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de la Pu

celle.

de tous les éclairs de l'esprit et des ornemens les plus variés de la poésie! Quel délassement de tant de travaux qui accroissaient et répandaient partout l'honneur de notre littérature! Quoi! c'était, les yeux encore humides des larmes qu'il avait dû verser en traçant le repentir de Gusman, et en peignant le cœur d'une mère dans Mérope; c'était après avoir sincèrement gémi sur les maux de la société, que Voltaire en bravait toutes les lois, en écrivant le poème de la Pucelle; qu'il attachait un opprobre in. Et le poème gral et bizarre au nom d'une héroïne qui sauva la France! Ainsi, Voltaire, à l'âge où tout homme chérit les freins de la morale et de la décence, exhalait les poisons dont sa jeunesse avait été infectée sous la régence. Les mœurs de ce temps-là conservent leur empreinte dans le poème de la Pucelle. Il est vrai que d'abord il ne songeait pas à le publier, mais déjà il en avait répandu le scandale auprès d'amis trop complaisans. Il vivait dans la crainte des dangers que pouvait attirer sur lui une indiscrétion, et il était sans défense contre les personnes qui brûlaient d'être confidentes de cette production clandestine. Tous les bruits de Paris l'agitaient et troublaient

le

repos de sa solitude. Il écoutait de loin ces mots légers et sans suite, par lesquels la mobile opinion veut apprécier une renommée contemporaine. Quand il voulut se venger de l'abbé Desfontaines, qui, en payant ses bienfaits de la plus noire ingratitude, l'avait diffamé dans un libelle, il eut le chagrin de voir le gouvernement incliner pour le libelliste dont il demandait justice, et de voir le public s'amuser de l'excès et de la puérilité de sa colère; mais de tels dégoûts ne l'empêchaient pas de créer des chefsd'œuvres. Il dédia au pape Benoît XIV la gédie de Ma- tragédie du Fanatisme, dont Crébillon, censeur des théâtres, n'avait pas permis la représentation; le public applaudit à l'adresse du poète qui savait se couvrir d'un appui si respecté, et au bon sens du pontife qui savait séparer la religion du fanatisme.

Il dédie au

Pipe sa tra

homet.

Au commencement de l'année 1743, Voltaire, qui n'avait pas encore cinquante ans, était parvenu à ce point où il est difficile à l'homme de génie de se surpasser luimême. Ses plus beaux ouvrages étaient Fait paraître connus. Il venait de donner Mérope : le public, ému d'un tableau si vrai, si pathétique, avait exprimé son enthousiasme et sa reconnaissance par des transports tels

telle de Me

горе.

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que la présence de Corneille, de Racine n'en avait jamais excité de semblables. L'envie, un moment déconcertée, ne pouvait plus expliquer comment il était donné à celui qu'elle appelait un bel esprit, de causer des impressions si profondes et si ravissantes. La cour oubliait enfin les alarmes qu'il avait pu lui donner; mais le clergé ne lui pardonnait pas des attaques beaucoup plus vives et beaucoup plus directes. Le cardinal de Fleury venait de mourir. Tandis que tous les courtisans se disputaient le vaste héritage de son autorité, Voltaire se présenta pour remplir la place qu'il laissait vacante à l'Académie Française. L'auteur qui aspirait à une sorte de dictature dans les lettres, trouvait beau de succéder à un ministre si long-temps Fleury. dépositaire du pouvoir politique. Les deux d'Argenson secondaient Voltaire. Boyer évêque de Mirepoix, homme d'un zèle acariâtre et peu éclairé, auquel Louis XV, pour paraître dévot, avait confié la feuille des bénéfices, s'emporta et parvint à ravir à Voltaire un honneur littéraire tant de fois mérité. Louis XV éprouva un secret plaisir N'est point en cédant aux scrupules de l'évêque de Mi- Louis XV.

Il ne prut

remplacer à

l'académie le cardinal de

aimé de

repoix. Quoique peu vigilant dans l'exercice de son autorité, il voyait dans Voltaire un homme qui, par le mouvement de l'opinion, cherchait à entraîner les rois. Jamais il n'avait voulu le voir; il aimait à le tenir toujours dans la crainte d'une lettre de cachet. La duchesse de Châteauroux, à laquelle le duc de Richelieu faisait sentir combien le talent souple et séducteur de Voltaire pouvait aider au triomphe d'une favorite, entreprit de changer à son égard les dispositions de son auguste amant. Elle y réussit un peu, et bientôt Voltaire parut entrer sous de brillans auspices dans la carrière de l'ambition. La nécessité força le gouvernement de recourir à lui. Il fut chargé d'une mission importante vers le roi de Prusse, qui avait l'air de préférer son amitié à celle même Est envoyé des souverains. J'ai parlé de cette mission graud Fré- dans le huitième livre de cette Histoire. Elle

auprès du

déric.

eut du succès, mais peu de dignité. Quelques ministres, et surtout le comte de Maurepas, craignaient l'importance politique que pouvait acquérir un homme de lettres dont l'esprit de domination et l'activité étaient assez connus. A son retour de Berlin, Voltaire fut accueilli assez froidement,

mais il ne renonça point à ses projets. Le soin de sa sûreté personnelle lui prescrivait de chercher des places et des honneurs. Tandis que tous les ambitieux se font des hommes nouveaux par un renoncement absolu à toute autre passion, Voltaire se promettait bien de n'abandonner aucun moyen d'augmenter sa gloire, et ne repoussait même aucune tentation de la vanité. Un rôle politique à jouer ne lui paraissait que comme un ouvrage plus à conduire. Plaire à des grands était pour lui une étude, ou plutôt un jeu aussi facile que celui de séduire des lecteurs.

de

Pompadour

ouvertement

Madame de Pompadour, qui avait suc- Madame de cédé, après un très-court intervalle, à la se déclare duchesse de Châteauroux, voulut se former pour lui. dans Voltaire un puissant appui contre le parti religieux qui avait causé une si sanglante humiliation à la favorite qu'elle remplaçait. Elle se déclara pour lui avec vivacité, et se moqua de ceux qui paraissaient le craindre. Louis XV ne sut plus comment échapper aux instances de sa maîtresse et aux éloges parfaitement mesurés de Voltaire. Le comte, et surtout le marquis d'Argenson, cherchaient à diriger dans ses nouveaux travaux le compagnon de leur jeunesse. Bientôt les voeux du patriotisme s'u

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