Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

» n'êtes pas aussi riche que moi, me dit la jeune es» piègle.

» Cela est vrai, lui répondis-je; mais je suis de» moiselle, et vous ne l'êtes pas ».

Constant d'Aubigné sortit de sa prison en 1639; il ne voulut jamais consentir à abjurer le calvinisme, et voyant qu'il n'y avait pas de sûreté pour lui en France, il s'embarqua pour la Martinique. Pendant la traversée, la petite Françoise tomba si dangereusement malade qu'on la crut morte; on était déja sur le point de la jeter dans les flots, lorsque sa mère s'aperçut qu'elle respirait encore et conservait un reste de chaleur.

D'Aubigné, arrivé à la Martinique, réussit d'abord dans quelques affaires, et tout fesait entrevoir à la malheureuse famille un avenir plus heureux, lorsque sa femme partit pour la France dans le but de réclamer des biens auxquels elle avait des droits.

: Pendant l'absence de son épouse, d'Aubigné joua et perdit tout ce qu'il possédait en Amérique. Il mourut vers l'an 1645, laissant à sa famille si peu de ressources, que madame d'Aubigné, en repassant én Europe, fut obligée de laisser Françoise, sa fille, entre les mains d'un créancier. Let homme, montrant plus de générosité qu'on n'était en droit d'en attendre d'un asurier, fournit pendant quelque temps à tous les besoins de mademoiselle d'Aubigné, et la fit même ramener en France après avoir payé son passage.

2

Madame de Villette n'eut pas plutôt appris le retour de sa fille, qu'elle s'empressa de prier la mère de la lui confier de nouveau. La veuve de Constant d'Aubigné craignant que sa belle-sœur ne déterminât la jeune Françoise à embrasser le protestantisme, hésita long-temps: mais n'ayant d'autre perspective que la misère, elle y consentit à regret. Ses craintes ne tardèrent pas à se réaliser, et elle eut la douleur d'apprendre que Françoise avait cédé aux instigations de madame de Villette qui fesait profession d'hérésie. Mademoiselle d'Aubigné, heureuse de pouvoir suivre .| son penchant à secourir les pauvres, répondait à ceux qui l'exhortaient à rentrer dans la religion catholique:

Oui, je serai catholique, à la condition que vous 'ne m'obligerez pas à croire que madame de Villette, ma tante, sera damnée.

Elle résista à toutes les exhortations, et madame "de Caylus qui voulait faire sa cour à la reine mère en ramenant au bercail cette brebis égarée, obtint du roi un'ordre pour retirer mademoiselle d'Aubigné des mains de sa tante. De concert avec madame de Neuillant, elle mit tout en œuvre pour triompher de la résistance de la jeune Françoise; les promesses, les conférences n'aboutirent à rien, et madame de Neuillant, désespérant de réussir, se détermina à employer la voie des humiliations. La fille de Constant d'Aubigné Tut reléguée avec les domestiques; les détails les plus abjects ne purent la rebuter; on eut recours au dernier moyen, et on la mit au couvent des Ursulines de Niort. Cédant aux plus vives instances, elle consentit enfin à abjurer le calvinisme.

H.

LE POETE SCARRON.

La jeune néophite n'eut pas plutôt changé de religion, que madame de Villette refusa de payer sa pension. Les ursulines de Niort n'étant pas assez riches pour la garder gratuitement dans leur couvent, la supérieure lui dit, les larmes aux yeux:

[ocr errors]

Ma fille en Jésus-Christ, avant de vous annoncer votre prochain départ de cette sainte maison, j'ai parlé à madame la comtesse de Neuillant, qui a refusé de faire le moindre sacrifice. Que Dieu vous soit en aide, ma fille; demain les portes du couvent s'ouvriront pour vous.

