Imágenes de página
PDF
ePub
[ocr errors][merged small][merged small]

En vérité, monsieur, je suis bien ennuyée de vous attendre toujours sans vous voir arriver. Je ne croyois pas que la campagne vous parût si charmante qu'elle fait. Mandez-moi donc quand vous la quitterez, et si je puis espérer de causer encore avec vous au coin de mon feu avec nos amies. Je souffre que gens comme vous ne s'y chauffent pas. Si vous écoutiez votre cœur, il vous diroit qu'il fait meilleur à Paris qu'à Chaseu.

811.Madame de (Rabutin?) à Bussy.

A Paris, ce 30 (sic) février 1675.

Ma lettre ne sera qu'un registre de tous les mariages qui se font et se sont faits cet hiver, monsieur. Il me semble que rien n'est plus utile dans le commerce du monde, que de savoir à qui on a affaire, et que rien ne l'apprend mieux que les alliances des familles. M. de Seignelay a épousé mademoiselle d'Alègre. M. de Montpéroux s'en est fort mêlé; et vous serez bien aise de ce mariage, monsieur, pour l'intérêt de la fortune de notre cousin. Le marquis de Saint-Martin épouse mademoiselle de Lannoy (1), belle, jeune et de bonne maison. Saint-Pouange (2), mademoi

(1) Jacques Marie de la Baume, comte de Francion, marquis de Saint-Martin, comte de Montrevel, brigadier des armées du roi, tué à Nerwinde le 29 juillet 1693. Sa femme, Adrienne Philippine Thérèse de Lannoi, comtesse du Saint-Empire, morte le 20 mars 1710.

(2) Saint-Pouange, secrétaire du cabinet, intendant puis grand tré

selle de Berthomer. J'en ai oublié deux autres que je vous manderai au premier ordinaire.

Le premier président de Lamoignon, mon parent et mon ami, m'avoit témoigné à mon dernier voyage à Paris souhaiter extrêmement de me raccommoder avec le maréchal de Turenne, avec lequel il avoit de grandes liaisons; de manière qu'aussitôt que ce général fut de retour d'Allemagne, le premier président travailla à cette réconciliation, et ensuite il m'écrivit cette lettre :

812. Le président de Lamoignon à Bussy.

A Paris, ce 6 mars 1675,

Vous pouvez vous souvenir, monsieur, du désir que je vous témoignai l'année passée de vous raccommoder avec M. de Turenne; voici ce qui se passa sur ce sujet entre lui et moi.

Je lui dis qu'il y avoit un de mes alliés et de mes bons amis qui souhaitoit extrêmement d'être des siens, et sur cela je vous nommai. Il me répondit qu'il avoit beaucoup d'estime pour vous, qu'il vous connoissoit pour homme de cœur et d'esprit, mais que vous vous étiez raccommodé vingt fois avec lui et que vous retombiez toujours dans vos manières libres de parler. Je lui répliquai que vous m'aviez conté tous ces raccommodements, mais que les gens qui croyoient avoir intérêt de vous brouiller avec lui, lui rapportant quelque chose que vous n'aviez pas dit, il le croyoit sans autre éclaircissement, et qu'ensuite

sorier de l'Ordre, mort en 1706. Voy. sur lui Saint-Simon, t. V, p. 107, VI. p. 116, IX, p. 181.

il vous donnoit sujet de vous plaindre, qu'alors il pouvoit bien être que vous vous fussiez échappé de parler. Mais j'ajoutai que quand vous eussiez eu tout le tort qu'il croyoit, je lui répondois de cette réconciliation ici, si je la faisois, parce que vous étiez entièrement changé et par la nécessité de vos affaires, et par ce que vous aviez souffert depuis dix ans; que je vous avois eu chez moi à la campagne, que je vous avois trouvé le plus raisonnable du monde, et que vous ne demandiez que la paix. Je lui dis encore que, dans des mémoires de guerre que vous m'aviez montrés, vous parliez de lui mieux que personne n'en sauroit parler, et avec les plus grandes louanges et les plus fines.

