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Un mouvement qui a été long-temps indécis se détermine, et sa violence s'accélère en raison même des obstacles qui ont arrêté ses premiers progrès.

Quelques Vers la fin du ministère du cardinal de

hommes d'é

rit

tai favori Fleury, le combat tournait au désavantage philosophi de ceux qui avaient voulu réprimer l'esprit

que.

actif et entreprenant de leur siècle. Plusieurs hommes d'Etat, importunés du bruit de vaines disputes, combinaient des systêmes nouveaux, et cherchaient comment, sans ébranler le trône, on pouvait l'asseoir sur MM. d'Ar- de nouvelles bases. Les deux d'Argenson et M. de Ma- le conseiller d'État Machault favorisaient en

genson.

chault.

plusieurs points l'esprit philosophique, et voulaient concilier les progrès des lumières avec les progrès, ou du moins avec l'affermissement de l'autorité royale. Le clergé oubliait souvent de signaler ses plus dangereux ennemis Les hommes de lettres, héritiers des traditions et de la piété du règne de Louis XIV, succombaient sous le poids de l'âge. L'abbé Fleury n'était plus, Rollin et Massillon approchaient de la tombe. D'Aguesseau, quoique doué encore des forces d'une verte vieillesse, avait perdu de son autorité en perdant une partie de sa gloire. On lisait encore ces excellens modèles, mais

tion s'anice dans

leur voix ne se faisait plus entendre, ni sur ces bancs où une jeunesse docile avait reçu de Rollin les leçons de l'antiquité et celles du christianisme, ni dans ce barreau où d'Aguesseau avait excité parmi tous les magistrats une sainte émulation de vertu, ni dans cette chaire où Massillon avait décrit. toutes les tempêtes du cœur humain et présenté l'image de la paix céleste. Fontenelle, quelquefois alarmé du mouvement des esprits, Une révo souriait cependant à ceux qui lui attribuaient les esprits. cette révolution, et grondait les nouveaux philosophes moins comme un censeur que comme un père. Il survivait déjà depuis plusieurs années à son ami Lamothe, homme en qui brillait une véritable sagesse malgré les erreurs de son goût, dont le talent perdit en énergie ce qu'il voulait gagner en étendue et surtout en flexibilité, mais qui avait conçu le tableau simple et touchant d'Inès de Castro. Les dernières an- On l'attribue nées de Lamothe avaient offert ce qu'a de plus doux et de plus respectable la philosophie pratique. On ne pouvait concevoir comment cet homme si calme dans ses infirmités et si patient envers ses ennemis avait pu être conduit, dans sa jeunesse,

à Fontenelle.

Lambert.

gues.

à aller ensevelir à la Trape un des plus

misérables chagrins de l'amour - propre. Madame de La marquise de Lambert avait terminé sa longue et honorable carrière. Les femmes devaient regretter ce guide qui avait porté dans les leçons de la morale cette tendresse de cœur et cette pénétration qui appartiennent à leur sexe. Les lettres étaient meVauvenar- nacées d'une autre perte. Vauvenargues, dont j'ai parlé dans le récit de la retraite de Prague, touchait à sa fin prématurée : il montrait une vigueur de pensée qui approchait de celle de Pascal; mais on peut présumer qu'il n'eût point suivi la même direction que ce philosophe religieux. Ses opinions sur les matières de foi ont été préjugées peut-être à tort d'après son amitié pour Voltaire. S'il eût pu développer les heureux essais par lesquels il révéla ses forces, sans doute il n'eût pas permis à la philosophie de s'égarer dans des opinions favorables à l'égoïsme, d'inquiéter les sentimens généreux, en les soumettant à une analyse fausse et superficielle.

Suivons ce tableau, montrons les talens qui vieillissent et ceux qui s'élèvent. Bientôt nous allons revenir à Voltaire; et de lui,

nous nous sentirons amenés précipitamment vers l'époque d'une fermentation générale dans les esprits.

Le poète Rousseau, banni de sa patrie depuis trente ans, était mort à Bruxelles (a). Accueilli par le comté du Luc et par le prince Eugène, son talent lutta encore quelque temps contre l'opprobre, le plus cruel de tous les genres d'adversité; mais la longue durée de son exil, et surtout l'importunité d'un souvenir accablant pour l'ame, finirent par décolorer son imagination. Il avait beaucoup encouragé les premiers essais de Voltaire; mais il ne put supporter l'éclat de sa gloire. Dans une entrevue qu'ils eurent à Bruxelles en 1722, ils conçurent l'un pour l'autre une ardente inimitié. Voltaire s'abandonna, contre un homme devenu même pour ses rivaux un objet de pitié, à cette violence d'invectives, à cette colère ignoble, acharnée, dont il se souilla dans tous ses démêlés littéraires. Rousseau, de son côle, parut un défenseur trop suspect de la religion attaquée par Voltaire. Mais comme ses premières productions portaient l'empreinte du goût épuré du siècle de

(a) En 1741.

Mort de J.-
B.Rousseau.

Louis XIV, il conservait en France beaucoup d'admirateurs et quelques apologistes. Le désaveu qu'il fit constamment et qu'il répéta à son lit de mort, des infâmes couplets qui avaient causé son bannissement, persuada des ames que son malheur avait longLongue inac- temps Louchées.

tion de Cré

billon.

Crébillon, depuis trente ans, n'avait rien ajouté à sa renommée. La chute de quelques tragédies péniblement ordonnées, écrites sans correction et sans verve, l'avait découragé. On s'étonnait de l'espèce d'insensibilité avec laquelle il voyait les succès toujours croissans de Voltaire. Il ne répondait aux reproches de ses amis que par la promesse de son Catilina.

Troisième J'ai parlé du second âge de la comédie médie fran- française, de celui où Regnard, Dufresny,

âge de la co

çaise.

Dancour et Le Sage reproduisaient la gaieté, l'esprit, mais non la profondeur et la philosophie de Molière. Un autre âge avait succédé à celui-là, et trois auteurs sans gaieté Destouches, occupaient la scène : c'étaient Destouches, Marivaux et La Chaussée. Le premier suppléait, autant qu'il est possible de le faire, au don du génie par les ressources d'un esprit sage; son art était de conduire l'intrigue de ses pièces avec une parfaite intelligence. Il

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