Mademoiselle d'Aubigné se réfugia auprès de sa mère qui était déja réduite aux derniers expédiens, et mourut quelques mois après dans la plus affreuse misère. Sa fille, restée seule, sans appui, sans protecteur, s'enferma dans une petite chambre à Niort. Pressée par la faim, elle se détermina à implorer le secours de madame de Neuillant, qui l'accueillit par convenance, et la mit au couvent des Ursulines de la rue Saint-Jacques, à Paris : elle y fit sa première communion; et cet acte de catholicisme lui mérita les bonnes graces de sa protectrice. Le chevalier de Méré, charmé des qualités de mademoiselle d'Aubigné se charga avec empressement de lui apprendre les belles manières qu'affectaient alors les grandes dames ridiculisées par Molière dans les Femmes savantes et les Précieuses ridicules. Connue sous le nom de la jeune Indienne, la fille de Constant d'Aubigné qui pullulaient à Paris. fut bientôt admise dans les cercles des beaux-esprits

Dans une des rues les plus obscures, les plus tortueuses du Marais, était une maison de chétive apparence où se rendaient quelques gentilshommes, des femmes à prétention et des hommes de lettres. Bref, l'abbé Scarron recevait dans son modeste logis tout ce que la ville et la cour présentaient de plus spirituel. Ce bizarre Amphitrion, difforme, impotent, accablé par des infirmités prématurées, n'avait conservé de sa vigueur de jeune homme que son enjouement burlesque, et sa causticité facétieuse. Il amusait par ses bons mots ceux qui le visitaient chaque semaine : ce n'était pas sa faute; la bonne compagnie aimait le burlesque, et Scarron était un nouvel Esope de la tête aux pieds.

·

L'auteur du Roman comique avait trop de tact et de pénétration pour ne pas remarquer les graces et l'esprit de mademoiselle d'Aubigné; Il en parla bientôt avec tant d'enthousiasme, que plusieurs de ses amis lui demandèrent en riant s'il était amoureux de la jolie demoiselle

[ocr errors]

-Eh pourquoi pas ? répondait le poète perclus de tous ses membres... Vulcain, le dieu des forgerons,, épousa madame Vénus, la déesse des amours; qui sait si je ne vous renouvellerai pas les merveilles de la Mythologie. Mais, que dis-je? Scarron deviendrait

l'époux de la plus jolie demoiselle de France ! Cela ne se peut, mes amis...

Que risquez-vous à lui faire l'aveu de votre amour? dit le chevalier de Méré.

- Merci, chevalier, merci de votre bon conseil, répliqua le poète. Je sais à quoi m'en tenir.

Quatre jours après, madame de Neuillant ramena sa protégée au cercle du Marais. Mademoiselle d'Aubigné parut à tous les habitués plus belle que jamais; Scarron, touché de la pénible situation où se trouvait la jeune orpheline, la fit asseoir à côté de lui, l'accabla de caresses, et finit par lui dire à haute voix:

Mademoiselle d'Aubigné, les poètes ne sont pas riches, mais Scarron peut payer votre dot si vous voulez entrer en religion.

L'orpheline ne put retenir ses larmes. Scarron prit une de ses petites mains:

-Je serais le plus heureux des hommes, si vous préfériez au couvent un époux perclus, mais qui vous aimera comme son bon ange.

Françoise d'Aubigné rougit d'abord; mais, après quelques momens d'hésitation, elle prononça, de manière à n'être entendu que du poète, ce seul mot: Oui.

Scarron ne put s'empêcher de témoigner la joie que lui causait une semblable détermination, et se tournant vers ses hôtes, il s'écria:

Messieurs, saluez madame Scarron.

Les fiançailles furent célébrées quelques jours après, et tout Paris ne parla que de cet étrange mariage qui ne donnait pas un époux à mademoiselle d'Aubigné, mais qui lui assurait un appui et un protecteur; aussi madame Scarron écrivit-elle à Georges d'Aubigné, son frère :

« Vous savez que je ne suis point mariée; c'est une >> réunion où le cœur est entré pour peu de chose, >> et le corps en vérité pour rien. >>

La maison de Scarron fut de jour en jour plus fréquentée; la jeune dame, d'abord timide, acquit en peu de temps celte aisance sans laquelle on ne peut être aimable, et les réunions des beaux-esprits qui se fesaient chez son mari acquirent de nouveaux charmes.

Madame Scarron, par son maintien noble et modeste, sut imposer à la licence des plus hardis. Elle aimait par dessus tout ses entretiens avec madame de Caylus, et elle lui disait souvent :

((- Madame, je passe mes carêmes à manger un >> hareng au bout de la table, et je me retire aussitôt » dans ma chambre, parce que j'ai compris qu'une >> conduite moins exacte et moins austère à l'âge où » je suis, ferait que la licence de cette jeunesse n'au>> rait plus de frein et deviendrait préjudiciable à ma >> réputation. >>

Plus tard, elle écrivait à une grande dame de la

cour:

« Je n'étais pas assez heureuse pour agir alors » uniquement pour Dieu; mais je voulais être esti» mée; l'envie de me faire un nom était ma pas» sion >>>

Le poète Scarron fit tous ses efforts pour rendre heureuse sa jeune épouse; il la consultait sur ses œuvres, et suivait presque toujours ses conseils.

