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et le rendait plus capable de se défendre contre ses ennemis, s'ils osaient jamais venir l'y attaquer et tenir la campagne contre lui.

Un jour du mois de mai de l'an 1391, le comte de Foix se préparait dès le matin à aller pourchasser un ours qu'on lui avait désigné dans le canton de Sauveterre. Déja tout était en mouvement dans les cours du château d'Orthez; les écuyers et les pages ouvraient les portes avec grand bruit pour préparer les équipages; les chiens impatients et avertis par le bruit que le moment du départ approchait poussaient de longs hurlemens et voulaient rompre leurs chaines; les chevaux navarrins, pleins d'ardeur dans l'attente de leurs maîtres, hénissaient en regardant vers les croisées, et fesaient retentir sous leurs pas le pavé sonore des cours; quelques pages apparaissaient aux crénaux portant leurs faucons sur le poing. On amena devant le perron de la grande porte le palefroi du comte; les varlets firent sortir de leurs étables plusieurs des chiens attachés et l'on n'attendit plus que le comte de Foix.

Bientôt les fanfares sonnèrent pour l'annoncer. Il parut en costume de chasse et regarda autour de lui si tout était prêt; les chiens redoublèrent leurs aboiemens, son cheval se cabra, tout s'émut à sa présence. Phébus sauta légèrement sur son destrier, on abaissa le pont-levis; et ce bruyant équipage se précipita rapidement vers la plaine, à travers la ville d'Orthez, encore plongée dans le sommeil.

Sauveterre n'est éloignée que de trois lieues d'Orthez, et le comte fut bientôt arrivé dans les cantons où l'animal s'était montré. Le nombre de ses chiens et l'habileté des veneurs ne laissaient pas long-temps attendre le comte impatient de pourchasser une proie. L'ours fut bientôt lancé et poursuivi avec vigueur; chiens et chasseurs redoublèrent d'intrépidité. Le comte allait toujours le premier; c'était un droit de sa seigneurie

de marcher avant tous à la chasse où au combat. Il fallut, ce jour là, courir long-temps la bête à travers les forêts de Sauveterre troublées par des aboiemens et des cris. Gaston-Phébus s'abandonna, comme à son ordinaire, à son impétuosité qui l'emportait : il n'aurait pas voulu arriver trop tard auprès de l'ours traqué par ses limiers, et perdre un seul instant du combat terrible qui allait se livrer. La meute atteignit

l'ours, le comte survint aussitôt et se mit à corner la mort pour exciter les chiens. Les plus vigoureux, animés par sa présence, s'élancèrent à la fois sur la bête, qui, malgré sa force, fut bientôt étranglée.

Les veneurs procédèrent ensuite à la curée, et, cela fait, Gaston demanda à ses gens dans quel lieu on avait eu soin de préparer son repas. Il se sentait faible, épuisé par la fatigue, accablé par la chaleur. Ils lui répondirent que les écuyers de la bouche avaient tout disposé pour son diner à l'hôpital de Rion, près d'Orthez. Le comte et toute sa suite se dirigèrent alors vers le village de Rion lentement et chevauchant au pas. Des chambres étaient préparées pour les recevoir; celle qu'on destinait au comte était ornée de guirlandes de verdare et de fleurs. Le comte s'assit, et se trouva mieux lorsqu'il se fut assis; la fraîcheur du lieu lui plaisait.. Il se mit à causer avec un chevalier fort recommandable, Espaing du Lion, un homme de conscience qu'il employait dans des négociations fort délicates. On s'entretenait de la chasse, du courage des chiens, de ceux qui avaient couru avec le plus d'ardeur ou attaqué avec le plus de courage.

Cependant les tables étaient déja servies, on corna l'eau pour avertir les écuyers et chevaliers de la suite du comte. Yvan, son fils bâtard, entra dans la chambre où le comte prenait quelques instants de repos. Gaston demanda de l'eau pour se laver les mains avant que de s'asseoir à table: deux écuyers s'approchèrent du comte, l'un portant dans ses mains un bassin d'argent plein d'eau, et l'autre une nappe. Aussitôt que ses doigts furent mouillés, il pâlit, ses genoux tremblèrent, et il retomba sur son siège en disant: Je suis mort; sire Dieu, merci. >>

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Il était mort, en effet, et l'on ne doute pas que le trop d'ardeur qu'il avait mis à la poursuite de l'ours tué près de Sauveterre ne fut cause de ce trépas subit. Ainsi le comte ne se démentit pas un seul instant: après avoir écrit sur la chasse, et posé les principes qui régissent cet art, après s'être soigneusement appliqué à la reproduction des belles races de chiens, après avoir pratiqué tout ce qu'enseigne sa théorie, Gaston de Foix mourut comme il avait vécu, c'est-à-dire en vrai chasseur, toujours opiniâtre, toujours infatigable à poursuivre sa proie.

