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quelque intérêt sur des détails arides et rebutans par eux-mêmes, étoit de les assaisonner d'un peu d'impiété. Malheureusement l'esprit du siècle est changé; on commence à se dégoûter de ces froides railleries, de ces misérables invectives qui n'attestent le plus souvent que l'ignorance ou la mauvaise foi de leurs auteurs; et un livre qui n'attend ses succès que de pareils moyens, court grand risque de rester enseveli dans la boutique du libraire. Encore, si M. Richerand avoit imaginé quelque bonne calomnie, ou aiguisé quelques-uns de ces traits piquans qui étonnent et déconcertent par leur perfidie, on admireroit en lui le talent de l'invention, et du moins l'indignation sauveroit de l'ennui. Mais il est loin d'avoir même ce genre de mérite; écho trop fidèle, il se borne à répéter les objections triviales et cent fois pulvérisées de ses devanciers, ou s'il y ajoute quelque chose, ce sont des imputations plus absurdes et plus ridicules encore.

C'est dans une prétendue Histoire de l'Art, placée à la tête de son ouvrage, que M. Richerand se livre à toute l'amertume de son zèle philosophique. La chirurgie des Juifs fixe d'abord son attention; et comme les Juifs ont eu le malheur d'être le peuple de Dieu, on sent bien qu'un philosophe ne doit trouver rien de bon parmi eux. Il est vrai que l'histoire ne nous apprend rien de certain sur l'état et les progrès de la science chirur-> gicale au milieu de cette antique nation; mais M. Richerand va plus loin que l'histoire : il affirme hardiment » qu'elle devoit se réduire à une pratique routinière, » et partager le sort de toutes les sciences. Comment, » ajoute-t-il, cette nation, soumise à la plus affreuse » théocratie, et tellement enveloppée dans les langes » de la superstition, que les pratiques les plus indiffé>> rentes de la vie étoient réglées dans des livres auxquels

» elle attribuoit une origine céleste....., èût-elle pu s'é» lancer vers un mieux dont la connoissance lui étoit >> interdite comme une curiosité condamnable? » Je ne chercherai point à venger la chirurgie des Juifs du mépris de M. Richerand; il me faudroit, comme lui, substituer les conjectures aux monumens historiques; et quoique les miennes eussent peut-être plus de vraisemblance que les siennes, je ne veux point user d'une aussi foible ressource: mais il me permettra du moins de discuter avec lui les motifs sur lesquels il appuie son opinion avec tant d'assurance.

si

Le gouvernement des Juifs étoit absurde! s'ensuit-il nécessairement de là que l'art de guérir, l'un des premiers comme des plus pressans besoins de l'homme, n'ait point été cultivé par eux? Les Arabes aussi vivoient sous un gouvernement absurde, et cependant le siècle des Rhasir, des Avicenne, des Albucasis, n'a-t-il pas été une des époques brillantes de la médecine? Mais je de-. mande à M. Richerand de quel droit et à quel titre il ose appeler absurde la législation de Moïse, législation pure dans ses principes, si sage dans ses ordonnances, si profondément empreinte dans les mœurs et dans les habitudes de la nation ́juive, qu'elle semble avoir en quelque sorte participé à l'immortalité de l'être souverain qui l'a dictée ? Les publicistes les plus célèbres en ont admiré les grandes et fortes conceptions, et un jeune élève d'Esculape, élevant sa petite opinion au-dessus de ces témoignages imposans, viendra nous la dénoncer comme un monument d'ignorance et de barbarie! En vérité, une telle audace excède toute mesure. Après la terrible expérience que nous avons faite de leurs systèmes politiques, comment des philosophes osent-ils encore nous parler de politique et de gouvernement, et

l'amour - propre n'auroit-il pas dû déjà depuis longtemps leur apprendre à se taire?

comment

Je ne repousserai point ici le reproche banna de superstition que M. Richerand adresse aux Juifs ;je ne m'appesantirai point sur cette image dégoûtante et impropre de langes, dans laquelle il paroît se coaplaire, et qu'il a volée aux philosophes du siècle derier : tout cela est tellement usé, qu'on ne conçoit p il a eu la maladresse d'y revenir; mais je prierai de me dire où il a vu que l'étude des scienc' et des lettres étoit interdite aux Juifs, comme une ci iosité condamnable? Je pense bien qu'il ne perd perd p son temps à lire la Bible: cette lecture ne convient.d'aux petits esprits; mais alors il ne faudroit arler, et surtout ne S'il veut que

pas

pas en

pas.

lui faire dire ce qu'elle r dit nous l'en croyons, qu'il nor cite une seule ordon