- Ma bonne Françoise, lui disait-il au commencement du mois de septembre 1660, que ma santé s'affaiblit! je touche à ma fin, et je vous laisserai libre de contracter un autre hymen moins ridicule que le premier.

- J'ai trouvé le bonheur dans votre maison, et celle qui porte le nom de madame Scarron n'aura jamais à rougir de son époux.

-Toujours bonne, ma très chère Françoise, disait le poète, attendri jusqu'aux larmes.

Il lui cachait les violentes douleurs qui le torturaient depuis plus d'une année; il craignait de l'allarmer. Dans les premiers jours d'octobre, le mal empira si subitement que les médecins déclarèrent leur art impuissant. Scarron entendit sans sourciller son arrêt de mort. Il retrouva même toute l'énergie de sa vie burlesque, il fit à ses amis les adieux les plus comiques, el dit à sa femme qui pleurait :

« Madame, ne pleurez pas ainsi; je meurs, mais >> je vous lègue par testament le pouvoir de vous re>> marier.

Sur le point de rendre le dernier soupir, il voulut voir encore une fois celle qui avait répandu tant de charmes sur les derniers jours de sa vie.

— « Je vous prie, lui dit-il d'une voix que l'émotion » et le råle de la mort rendaient tremblante, de vous >> souvenir quelquefois de moi; je vous laisse sans » bien; la vertu n'en donne pas; cependant soyez » toujours vertueuse. »

[ocr errors]

- Oui, Scarron, je serai toujours vertueuse, dit la jeune dame en serrant contre son sein le poète qui venait de rendre le dernier soupir.

Ceci se passait dans une petite maison du Marais, la nuit du 14 octobre 1660.

III.

UNE VISITE A MADAME DE MONTESPAN.

Madame Scarron n'avait que vingt-cinq ans lorsqu'elle perdit son époux qui lui laissa de nombreuses dettes et quelques amis. Presque réduite à la misère, elle trouva plusieurs personnages très puissans qui lui offrirent leur protection, dans l'espoir de s'attirer les bonnes graces de la jeune veuve qui était encore dans l'éclat de sa beauté. Fouquet, suriatendant des finances, plus audacieux que ses concurrens, fit mettre sur sa toilette un écrin du plus grand prix. La veuve Scarron rejeta cet infame présent avec le sentiment d'indignation qu'inspire une vertu sans tache.

[blocks in formation]

rillon cherchèrent encore à la séduire, et ne réussirent pas mieux que le surintendant des finances. La reine-mère, admiraut une si belle conduite, continua à la veuve Scarron la pension qu'elle fesait à son mari.

La jeune dame se retira dans le couvent des Hospitalières du faubourg Saint-Marceau, où elle ne recut d'autres visites que celles du poète Segrais, son ami, qui allait la voir toutes les six semaines. Elle se rendait souvent à l'hôtel de la maréchale d'Albret.

« Là, dit-elle dans ses mémoires, je me contra>> riais dans tous mes goûts, mais cela me coûtait >> peu, quand j'envisageais ces louanges et cette ré>>putation qui devaient être le fruit de ma conduite; > c'était là ma folie, je ne me souciais point de ri>> chesses; j'étais élevée de cent piques au-dessus de » l'intérêt; je voulais de l'honneur. »

L'hôtel de la maréchale d'Albret était le rendezvous des beaux-esprits et des galans de Paris. Madame Scarron y rencontrait souvent les dames de Coulanges, de Sévigné, de Lafayette, de Thianges, la célèbre mademoiselle de Pons, le duc de Larochefoucauld, la marquise de Sablé, madame de Montespan, Ninon de l'Enclos, l'immortelle épicurienne, et plusieurs autres courtisannes de haut parage, nouvelles Aspasies qui savaient allier les plus minutieuses pratiques de la dévotion aux mœurs les plus dissolues. La veuve Scarron ne se démentit pas du rigorisme de sa conduite, et son influence fut telle qu'elle obtint l'insigne honneur d'être consultée dans toutes les circonstances épineuses. Ses nombreux amis, voyant avec peine la situation précaire dans laquelle elle languissait, cherchèrent à la marier avec un gentilhomme très riche et renommé par ses débauches.