I. LATOUR. (de Saint-Ybars.)

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L'ARC-DE-TRIOMPHE D'ORANGE (Vaucluse).

1.

UNE DISCUSSION D'ARCHÉOLOGUES.

Orange est une des villes les plus anciennes de la Gaule méridionale; les Romains la peuplèrent des soldats de la seconde légion, et y élevèrent plusieurs monumens pour perpétuer le souvenir de leur domination, et faire oublier aux peuples vaincus, les beaux jours de leur liberté! Arasion, capitale du pays des Cavares, jouit en paix des faveurs de la magnificence romaine jusqu'à la chute de l'empire d'occident; alors elle perdit son vieux nom et prit celui d'Orange 1.

Lorsque les barbares inondèrent le midi de la Gaule, cette ville fut prise plusieurs fois, et de tous ses beaux édifices, il ne resta que ceux qui résistèrent au marteau destructeur du vandalisme. Il est rapporté, dans une ancienne chronique, que la cité d'Orange fut assiégée par les Sarrazins, sous le règne de Charlemagne; elle fut redevable de son salut à l'intrépidité d'un chevalier surnommé Guillaume au court-nez: ce héros, presque inconnu de nos jours, mérita l'estime de l'empereur d'Occident, qui le nomma comte bénéficiaire de la ville qu'il avait si bien défendue. La tradition a conservé le souvenir des exploits de Guillaume-au-court-nez, et certains historiens ont puisé dans les récits populaires, les faits d'armes fabuleux attribués au sauveur des Cavares. Néanmoins le premier comte d'Orange, dont le nom mérite d'être consigné dans l'histoire, est Giraud d'Adhémar qui vivait au commencement du XIe siècle.

La princesse de Tiburge, comtesse d'Orange, vers l'an 1140, protégea les moines et les clercs; elle fit construire plusieurs églises, fonda des couvens, et embellit beaucoup la ville; aussi les vieilles légendes exaltent la mémoire de cette princesse qui vivait encore en 1159.

La principauté d'Orange passa en moins de deux siècles entre les mains de plusieurs seigneurs.

En 1393, elle appartenait à la maison de Châlons, qui la céda en 1530 au prince de Nassau. Le célèbre Maurice, tranquille possesseur d'Orange, se hâta de faire construire de nouvelles fortifications, pour mettre la ville à l'abri des attaques des puissans chatelains qui lui enviaient cette belle principauté. Devenu roi d'Angleterre, Guillaume III de Nassau, se voyant sans enfans, légua la principauté et la ville d'Orange

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à Frédéric-Guillaume, roi de Prusse. Après tant de vicissitudes, l'ancienne capitale du pays des Cavares, attendait impatiemment le jour où elle serait réunie à la France; ce moment tant désiré arriva : Guillaume, par le traité conclu à Utrecht en 1713, céda la principauté à Louis XIV, qui la réunit un an après à la province du Dauphiné 1.

Sous ses princes particuliers, la ville d'Orange comptait dans ses murs plus de quinze mille habitans. Aujourd'hui elle est bien déchue de sa prospérité; ses rues sont étroites, et, dans ses quartiers déserts, on cherche en vain une maison de quelque apparence. Le rôle qu'elle a joué long-temps parmi les cités du Midi, est fini peut-être pour toujours, et sans les précieux débris de sa splendeur passée, l'ancienne capitale des Cavares resterait inaperçue sous le beau ciel du comtat Vénaissain.

Mais le sol qu'elle occupe est parsemé de tant de monumens; la grandeur romaine y étale encore des restes si nombreux, qu'on ne peut s'empêcher de visiter cette contrée vraiment classique.

Cédant aux sollicitations de deux compagnons de voyage, ou plutôt pour satisfaire ma curiosité, je partis à pied du Château-Doria, et me dirigeai vers la cité d'Orange nous marchions à pied, et à chaque pas, un jeune Marseillais, qui s'était joint à nous, s'arrêtait pour nous faire admirer la beauté de la campagne que nous parcourions.

