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Wolston.

Toland.

d'adresse, et, ce qu'il y a de plus extraordinaire, avec peu de passion. Les hommes d'État semblaient regarder ces disputes comme plus oiseuses que funestes.Wolston, Collins. Collins et Toland avaient seuls montré de la violence dans leurs attaques contre la révélation; mais leurs écrits peu brillans n'avaient pénétré ni chez le peuple ni dans Addison. les sociétés frivoles. Le sage Addisson, l'inSteele. génieux Steele, dont il était le guide, étaient parvenus, à l'aide d'un journal, à régler les opinions, et l'on pourrait même dire à réformer les mœurs d'une nation qui avait encore à effacer les traces du règne licencieux de Charles II. Les feuilles du Spectateur et du Gardien, en répandant chaque jour les leçons d'une philosophie tempérée, d'une morale pratique et d'une piété exempte de superstition et d'artifice, suffisaient pour contre-balancer les efforts des plus puissans Bolingbro- adversaires de la révélation. A la tête de incrédules ceux-ci l'on voyait le lord Bolingbroke, qui venait de rentrer dans sa patrie après un long exil. Le rôle politique auquel il avait été amené par un singulier concours de circonstances, en l'attachant à la cause des Stuarts, l'avait rendu l'espoir des papistes d'Angleterre; et cependant la reli

ke, chef des

excite Voltaire.

gion chrétienne n'avait point d'ennemi plus déclaré ni plus dangereux. Il semblait souffrir de ne pouvoir amener ses amis à des hostilités déclarées contre l'autorité des écritures. L'un d'eux, Pope, était aussi soup- Pop. çonné de déisme; mais il n'en avait encore donné de témoignage un peu apparent que dans une seule pièce de vers, la Prière universelle. Le docteur Swift, autre ami Swift. de Bolingbroke, et l'homme qui peut-être sut jamais mieux combiner le pouvoir du sarcasme avec celui de la logique, n'avait dirigé ses traits que contre les papistes. On s'étonnait qu'il ne fût pas auxiliaire de la religion menacée; mais du moins il n'en était pas ennemi. Pendant les débats des philosophes, les Anglais attachés à la discussion de leurs intérêts, soit politiques, soit commerciaux, ne se montraient ébranlés ni dans leurs opinions ni dans leurs habitudes. Tout suivait un cours régulier; les évêques et les prêtres n'appelaient point à eux le secours de l'autorité politique; enfin, les déistes causaient encore moins de bruit dans ce royaume que les paisibles Quakers.

Voltaire, en voyant ces effets de la liberté de penser, bannit de son esprit le peu de scrupule qui l'avait arrêté en France..

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Le lord Bolingbroke, chez lequel il logeait, et qu'il avait connu à Paris dès sa jeunesse, encouragea son audace, et lui persuada que les Français pourraient recevoir, avec aussi peu de danger que l'avaient fait les Anglais, la liberté de discussion. Pendant que Voltaire méditait Locke, et qu'avec une ardeur incroyable il se livrait aux vastes études que demande la connaissance du Systême du monde de Newton; pendant qu'il aiguisait avec Swift la malignité naturelle de son esprit, qu'il étudiait auprès de Pope l'art d'unir les pensées les plus profondes aux images les plus brillantes, et qu'il cherchait jusque dans les productions étonnantes de Shakespeare, des conquêtes à faire pour la scène française, il intéressait les Anglais au perfectionnement de son poème national, la Henriade, auparavant la Ligue, et commençait, grâce à leurs souscriptions libérales, à trouver dans sa fortune l'indépendance dont son génie, son caractère et ses malheurs lui avaient fait sentir le prix.

Montesquieu était arrivé à Londres peu aussi obser- de temps après Voltaire; il venait étudier la constitution anglaise, la comparer avec celle de son pays, avec la législation des peuples anciens et celle des peuples qui,

sortis des forêts de la Germanie, mêlèrent leurs tribus conquérantes aux membres épars de l'empire romain, et leurs lois grossières à celles des maîtres du monde. Le voyage presque simultané de Voltaire et de Montesquieu en Angleterre, ouvrait un nouveau genre de communications entre deux nations jalouses. Dans le siècle précédent, les Anglais, sollicités par l'exemple de Charles II, avaient imité avec une vive ardeur les mœurs, les manières et les arts de la France. L'éclat littéraire du règne de Louis XIV avait forcé leurs poètes à se rapprocher un peu des règles sévères et du goût exquis auxquels les nôtres avaient dû leur renommée. Les Anglais empruntaient le secours de nos manufacturiers réfugiés, dans le moment où Marlborough exaltait par nos défaites l'orgueil de sa nation. La France On com n'avait encore rien emprunté d'eux, si ce n'est tudier et à des découvertes en mathématiques. Voltaire Anglais. revint en disant : « Imitez vos voisins, pen» sez librement comme eux, usez de leurs richesses, perfectionnez ce qu'ils n'ont fait qu'indiquer, et surtout ne restez point étrangers à ce qu'ils ont perfectionné » eux-mêmes ». Montesquieu se contenta de dire « Estimez vos voisins, étudiez

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Le cardinal de Fleury faisait alors sentir de Fleury doucement aux lettres et aux sciences une autorité qui n'était sévère que pour les jan-. sénistes. Il ne savait pas inspirer des chefsd'œuvres comme Louis XIV l'avait fait dans l'éclat de sa gloire; peut-être même ne désirait-il pas vivement que son ministère fût signalé par des productions du "génie; mais il regardait la littérature comme un sujet d'entretien qui détourne l'attention publique des affaires d'État, et laisse une marche plus assurée à ceux qui les dirigent. Il aimait Fontenelle, et c'était lui qu'il consultait sur tout ce qui intéressait les lettres et les sciences. Le philosophe calmait aisément les scrupules du vieux cardinal. Ce dernier cependant avait montré quelques alarmes, lorsque Montesquieu, avant son voyage en Angleterre, s'était présenté pour remplir une place dans l'Académie Française, contre laquelle il avait dirigé un des traits piquans de ses Lettres persannes. On vint à bout de persuader à Fleury que, lorsque des hommes de lettres consentaient à oublier une insulte, le gouvernement devait, comme eux, oublier quel

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