- Non, madame, répondit la jeune veuve à madame de Chalais qui lui fesait cette proposition, je ne veux pas épouser un homme que je ne pourrais estimer. La misère plutôt que le déshonneur.

On était au commencement de l'année 1666; la reine-mère mourut dans les derniers jours de janvier, et la veuve Scarron perdit sa pension de deux mille livres. Elle ne se laissa pas décourager par un événement si funeste, et, inébranlable dans sa conduite, elle écrivit à la duchesse de Richelieu qui lui avait fait ses complimens de condoléance : « On a voulu me marier avec un gentilhomme riche; >> mais je le jure, madame, en la présence de Dieu, » quand même j'aurais prévu la mort de la reine, je » n'aurais pas accepté ce parti; j'aurais mieux aimé » ma liberté ; j'aurais respecté mon indigence... Si >> le refus était à faire, je le ferais encore, malgré >> la profonde misère dont il plaît au ciel de m'éprou

» ver. »

La fermeté de la veuve Scarron aurait dû resserrer les liens qui l'unissaient à ses nombreux amis. Le contraire arriva; tous l'abandonnèrent, et Ninon de l'Enclos lui resta seule fidèle avec la maréchale d'Albret.

Madame Scarron, lui disait la séduisante épicurienne, vos amis vous ont délaissée, mais ils ne peu

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small]
[ocr errors]

Ma sœur, lui dit-elle, je vous présente madame Scarron qui a voulu vous faire ses adieux avant de partir pour le Portugal.

— C'est vous, madame, dit la Montespan, que j'ai connue à l'hôtel d'Albret... Vous voulez donc quitter la France?

« Oui, madame, et je n'aurai pas à me reprocher » d'avoir quitté ma patrie, sans en avoir revu la >> merveille.

-Toujours bonne, toujours spirituelle, dit la Montespan, enchantée d'un compliment si flatteur. Mais pourquoi vous obstinez-vous à vous exiler de la cour? Il est des choses qu'on doit taire, madame.

-

- Je comprends; le roi n'a pas accueilli favorablement vos demandes: rassurez-vous; je me charge de lui présenter un nouveau placet.

Le jour même elle remplit sa promesse.

- « Quoi, s'écria le roi, encore la Scarron !... - a Sire, répondit madame de Montespan, il y a >> long-temps que vous ne devriez plus en entendre parler; et il est étonnant que votre majesté n'ait pas >> encore écouté une femme dont les ancêtres se sont >> ruinés au service des vôtres. »

Sire, ajouta madame de Villeroi, vous ne pouvez laisser dans la misère la petite fille d'Agrippa d'Aubigné, l'ami d'Henri IV, votre noble aïeul.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

Le roi étonné, ne sachant que répondre, hésita quelques instans, mais joignant au bienfait cette grace qui fesait oublier tous ses torts, il dit à la veuve Scarron:

« Madame, je vous ai fait attendre long-temps; > mais vous avez tant d'amis, que j'ai voulu avoir seul >> ce mérite auprès de vous. »

Dès ce jour, la veuve Scarron fut à l'abri de la misère, et entra dans la brillante carrière où l'attendaient les plus hautes destinées.

IV.

LES ENFANS DU ROI.

Pendant que la nouvelle pensionnaire de Louis XIV se livrait à la dévotion par les conseils de l'abbé Gobelin, sous la direction du père Bourdaloue et de Godet-des-Marais, évêque de Chartres, il se passait d'étranges choses à la cour. La duchesse de la Vallière était toujours maîtresse du roi, mais Louis ne voyait plus dans sa trop sensible amante l'unique objet de ses affections; une autre femme avait captivé ses volages amours: cette femme était madame de Montespan.

Le 26 novembre 1668, la veuve Scarron était chez madame d'Haudicourt, où elle avait trouvé les dames de Vivonne et de Thianges. De propos en propos, la conversation tomba sur les bruits qui couraient dans Paris.

— Je suis certaine, dit madame de Vivonne, que le roi n'aime plus la duchesse de la Vallière. On dit même qu'une autre grande dame de la cour est dans les bonnes graces royales.

-Il ne faut pas ajouter foi aux malins propos des courtisans oisifs, répliqua madame de Thianges; je sais bien qu'on a nommé ma sœur ; mais je prends le ciel à témoin qu'il n'en est pas ainsi.