éfense soit clairement ex

nance, un seul texte où cette primée; ou plutôt, qu'il arantisse la Bible elle-même, et avec elle le souvenir de foïse et de ses lois, de David et de ses cantiques, des ophètes et de leur éloquence; qu'il efface du nombres savans Salomon, ce prodige de science, qui ave décrit toutes les plantes et tracé l'histoire de tous animaux; qui étonna l'univers par les merveilles de son règne,

sa sagesse autant

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par

et dont les peres les plus lointains venoient en foule écouter les dours et contempler la gloire. Non, jadéfendu aux Juifs de cultiver les sciences, mais il n'a ni de s'encer vers aucun genre de mieux, à moins cherand ne donne le nom de mieux à l'idoque M. lâtrie a l'impiété; ce qui ne laisseroit pas d'être trèsphil phique. Ce sont eux qui ont produit les premiers hiriens et les premiers poètes; les arts ont été floriss sous plusieurs de leurs rois : et, ce qui devroit au oins leur faire trouver grâce devant M. Richerand

à l'époque de leur décadence, ils ont fini par avoir leurs philosophes dans la secte des Saducéens.

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«La lèpre venoit-elle à infecter les Juifs, poursuit M. Richerand, on fuyoit les misérables lépreux, on » les squestroit inhumainement de la société, tant on » redoubit un fléau contre lequel l'art négligé ne four»nissoit point de défense. » Plaisante humanité que celle de M Richerand! Il s'attendrit sur les lépreux; il trouve le séquestration inhumaine : auroit-il donc voulu que le égislateur ne prît aucune mesure pour arrêter une cogion aussi horrible, et que la nation toute entière en duint la proie? Il falloit guérir la lèpre, vous dira-t-il, et laser aux lépreux la liberté. Mais depuis quand les médeos sont-ils obligés de guérir toutes les maladies, sous peke d'ignorance? N'en est-il pas qui sont évidemment au essus de la puissance de l'art? Qui a dit au surplus à M Richerand que la lèpre ne guérissoit jamais chez les Jus? Les précautions ordonnées par la loi pour constate la parfaite guérison des lépreux, ne semblent-elles pasattester le contraire? et s'il s'opéroit réellement des cure de ce genre, ne doiton pas en conclure que la médecie n'étoit pas cultivée sans quelque succès parmi les Juifs,puisqu'il est certain que la lèpre abandonnée à elle-mèn a toujours une issue funeste? La séquestration n'est pint un obstacle aux secours de l'art; quelquefois même le en seconde l'effet. Encore aujourd'hui on ne connoît pa de barrière plus puissante à opposer aux ravages de la jeste ou de la fièvre jaune, que l'isolement sévère de tous ceux qui en sont atteints; M. Richerand attaquera-t-il ausi cette mesure comme inhumaine, ou osera-t-il en conclure que la médecine est négligée parmi les modernes, puis qu'elle ne sait pas guérir constamment ces deux redo tables maladies?

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Mais voici quelque chose de bien plus extraordinaire. Je citois tout-à-l'heure les cantiques de David comme des monumens authentiques de la plus belle et de la plus riche poésie. Hé bien, c'est dans ces cantitiques eux-mêmes que notre jeune savant va chercher des témoignages contre la chirurgie des Juifs: ce sont les psaumes qu'il appelle en preuve de leur ignorance. « Les plaintes qu'exhale le psalmiste, dit-il, ne nous > entretiennent que de douleurs sans remède; usé par » les excès de la débauche, le poète-roi déplore les >> infirmités d'une vieillesse prématurée. » Ainsi les pieux gémissemens de David, ces cris de douleur qu'il jette à la vue de son crime, ne sont que les plaintes d'un vieux libertin en proie aux souffrances de la débauche; ce n'est pas son ame qui est déchirée par repentir, c'est son corps que dévorent des ulcères; et s'il implore avec une humilité si touchante la miséricorde de Dieu, c'est qu'il n'existe en Judée aucun chirurgien capable de le panser. Un tel excès de délire a peine à se comprendre. En vain prouverez-vous à M. Richerand que l'histoire du règne de David dément partout les traits avilissans sous lesquels il cherche à le peindre; nous avons déjà vu qu'il sait éluder l'histoire lorsqu'elle le condamne, et supplée à son silence lorsqu'elle ne parle pas en sa faveur. En vain lui rappellerez-vous que la poésie a ses métaphores, que la poésie orientale surtout les répand avec profusion. En vain lui objecterez-vous que des maladies sans terme et des infirmités sans soulagement, n'étoient guère propres à échauffer l'enthousiasme du prophète, et à lui inspirer ses sublimes accens; la philosophie n'entend rien à ce langage: elle ne connoît que des objets matériels, et ne croit qu'aux douleurs du corps. Oh! que ses vues sont petites! que ses sentimens sont bas!

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