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Vous n'aimez pas le soleil de la Provence ! s'écria le jeune Marseillais... Ses rayons sont si bienfaisans ! ici la chaleur n'est pas lourde et accablante comme dans le Nord, tout ce que nous voyons exalte l'imagination d'un artiste, et pour tout dire en un mot, nous foulons le sol qui vit naître les premiers troubadours; nous sommes dans les riantes plaines d'Avignon, à quelques lieues de la fontaine de Vaucluse, dont les

1 Les princes de Nassau affectionnaient beaucoup la ville d'Orange, et de nos jours, l'héritier présomptif de la couronne de Hollande, porte le nom de prince d'Orange.

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eaux murmurent encore les noms de Laure et de Pétrarque.

- Poétiques souvenirs! s'écria à son tour un Languedocien qui avait pris place à côté de moi; mais laissons dormir en paix Pétrarque et Laure, et reposons-nous ici jusqu'au coucher du soleil. Nous sommes à quelques pas d'Orange; on arrive toujours assez tôt quand on n'a qu'un mauvais souper en perspective.

- Je suis impatient de voir l'arc-de-triomphe. -Soyez tranquille, me répondit le Languedocien vous le verrez avant d'entrer dans la ville.

La conversation devint générale et des plus animées : l'autre l'un vantait la beauté du comtat Vénaissain, s'extasiait en voyant passer les jolies paysannes de Vaucluse et les muletiers au teint basané qui allaient et revenaient sur la route de Marseille à Lyon.

Le soleil est couché, Messieurs, dit le jeune Marseillais que notre halte impatientait, voulez-vous partir? Il sera nuit quand nous arriverons à Orange. Un quart-d'heure après, j'aperçus une masse grisâtre qui se dessinait dans l'ombre au milieu de la route.

-Voyez-vous l'arc-de-triomphe? me dit le jeune Marseillais; demain nous nous leverons de bonne heure, et vous pourrez vous livrer à vos études archéologiques.

Je ne détournais pas les yeux de cette masse qui me frappait déja d'admiration, et qui devenait plus distincte à chaque pas que je faisais. Enfin, deux diligences et trois chaises de poste que les fougueux coursiers du relai d'Orange entrainaient vers Lyon, laissèrent la route libre, et j'examinai avec la plus grande attention les trois arcades qui donnent passage aux voitures et aux piétons. Mes compagnons de voyage m'entrainèrent vers la ville qui n'était plus qu'à trois cents pas de nous, et ce fut à table à la suite du plus maigre diner qui ait jamais restauré l'estomac d'un voyageur, que s'éleva une discussion au sujet de l'arc-de-triomphe; j'écoutais attentivement, bien résolu de mettre à profit le lendemain la science archéologique de mes convives.

Le célèbre monument qui sera toujours admiré des étrangers qui viennent à Orange a été le sujet de dit le jeune longues discussions entre les savans, Marseillais; en vain ils ont cherché à découvrir en l'honneur de qui l'arc-de-triomphe a été élevé : le problème est encore à résoudre. Néanmoins tout porte à croire que les Cavares bâtirent le monument pour honorer César, vainqueur des Marseillais : ce fait est consigné dans un vieux livre intitulé Fleur des Pseaumes, composé par Letbert, abbé de Saint-Ruf, Avignon, et qui vivait vers le milieu du XIe siècle.

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-Vos souvenirs historiques vous trompent, Charles, répliqua un des convives, membre de la société Philomatique de Perpignan: l'opinion de l'abbé de SaintRuf n'était plus admise dès le XVIe siècle ; on croyait alors que l'arc-de-triomphe d'Orange avait été consacré à Marius vainqueur des Cimbres, et à son collègue Q. Lutatius Catulus.

provinces méridionales en 1606 et en 1607, que l'arcde-triomphe d'Orange ne fut pas élevé en l'honneur de Marius, parcequ'il est prouvé qu'il ne vainquit jamais les Gaulois. En vain Lapise, pour défendre cette opinion, rapporte que plusieurs savans du pays, lui ont affirmé que vers l'an 1600, une pierre s'étant détachée de l'arc, on pouvait lire le nom de TeutoBocchus gravé en caractères romains sur un des angles. Sans doute ce prince commandait les Teutons et les Cimbres qui furent défaits par Marius. M. Dulaure dans sa description de la France a reproduit cette opinion, qui me parait absurde et insoutenable; d'abord, parcequ'au temps de Fabius Maximus et de Marius, l'architecture n'était pas assez perfectionnée chez les Romains pour construire des monumens aussi beaux que l'arc-de-triomphe d'Orange et puis c'était ordinairement sur les champs de bataille qu'on élevait les trophées. Or Marius vainquit les Cimbres auprès d'Aix et non dans le pays des Cavares: vous savez en outre que les Cimbres et les Teutons n'avaient plus de flottes; et comment expliquer les trophées, les emblèmes maritimes qui décorent l'arcde-triomphe d'Orange?

