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sillanimes; plaidaient, devant les tribunaux de Lima, la cause des sciences et celle de l'hospitalité, et parvenaient à faire respecter une pyramide élevée en l'honneur de leur patrie, sur le sommet des plus hautes montagnes de la terre. La France n'était point ingrate pour les savans qui étendaient sa gloire et ses connaissances. Les lettres de La Condamine, du savant botaniste Jussieu, qui faisait les plus précieuses récoltes dans le Nouveau Monde; celles de Maupertuis et de Clairaut, excitaient le même intérêt que des événemens publics. Leur retour excita autant de joie qu'aurait pu faire celui de guerriers triomphans. On était avide de leurs récits; ils étaient l'objet des plus flatteuses distinctions; les hommes de lettres portaient envie à la considération qui les environnait.

Jussien.

Savans, par Fontenelle.

C'était surtout à Fontenelle que les savans Éloges des devaient cette vive curiosité du public pour leurs travaux. Ses Éloges intéressaient comme des Vies de Plutarque. La bonhomie de ses héros y était peinte avec un art facile, un agrément et quelquefois même une simplicité qui faisait envier aux gens du monde la paix d'une vie laborieuse, modeste et solitaire. On voulait voir ces hommes qui se cachaient;

on interrogeait leur candeur, on en était charmé, et l'on finissait par l'altérér en louant trop un genre de mérite, qui disparaît dès qu'un peu de prétention s'y attache. Ainsi fêtés, les savans s'éloignaient par deRéaumur. grés de leur ingénuité primitive, Réaumur, auquel l'histoire naturelle devait un bon ouvrage sur les insectes, et la physique des expériences sur l'air, laissait voir un esprit de domination dans la société. Maupertuis y décelait trop souvent les chagrins Mairan, d'un amour - propre inquiet, Mairan, au

Les érudits dédaignés ne

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point.

teur d'une théorie sur le feu, plaisait par les saillies d'un esprit original. Clairaut et La Condamine ajoutaient au mérite d'une vaste instruction cette grâce, cette aménité qu'on ne peut tenir que de la culture des lettres.

L'essor élevé que prenaient les sciences, et rebulent surtout le genre d'esprit qui dominait dans la littérature, avaient fait attacher moins de prix aux travaux de l'érudition. Les hommes de lettres, entraînés par les opinions de Lamothe et de Fontenelle, et par le dédain que Voltaire montrait pour tout ce qui était étranger aux grâces, flattaient la paresse des gens du monde. Comme ceux qui s'exagèrent leur opulence et qui en

M. et ma dameDacier.

abusent, on oubliait les sources des richesses dont on jouissait. Les érudits ne furent ni vaincus ni découragés par cette indifférence. Ils résistèrent avec modestie et constance, et parvinrent à sauver l'honneur des lettres grecques et latines. Madame Dacier et son époux y concoururent par le mérite de leurs savans commentaires, et même par leurs traductions. Le bon Rollin, en écri- Rollin. vant mieux qu'eux, servait avec plus de succès la cause commune. L'université avait des secours toujours prêts à leur offrir. Crévier et Le Beau s'annonçaient. Les jésuites, animés du zèle le plus louable, ne craignaient pas de s'unir à des auteurs jansénistes pour venir à l'appui des anciens, Les pères Brumoi, Porée et Tournemine Les PP. Pomarchaient sur les traces des Rapin et des Vanière. Les bénédictins confirmaient, par l'infatigable activité de leurs travaux, les droits de leur savante congrégation à la reconnaissance des lettres. Dom Calmet, Dom Calmet. avec le singulier mélange de beaucoup de sagacité et d'une crédulité puérile, dom Montfaucon, avec un esprit méthodique, Dom M découvraient et classaient des matériaux importans pour l'histoire. Freret, auquel on prêta depuis sa mort les ouvrages les plus.

rée, Brumoi et Tourne mine.

faucon.

Mont

Freret.

Caylus.

signalés de l'incrédulité, paraissait uniquement livré à de profondes recherches, dans lesquelles il avait fait admirer une excelLe comte de lente critique. Le comte de Caylus s'occupait avec passion des monumens et des chefs-d'œuvres de l'antiquité, et enseignait à les apprécier sous le rapport de l'art. La Les jésuites connaissance des lettres orientales s'étende servir les dait; c'était encore à des jésuites qu'on devait de nouvelles découvertes à cet égard, et l'espoir d'en acquérir de plus impor

continuent

lettres.

leurs mis

la Chine.

tantes.

Cette société, qui portait dans toutes les parties de la terre son esprit de conquête, était habile à le cacher sous les formes les plus variées, et quelquefois à le faire parTravaux de donner par d'éminens services. Des jésuites sionnaires à aidaient alors un empereur tartare à rappeler les sciences dans la Chine, qui fit ou reçut dans des temps reculés les plus étonnantes découvertes. Ils devenaient des magistrats chez un peuple dont ils paraissaient adopter les mœurs, et auquel ils apLe P. Paren- portaient le christianisme. Le père Parennin, l'un des esprits les plus aimables et les plus éclairés de son siècle, ainsi que ses Le P. Amiot. pieux et savans compagnons, le père Amiot Le P. Du- et le père Duhalde, transportaient à la Chine

nin.

halde.

quelques-unes des connaissances de l'Europe, et faisaient connaître à l'Europe plusieurs points de l'histoire, de la morale, de la merveilleuse police et des arts même de la Chine. Les hommes du goût le plus délicat et de la critique la plus exercée trouvaient une multitude de faits intéressans et d'observations judicieuses dans les Lettres édifiantes.

Si la multiplicité et la variété des objets dont je trace une esquisse rapide n'ont point fatigué mes lecteurs, je les prie de me suivre dans quelques observations que je crois propres à jeter plus de jour sur ce tableau. Dans le mouvement littéraire comme dans le mouvement politique, lorsqu'une grande époque a fini, il s'établit un long combat. entre ceux qui cherchent des routes nouvelles et ceux qui veulent parcourir avec moins de gloire et de dangers les routes ouvertes par de grands maîtres. Le temps accroît dans certains esprits la vénération · pour les exemples anciens; chez d'autres il en diminue l'autorité. Les jeunes gens sont portés à se passionner pour les essais d'un nouveau genre, les vieillards à les repousser avec un dédain immuable; mais les uns croissent, et les autres s'éteignent.

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