-Madame de Montespan maîtresse du roi, dit la veuve Scarron; mieux que toute autre, elle pourrait adresser à Louis XIV la réponse que fit mademoiselle de Rohan à Henri IV. Sire, je ne suis pas d'assez bonne famille pour être votre femme; mais je suis fille de gentilhomme, et je ne puis être votre mai

tresse.

On a voulu calomnier ma sœur et la perdre de réputation, répondit madame de Thianges.

- Encore quelques jours, et tout sera éclairci, ajouta madame de Vivonne ; je ne veux pas, plus qu'une autre, faire des jugemens téméraires, mais j'en sais assez pour ajouter foi aux nouvelles répandues par la rumeur publique.

- Je vous proteste que c'est une infame calomnie; madame de la Vallière est toujours avec le roi.

- Elle est déja supplantée par madame de Montespan, dit tout bas madame de Vivonne en se penchant vers la veuve Searron.

Les suppositions multipliées chaque jour par la oquacité des courtisans, ne tardèrent pas à se réaliser. En vain la nouvelle favorite cherchait à cacher les marques de la faveur royale dont elle rougissait en

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Hâtez-vous donc, ma sœur, et vous me délivrerez du plus cruel de mes soucis.

Madame de Thianges s'adjoignit les dames de Vivonne et d'Haudicourt. La veuve Scarron résista d'abord aux sollicitations les plus pressantes. Enfin, le 24 mars 1669, elle répondit à madame d'Haudicourt qui tentait un dernier effort:

« Madame, si les enfans sont au roi, je le veux >> bien; je ne me chargerais pas sans scrupule de ceux » de madame de Montespan: ainsi, il faut que le roi » me l'ordonne; voilà mon dernier mot. >>

Trois jours après, la veuve Scarron fut mandée à la cour; Louis XIV descendit jusqu'à la prière : comment résister aux désirs du grand roi? Cela ne se pouvait; aussi madame Scarron se chargea des enfans nés da commerce illicite de Louis avec madame de Montespan devenue sa maîtresse favorite: on lui donna une maison près de Vaugirard, et, dès ce jour, elle se livra toute entière à l'éducation des enfans du roi. Ecoutons le récit qu'elle a laissé sur sa vie mystérieuse dans cet asile:

« Souvent je montais à l'échelle pour faire l'ouvrage » des tapissiers et des ouvriers, parce qu'il ne fallait » pas qu'ils entrassent; les nourrices ne mettaient la » main à rien, de peur d'être fatiguées, et que leur » lait ne fut moins bon. J'allais souvent de l'une à >> l'autre, à pied, déguisée, portant sous mon bras » du linge, de la viande; je passais quelquefois les > nuits chez l'un de ces enfans malade, dans une pe> tite maison hors de Paris: je rentrais chez moi le » matin par une petite porte de derrière, et, après » m'être habillée, je montais en carrosse par celle de » devant, pour aller à l'hôtel d'Albret ou de Richelieu, >> afin que ma société ordinaire ne sut pas que j'avais » un secret à garder. On le sut: de peur qu'on ne le » pénétrât, je me fesais saigner pour m'empêcher, de » rougir. »

Une sollicitude si tendre triompha de l'antipathie que Louis XIV avait toujours manifestée contre madame Scarron. Parcourant l'état des pensions, en 1673, il trouva deux mille livres au nom de l'institutrice de ses enfans; il écrivit deux mille écus. Madame Scarron suivit bientôt après à la cour les enfans du roi, devenus plus grands; madame de Montespan, leur mère, charmée du zèle de leur institutrice, se lia in timément avec elle. En vain Louis XIV, à qui elle dé

plaisait encore, s'opposa à sa faveur toujours croissante; il finit par partager les sentimens et l'opinion de sa maitresse. Lorsque madame Scarron partit pour les eaux de Barèges où elle conduisit le jeune duc du Maine, elle fut comblée de marques d'attention.

Madame de Thianges, alarmée du changement subit qui s'était opéré dans l'esprit du roi, disait souvent à madame de Montespan, sa sœur:

Je suis encore à deviner, Madame, le motif de votre affection pour l'institutrice de vos enfans.... je vous prédis que cette femme ne travaille qu'à vous supplanter.

[blocks in formation]
[graphic][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][subsumed][ocr errors][ocr errors][subsumed][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][subsumed][ocr errors][subsumed][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][merged small]
« PrécédentContinuer »