas au juste si c'est au Pérou ou au Mexique, mais peu m'importe; toujours est-il que d'avares Espagnols une infáme poignée (M. Malot est fort en épithètes), auroit été facilement vaincue par le peuple magnanime chez lequel elle

aborde.

M. Malot, au surplus, doit se consoler facilement de la critique ; il sait qu'elle s'acharne contre les talents :

Du vrai mérite, ô fatal privilége!

A peine il vient d'éclore il trouve un détracteur.
Il n'est rien de sacré qui n'ait son sacrilège.

Il est probable qu'il regardera son dithyrambe comme sacré, et moi comme son sacrilége.

M. Gudin a fait hommage au Lycée de l'Yonne d'un poème tout entier sur l'astronomie. «< Toutes les nations, >> nous dit-il dans sa préface, ont toujours désiré d'avoir un poème qui traitât de l'astronomie. » Je n'avois pas encore connoissance de ce désir si universel et si constant ; mais en supposant que nous l'eussions, il faut savoir s'il peut être satisfait par le poème de M. Gudin. Le même poëte nous apprend aussi qu'il pouvoit faire aisément vingt-quatre chants ou quarante-six sur ce sujet. Il faut lui savoir gré de n'en avoir fait que trois. Ce prétendu poème n'est au reste que l'histoire la plus sèche et la plus incomplète de l'astronomie, écrite en vers extrêmement prosaïques. Tout ce qu'on y apprend, c'est la grande aversion de M. Gudin pour les cardinaux, qu'il appelle fils de l'erreur, et sa grande admiration pour les lunes. Son style, ordinairement

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froid, s'échauffe sans en devenir meilleur, lorsqu'il parle de quelque lune :

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O lune! le premier (1) il connut tes deux flancs:

Clairaut nous annonça le retour des comètes.
Le ciel ne nous offroit toujours que six planètes.

Le croirai-je ? Mais quoi! j'entends, j'entends encore
Herschell, ce même Herschell qui, devançant l'aurore,
S'approche de mon lit, et m'arrache au repos.

De Saturne, dit-il, compte les satellites.

- Cinq lunes.- Compte mieux; deux autres plus petites
Semblent toucher l'anneau. — J'ai peine à les discerner.
Ah! je les aperçois, et je les vois tourner.

O prodige! ô merveille étrange, inconcevable!
Spectacle inattendu, plus encore qu'admirable!

Quoi! sans compter l'anneau dont son disque est orné
De sept lunes Saturne encor environné! etc.

M. Gudin ne peut pas se résoudre à quitter ces lunes; il y revient encore :

Saturne offre à nos yeux un spectacle plus beau;
Il nous montre son globe au centre d'un anneau,
Tandis qu'autour de lui sept lunes circulantes, etc.

Enfin l'astre d'Herschell, beaucoup plus écarté,
De six lunes encor nous paroît escorté.

Enfin M. Gudin nous apprend que si on étoit au fond de la mer, on ne verroit pas ce qui passe à sa surface, on ne jouiroit point de ce spectacle

Dont l'aspect fait frémir la terre intimidée,

Et dont sous l'eau jamais on n'auroit eu l'idée.

Ce poème est suivi de notes, et il est bien difficile de décider ce qui vaut mieux ou des notes ou du poème. D'abord, pour la quantité de vers ou de prose, elle est

(1) Galilée.

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absolument la même; trente pages de part et d'autre : c'est donc d'après la qualité qu'il faudroit décider, et cela est impossible. M. Gudin est également philosophe dans ses vers et dans sa prose : ainsi il nous dit, dans ses notes, que Newton croyoit à la révélation; nouveau motif, ajoute-t-il, d'étre indulgent et de pardonner à la foiblesse humaine. Il me semble néanmoins que M. Gudin n'est pas toujours conséquent à lui-même : dans la division des sciences dont j'ai déjà parlé, il avoit classé la théologie parmi les sciences fausses, la médecine parmi les sciences conjecturales, et les mathématiques parmi les sciences positives; et ici il nous dit que Copernic étoit médecin, mathématicien et chanoine, trois états, ajoute-t-il, également propres à faire connoître combien l'esprit humain est foible. Estce que la culture des sciences fausses, conjecturales ou positives prouve également la foiblesse de l'esprit humain?