Cela le toucha, et il me dit que je pouvois vous assurer qu'il vous serviroit de tout son cœur dans les occasions où vous aviez besoin de lui. Je lui répondis que vous auriez des affaires importantes pour votre maison à Paris où votre personne étoit nécessaire; qu'il vous avoit paru qu'il étoit une des raisons de la dureté de votre exil, et que je le suppliois de dire au roi qu'il seroit bien fâché d'être cause en partie que vous fussiez incommodé dans vos affaires domestiques. Il me promit de n'y pas manquer, et je crois qu'il me tiendra parole. Je vous conseille, monsieur, de lui faire un compliment sur ceci, et je vous supplie de croire que ma joie seroit entière si ce que j'ai fait vous pouvoit produire quelque avantage.

813.- Bussy au président de Lamoignon.

A Chaseu, ce 10 mars 1675.

Vous m'avez épuisé sur les remerciements, monsieur, et je ne sais plus que vous dire de nouveau après les obligations que je vous ai. Croyez bien, s'il vous plaît, que je

les ressens comme je dois, que je vous aime, que je vous estime et que je vous honore infiniment, et que je serai dans ces sentiments toute ma vie.

814. Bussy à Turenne.

A Autun ce 10 mars 1675.

Monseigneur,

J'ai appris de M. le premier président avec quelle générosité vous lui avez témoigné me vouloir rendre de bons offices dans les occasions. Je n'ai pu sur cela retenir ma reconnoissance, ni m'empêcher de vous dire que vous me faites quelque justice d'être dans ces sentimentslà pour moi; car enfin le malheur que j'ai eu de n'avoir jamais pu gagner l'honneur de votre amitié ne m'a pas empêché de parler de vous comme d'un homme extraordinaire qui faisoit honneur à son siècle, et dont le mérite solide avoit de beaucoup passé celui des grands capitaines des siècles précédents. Je ne m'en suis pas tenu aux paroles, monseigneur; peut-être le connoîtrez-vous quelque jour. Cependant je vous assure que ce que vous avez fait cette dernière campagne me transporta à un point que je fus tout prêt, sur la nouvelle du combat de Turckheim, à me donner l'honneur de vous en écrire; et je l'aurois fait si j'avois cru que vous eussiez bien reçu ma lettre. Mais aujourd'hui que vous me faites une grâce, vous me donnez la liberté de vous en remercier, et je le fais du meilleur de mon cœur et avec tout le respect que vous doit, etc.

815.- Bussy au P. Bouhours.

A Chaseu, ce 16 mars 1675.

J'aurois fait plus tôt réponse à votre lettre du 6 de ce mois, mon R. P., si je n'avois été en voyage quand elle arriva ici. Il ne m'est plus possible de vous bien dire la joie qu'elle m'a donnée, non pas de voir quelque apparence de changement en mieux dans mes affaires, mais de voir ce que M. le premier président vient de faire pour moi et de recevoir une grâce de la personne du monde que j'aime et que j'estime le plus. Je lui en écris pour l'en remercier; mais je ne suis pas satisfait de ce que je lui mande làdessus, car mon cœur en sent beaucoup plus que je n'en dis. Je lui envoie une lettre que j'ai cru devoir écrire à M. de Turenne en cette rencontre; s'il juge à propos qu'elle lui soit rendue, je vous supplie, mon R. P., de vous en charger pour la rendre à ma femme, qui la fera donner à M. de Turenne.

Je pense qu'il n'y a rien à faire, après cette conversation, qu'à prier M. de Turenne de demander au roi permission pour moi d'aller à Paris toutes et quantes fois que je voudrai. Il me semble que c'est pousser assez loin la dureté que de me faire perdre pour des bagatelles le fruit de trente années de services, sans vouloir encore achever de ruiner mes affaires domestiques; et j'ai peur pour la gloire du roi, que j'aime, quand je songe que la postérité pourra savoir qui j'étois et le sujet et la longueur de ma disgrâce.

Adieu, mon R. P. ; je suis à vous de tout mon cœur.

Sur ce que Renel (1) m'avoit fait demander si le mestre de (1) Louis de Clermont d'Amboise, marquis de Renel, avait succédé

« AnteriorContinuar »