L'archéologue, émerveillé de sa longue tirade, jeta autour de lui un regard de satisfaction, et but trois grands verres de vin de Tokaï.

Messieurs, s'éeria le jeune Marseillais, j'ai étudié les divers genres d'architecture; néanmoins je n'ose émettre une opinion sur l'époque de la fondation de l'arc-de-triomphe d'Orange et sur sa destination primitive. Qu'il me suffise de rappeler les conjectures qui présentent quelque probabilité. Le célèbre Mafféi dans son ouvrage intitulé: les Antiquités des Gaules, pense que ce monument fut construit sous l'empire d'Adrien. Le baron de la Bastie affirme qu'il fut consacré à Auguste. Le savant Ménard, auteur de l'histoire de la ville de Nimes croit qu'il fut élevé à César pour éterniser le souvenir des nombreuses victoires qu'il avait remportées sur les peuples de la Gaule. Le père que l'arc-dePapon, dans son histoire de Provence, dit triomphe d'Orange fut construit par les ordres d'Auguste et que l'intention de cet empereur était de transmettre ainsi à la dernière postérité le souvenir des beauxfaits d'armes qui signalèrent les légions romaines dans les guerres de Provence.

Vous voyez, Messieurs, que la discorde est dans le camp des Grecs; l'archéologie est en défaut, et il est presque impossible de concilier des opinions diamétralement opposées. D'ailleurs, l'arc ne porte aucune inscription: les seuls documens qui puisssent faire naître quelques conjectures vraisemblables, sont les bas-reliefs, leurs détails, les noms gravés sur les boucliers, et le style de l'architecture.

dit

J'ai lu distinctement plusieurs inscriptions, un des interlocuteurs; et entr'autres noms j'ai remar qué celui de Marius: preuve évidente que l'arc-detriomphe fut élevé en l'honneur de ce célèbre général. Vous êtes dans une erreur aussi grave que déplorable, répliqua le Marseillais, piqué de ce qu'on l'avait J'ai lu dans Pontanus, qui voyageait dans les interrompu dans l'énumération de ses preuves. Il est

vrai qu'on lit sur les boucliers et sur l'entablement le nom de Marius; mais doit-on supposer que le nom du consul romain aurait été placé dans un angle du monument parmi les noms obscurs des ennemis vaincus ? Rome était trop fière pour cela; elle inscrivait les noms des vainqueurs sur la frise de ses arcs-de-triomphe. Je crois, Messieurs, que le mot Mario est le nom de quelque chef gaulois, et n'est pas le datif du nom de Marius plusieurs autres noms, tels que Daluno, Udillo gravés sur les bas-reliefs, viennent à l'appui de mon assertion.

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Messieurs, cette discussion est un combat à outrance, répliqua le Marseillais, dont l'imagination était déja exaltée par les fumées du tokaï et du muscat de Frontignan... N'importe, je suis déterminé à faire tous mes efforts pour répondre à vos objections. Plusieurs historiens qui ont écrit sur les antiquités de la Provence et du comtat Vénaissin, prétendent que le mot Sacro-Vir désigne le fameux chef des Éduens qui résista avec tant d'intrépidité à César, et défendit long-temps la liberté de son pays contre les envahissemens de la domination romaine: ce fait ne serait pourtant pas suffisant pour prouver que le monument fut élevé à César. D'ailleurs le nom de Teuto-Bocchus que Lapise affirme avoir lu sur une pierre qui s'était détachée de l'arc-de-triomphe prouverait aussi qu'il fut construit en l'honneur de Marius, vainqueur des Cimbres et des Teutons.

- Coucluez-donc, monsieur l'archéologue, m'écriaije, impatient d'entendre parler d'inscriptions, de boucliers, de Marius, de César, des Cimbres, des Teutons et autres barbares.