Non - seulement les femmes fréquentent le Lycée de l'Yonne; mais elles y sont associées, elles y font des vers. Madame de Villeurnois en fait de plus édifiants et peut-être de meilleurs que M. Gudin; elle a traduit le pseaume in Exitu. Voici la traduction du verset Manus habent, etc. :

Ils ont des yeux! au jour leur oeil est insensible;
Leur oreille! à vos cris elle est inaccessible;

Leur nez, sans odorat, méconnoît votre encens;

Leurs bras n'agissent point, leurs pieds sont immobiles, etc. Ces vers ne sont pas bons; il y en a de meilleurs dans le reste de la traduction, mais je les ai cités, parce qu'ils me rappellent ceux du grand Corneille, auquel madame de Villeurnois, même dans cet endroit foible, est restée très - supérieure, comme on en peut juger :

Les oreilles pour eux sont de si peu d'usage,

Qu'autour d'elles le son frappe inutilement;

Et le nez qu'on leur plante au milieu du visage

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On voit qu'il est éclos peu de chefs-d'œuvre dans le sein de l'académie de l'Yonne. On y a lu cependant des mémoires où paroissent développées d'excellentes vues d'économie rurale et domestique. On doit surtout distinguer dans ce nombre ceux de M. Rougier-Labergerie; et si l'émulation qui paroît exister entre les membres de cette société littéraire se soutient, on peut prédire hardiment qu'un jour le petit Athénée de l'Yonne rivalisera avec le grand Athénée de Paris.

et habent sua fata Lycai. A.

XLIII.

Profondeur de l'Athénée de Paris dans l'art de la chicane.

S'IL

'IL est des sciences utiles professées par de bien médiocres professeurs à l'athénée, il est une science désastreuse que les administrateurs de cet établissement pourroient professer avec un rare talent : c'est la science de la chicane. Ils se sont sans doute réjouis, lorsqu'ils ont appris qu'ils avoient affaire à un plaideur novice, qui paroissoit pour la première fois dans cette litigieuse arène. Ils prouvent, eux, que ce n'est pas leur premier procès. Chicaneurs consommés, ils abusent de mon inexpérience, ils abusent de ma politesse. J'avois, cru qu'il suffiroit de les faire inviter poliment à se rendre devant le juge de paix. Les voies de contrainte me paroissoient acerbes. Je ne voulois point placer un huissier

entre l'athénée et moi : ce moyen de communication ne doit pas être admis entre des gens qui savent vivre. L'athénée répond d'abord avec astuce à cette invitation ; il envoie un secrétaire demander un délai : ce délai lui est accordé, et l'athénée ne se rend pas au jour fixé. Mais c'est la fixation de ce jour qui est un chefd'oeuvre de tactique chicanière : ils choisissent le vendredi, parce que, d'après les lois de la cédule, qu'ils me paroissent connoître parfaitement, et d'après les jours d'audience du juge de paix, ils ne peuvent plus être cités que jeudi prochain. C'est un des calculs les plus profonds qui jamais aient été faits à l'athénée.

Par des délais ainsi savamment combinés, on peut gagner du temps, on peut me faire perdre des leçons. M. Vigée (1) apprendra à lire à tout l'athénée, samedi prochain, et je ne pourrai pas dimanche écrire un peu pour prouver au public que j'ai profité de cette instruction. M. Ginguené fera une notice sur la vie de Pétrarque, une idylle sur la fontaine de Vaucluse, des madrigaux sur la belle Laure, et je n'entendrai ni ces madrigaux, ni cette idylle, ni cette notice. Je sais bien qu'on trouve tout cela partout; mais enfin je voulois le trouver encore à l'athénée, et j'en avois le droit : j'avois payé cette fantaisie assez cher. Or, je demande si je dois être ainsi la victime du caprice de MM. les administrateurs, ou de la médiocrité d'un professeur. Je le serois cependant, s'il ne m'étoit pas rendu une justice pleine et entière, c'est-à-dire, si je n'avois la faculté d'entendre tout ce qui s'est dit à l'athénée pendant toute la durée du cours. Il faudra donc que MM. les professeurs soient condamnés à répéter les belles choses qu'ils auront débitées pendant mon absence. Une belle dame

(1) La leçon de M. Vigée doit être sur Art de lire.

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