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Elles n'exécutèrent point avec leur précision ordinaire ses savantes manœuvres. Il fut obligé de recommencer plusieurs fois son ordre de, bataille. De son côté, Fermor, dirigé par un habile tacticien, Romanzow, changeait aussi souvent que le roi ses dispositions. A midi, le carnage avait fatigué les combattans. Ils sortirent de ce repos plus acharnés et plus terribles. Les Russes attaquèrent vivement une batterie et l'empor terent. Seidlitz, un des héros de Rosback, réussit à rompre les rangs des Russes par une charge de cavalerie. Le roi vint le seconder. Les Russes regagnaient en désordre la Mutzel; mais lorsqu'en arrivant aux bords de cette rivière, ils virent que les ponts étaient rompus, que toute retraite leur était coupée, ils ne songèrent plus qu'à vendre chèrement leur vie. Frédéric pouvait terminer le combat et assurer sa victoire en s'abstenant de les poursuivre; mais ce long carnage l'avait comme enivré. Il donna l'ordre de l'attaque, et une troisième bataille recommença dans la même journée. Les Russes, cédant au désespoir, tinrent ferme et bientôt se rapprochèrent du premier champ de bataille. La nuit vint terminer enfin cet épouvantable massacre. Les Russes

avaient perdu dix-neuf mille hommes tués ou blessés,et seulement trois mille prisonniers. Les Prussiens avaient perdu onze mille hommes. Les uns et les autres se proclamèrent vainqueurs. Mais Fermor, affaibli par la perte de plus d'un tiers de son armée, ne put tenir la campagne et fut obligé de se retirer en Pologne.

སོ

Bataille de

14 octobre.

1758.

Le roi de Prusse vola en Saxe. Le prince Hochkirch. Henri s'y défendait comme un grand capitaine contre le maréchal Daun. Retiré sous le canon de Dresde, il y attendait le secours du roi son frère. Il n'avait pas en vain compte sur un tel libérateur. Daun manœuvra de manière à menacer la Silésie et à protéger le siége de Neiss que suivait un autre corps' d'armée. Le roi cherchait à secourir cette place. Les deux armées étaient en présence, el Frédéric se réjouissait que Daun vînt enfin l'approcher de si pres. Mais ce général, fatigué peut-être des reproches que lui attiraient ses éternelles lenteurs, et cédant: aux instances du plus audacieux des géné raux autrichiens, Laudon, avait résolu de tenter un coup plus hardi que son intrépide ennemi n'eût ose le tenter lui-même. Il réussit à surprendre le plus vigilant des guerriers par une attaque nocturne. Le 14 octobre,

lorsque la cloche du village de Hochkirch eut sonné cinq heures, Daun donna, un signal convenu. Le roi dormait avec toute son armée. On vient lui apprendre que le camp. est forcé, que les Autrichiens se sont emparés de sa grande batterie. Point de manœuvres à exécuter. On ne peut se livrer qu'à un courage aveugle. Frédéric et ses: lieutenans rallient des brigades qui couraient dans la plus grande confusion. Le maréchal Keith, les princes Maurice d'Anhalt et François de Brunswick essayent de reprendre le village d'Hochkirch sur le corps de Laudon qui s'en, était emparé. Bientôt ils en sont chassés. Ils recommencent l'attaque. Ces trois généraux succombent. Keith et le prince de Brunswick sont tués; le prince Maurice d'Anhalt est blessé (a). Frédéric; lorsque le

(a) Jacques Keith était Ecossais. Il descendait d'une ancienne famille dans laquelle la dignité de maréchal était héréditaire. L'aîné de la famille portait le titre de lord-maréchal. Son frère et lui s'étant déclarés, en 1714, pour le prétendant, furent obligés de quitter leur patrie. Ils passèrent au service de l'Espagne, et de-là à celui de la Russie. Jacques Keith se distingua sous les ordres de Munnich au siége d'Oczakow, et sous ceux de Lascy à la victoire de Wilmanstrund remportée sur les Suédois. La révolution qui chassa de la Russie les étrangers les

jour paraîty et que le brouillard se dissipe, essaye encore d'arracher la victoire à l'ennemi; mais par son opiniâtreté il rend sa défaite plus sanglante. Il cède enfin. Un corps de réserve que lui amène Retzow lui pro→ cure le moyen d'assurer sa retraite. Quoi qu'il laisse plus de cent canons au pouvoir des Autrichiens, et qu'il ait perdu le tiers de son armée, il se retire lentement et vient se poster à un mille de l'ennemi. Daun craint de compromettre sa victoire, et passe

plus distingués, le fit entrer, ainsi que son frère aîné, au service de la Prusse. Son mérite n'était pas borné à des talens militaires; il avait quelque anṇalogie avec le caractère et surtout avec l'esprit de Frédéric. Ce monarque le traitait comme son ami, et il lui rendit le même honneur qu'à Schwérin et à Winterfeld en faisant élever sa statue sur la place de Berlin. Seidlitz fut le quatrième héros dont le roi de Prusse honora ainsi la mémoire.

Le prince François de Brunswick était frère de ce prince Ferdinand qui commanda si glorieusement l'armée des alliés, et oncle du prince héréditaire, depuis duc régnant de Brunswick, qui mourut des suites de ses blessures, après la bataille d'Iéna. 14

Le prince Maurice d'Anhalt fut fait prisonnier le lendemain de la bataille. Il ne revint plus à l'armée, et mourut peu de temps après à Dessau.

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Le roi de Prusse ré

pare ses revers

bientôt de l'audace qui lui a valu un succès éclatant, à une circonspection qui lui en fera perdre le prix.

On crut le roi de Prusse accablé par une défaite qui altérait beaucoup sa réputation de vigilance et d'habileté. Mais, quel fut l'étonnement de toutes les cours qui insul, laient à ce roi vaincu (a), lorsqu'elles ap

(a) Frédéric qui avait paru se livrer au désespoir après sa défaite à Kolín, et surtout après sa première retraite de la Boême, supporta avec un flegme étonnant le revers de Hochkirch. Il était si sûr de le réparer qu'il en plaisantait. « Daun, disait-il, m'a » joué un tour de maître Gonin, mais je l'attrape» rai à son tour. » Il n'eut point la même impassibilité lorsqu'il apprit peu de jours après un événement si malheureux, la mort de sa sœur chérie, la margrave de Bareuth. Il se livra aux regrets les plus vifs, célébra la mémoire de cette princesse dans des vers pleins de sensibilité. Pour la première fois il parut recourir aux consolations et aux espérances de la religion. Son lecteur Kat le trouva lisant un sermon de Bourdaloue; et, comme il s'en étonnait, le roi lui montra un panégyrique de sa sœur qu'il venait de commencer, et dans lequel il citait différens passages de la Bible. Les lettres qu'il écrivit à Voltaire sur ce même sujet, offrent l'expression la plus vraie et la plus touchante de l'amitié fraternelle.

La victoire remportée par le feldmaréchal Daun à Hochkirch, excita le plus grand enthousiasme

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