- J'arrive au port, Monsieur, répondit le Marseillais; nous sortons de la mer ténébreuse des suppositions, nous touchons à la vérité. En résumé voici mon opinion:

Je crois que les noms divers inscrits sur les bas-reliefs et sur les boucliers, rappellent des époques bien éloignées les unes des autres. Aussi de toutes les hypothèses émises par les historiens, celle du père Papon me paraît la plus probable. Le savant auteur de l'histoire de Provence croit que l'arc-de-triomphe d'Orange a été construit à plusieurs reprises, et qu'il rappelle toutes les victoires des légions romaines, remportées sur les peuples de la Gaule Narbonuaise. Les captifs qui ornent les bas-reliefs des côtés du levant et du couchant, représenteut les chefs des nations vaincues; leur noms étaient gravés sur leurs boucliers, et cette indication suffisait, dans un temps où leur renommée était populaire dans tout le midi de la Gaule.

Je cite l'opinion du père Papon, parce qu'elle présente beaucoup de probabilités; néanmoins ce n'est qu'une conjecture d'historien... L'archéologie est un dédale dont il est difficile de sortir, si on s'avance trop avant, et puis le proverbe dit que celui qui prouve trop ne prouve rien.

du Marseillais avec une explosion de bravos qui retentirent long-temps à mes oreilles. Un silence solennel succéda à cet enthousiasme subit. Mes compagnons de voyage eurent bientôt dévoré le dessert; le vin leur rendit leur première loquacité. Je m'aperçus que la discussion allait recommencer et je quittai la table, bien résolu de me lever au point du jour pour visiter le monument d'Orange, si célèbre dans les fastes de l'histoire méridionale.

11.

Description de l'arc-de-TRIOMPUE.

Une main toute-puissante semble se jouer continuellement de la faiblesse humaine; un être invisible, que les hommes appellent le destin, jête le voile de l'oubli sur la gloire des héros, et enveloppe d'un nuage ténébreux les monumens destinés à perpétuer leur mémoire. Lorsque l'arc-de-triomphe d'Orange fut élevé pour éterniser les fastes de la plus grande des nations, pouvait-on prévoir qu'un temps viendrait où le monument, debout encore, laisserait à la sagacité des historiens le soin de deviner sa destination primitive. Pourtant aujourd'hui l'archéologie en est reduite à de vaines hypothèses; elle hésite entre Marius et César, entre Domitius Enobarbus et Lutatius Catulus. De fréquentes restaurations ont même effacé du front du monument les traces de la majesté romaine, et il n'a conservé que sa structure gigantesque.

L'arc-de-triomphe d'Orange s'élève dans une plaine à quatre-cent-vingt pas des dernières maisons de la ville, et couvre de ses trois arcades la grande route de Lyon à Marseille. Ila vingt-deux mêtres de largeur et vingt de hauteur; aussi l'aperçoit-on facilement à trois quarts de lieue de distance en venant de MontDragon. Sa forme est un parallelogramme, percé de trois arcades décorées de colonnes corinthiniennes canelées. Les colonnes du milieu sont surmontées d'un fronton triangulaire couronné par une belle corniche, et un bas-relief réprésentant des grouppes de soldats armés.

La façade septentrionale qui servait d'entrée à la ville est encore la mieux conservée; des quatre colonnes qui la décoraient il n'en reste plus que trois ; la quatrième a disparu, mais on peut voir les débris de sa base. Le bas-relief représente un combat de fantassins et de cavaliers. La lutte paraît acharnée; mais il est impossible à l'homme le plus versé dans les antiquités romaines, de distinguer et d'indiquer avec certitude le lieu et le sujet du combat. On dirait que le ciseau du sculpteur a voulu se jouer de la curiosité humaine, et préparer des tortures à nos savans modernes.

En effet, les casques, les lances, les coursiers, les fantassins, les cavaliers, les sacrificateurs, les victimes, les instruments de sacrifice couvrent les basreliefs comme une masse confuse où l'œil ne peut rien discerner. Les trophées qui ornent les deux côtés du fronton sont presque entièrement composés d'attributs Tous les convives accueillirent les dernières paroles maritimes; on n'y voit que des proues de navire, des

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ancres, des tridents. Les bas-reliefs qui décorent le sommet des deux petites arcades, représentent des armes offensives, telles que des boucliers ovales, des épées, des casques, des trompettes, des piques, des dards, des étendards de cavalerie, des flèches, des enseignes d'infanterie surmontées d'une hare de sanglier. Quelques-uns des boucliers offrent encore à la sagacité des antiquaires plusieurs inscriptions faciles à déchiffrer, mais dont il est presque impossible de découvrir le sens.

Les bas-reliefs de la façade méridionale sont entièrement dégradés : la pierre a été rongée par le vent qui souffle de la mer, et on distingue à peine quelques figures informes et mutilées. Le sujet de ce grand basrelief est aussi un combat de cavaliers et de fantassins,

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