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trouvait des traits de caractère, mais il déve loppail rarement un caractère entier. Il ne peignait complétement ni les passions primitives de l'homme, ni les travers particuliers à son siècle. Ceux qui, charmés de la pureté et de l'éclat tempéré de son style, le compa→ raient à Térence, montraient par ce pa rallèle combien ils sentaient peu la grâce inimitable de l'auteur latin. Destouches, dans sa vieillesse, fut un ennemi opiniâtre, mais impuissant, des philosophes: il les at taqua dans un nombre prodigieux d'épigrammes dont pas une n'est. restée. Mari- Marivaux. vaux avait l'esprit d'observation qui manquait à Destouches; mais il gâtait, par une excessive subtilité, un don si précieux. Ses comédies étaient une analyse piquante, mais peu variée, du rôle que joue la vanité dans nos plus vives affections. A peine les eût-on comprises sous Louis XIV, lorsque les passions s'offraient sous de grands traits et s'embellissaient d'un galanterie noble, héroïque. Le style affecté dans lequel elles étaient écrites les eût rendues surtout inintelligibles, Elles plurent dans un temps où l'on se piquait de n'être pas dupe de son cœur, où l'on traitait avec légèreté les sentimens les plus tendres; où la recherche continuelle de

La Chaussée

que.

pathéti

l'esprit portait des atteintes aux principes du goût et à la pureté de la langue. Par les nombreux imitateurs que trouva Marivaux, et qu'il trouve encore de nos jours, on peut juger combien se fût étendue la contagion de son style, si Voltaire n'eût offert un autre modèle. Marivaux était en secret jaloux d'un auteur qui, bien plus fertile que lui en traits d'esprit, en observations fines, leur donnait toujours une expression correcte et naturelle; mais il n'osait exposer contre lui ses armes légères. Il vécut heureux, parce qu'il fut modéré.

'On voulut en vain se liguer contre les de la comédies pathétiques de La Chaussée. Le public adopta sans transport, mais avec reconnaissance, celle innovation. Est-il rien à la scène qui ne soit justifié par les larmes des spectateurs? D'ailleurs, La Chaussée exprimait souvent dans des vers heureux les préceptes d'une probité sévère et d'une bonté judicieuse. Ce ton réussit. Dans un temps où la licence fait chaque jour de nouveaux progrès, chacun sent le besoin de s'arrêter; on ne cherche point la digue la plus forte, mais la plus commode.

Piron les Piron s'était élevé au-dessus de ces trois

surpasse

genre

tous trois dans sa M

comiques, mais dans un seul chef-d'œuvre, la Métromanie. Il avait beaucoup tardé à romanie. réaliser la promesse d'un talent que jeune il avait annoncé par une production du le plus honteux. Commandé par le caprice, et souvent par le besoin, il s'était longtemps perdu dans des sujets tantôt au-dessus, tantôt au-dessous de ses forces. Ses bons mots, ses épigrammes, ses parodies le rendaient la terreur des beaux esprits compassés. Il était à la tête d'une réunion d'auteurs insoucians, chanteurs, buveurs, plus jaloux de leurs plaisirs que de leur renommée, trop peu raffinés dans leurs goûts pour être Épicuriens. Souvent des productions très-finies dans un genre frivole sortaient de cette soeiété, qui se piquait de demeurer fidèle à la gaieté héréditaire de la nation. On y distinguait Panard, qui mérita d'être nommé Panard. le La Fontaine du Vaudeville. J'aurai encore à parler, à une autre époque, de ce banquet d'auteurs gais et malins qui, sans respecter beaucoup la religion, se moquaient de la philosophie. Voltaire évitait de répondre à leurs attaques, et son silence montrait combien il craignait la vivacité de leur esprit.

Gresset paraissait dans le dix-huitième

Gresset; caractère da son talent.

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siècle un écrivain du siècle de Louis XIV. Il fuyait dans ses vers harmonieux cette recherche qui veut toujours exercer la pensée et la satisfait rarement. Il badinait, mais avec modestie (a). Il n'avait qu'un genre de prétentions, celui de la paresse. L'artifice savant, mais quelquefois trop peu caché, de ses longues périodes, démentait cet air de négligence auquel il attachait un si grand prix. On crut long-temps que son coloris pur et frais ne pouvait embellir que des sujets minutieux ou de paisibles rêveries; mais le peintre ingénieux des vétilles du cloître et du pédantisme des colléges observait les gens du monde sans se mêler, ni à leurs vices, ni à leurs travers, et préparait la meilleure satire des mœurs du dix-huiIl se sur- tième siècle, la comédie du Méchant.

passe dans la

comédie du

défenseurs

gion.

Méchant. La religion était défendue par le fils de Écrivains Racine, dans un poème auquel il ne mande la reli- quait qu'un mérite, cette vive inspiration, Racine le celle onction pénétrante que son père avait puisée dans les livres saints. Avant Louis Racine, le cardinal de Polignac avait remLe cardinal pli une tâche du même genre, et avait aussi

fila.

de Polignac. laissé à désirer dans son poème latin cette sensibilité qui convient au développement (a) Vers de Gresset.

Pompiguan.

dės sentimens religieux. Le Franc de Pom- Le Frane de pignan, auteur d'une tragédie assez estimée, après avoir flotté pendant quelque temps entre les déistes et les dévots, commençait à se déclarer pour ces derniers ;' mais il attendit, pour éclater contre les philosophes, qu'ils fussent arrivés au plus haut point de leur puissance, et le malheur du reste de sa vie fut le prix de cette entreprise.

Le Sage.

Cette esquisse rapide serait trop incom- Romancier plète, si je ne faisais ici mention de l'un des Gables. ouvrages les plus distingués qui appartiennent à l'époque littéraire que je viens de parcourir, le roman de Gilblas. Depuis la fin du grand règne, ou plutôt depuis Molière, on n'avait rien vu d'une gaieté plus franche. Cette narration toujours spirituelle, toujours simple, fait sentir que c'est aux Français qu'il appartient de conter. La première partie de Gilblas parut en 1715, la seconde en 1724, et la troisième en 1725. C'était un temps de crise pour la probité. Le Sage eut le malheur de peindre trop de fripons, et de retracer trop souvent l'impunité et les mauvaises joies de la friponnerie. Ce n'est pas seulement la morale, c'est l'honneur qui souffre en le lisant. Aussit les Français hésitent-ils à prononcer que

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