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Rosback.

alliés crurent voir l'avant-garde d'une armée considérable. Dès le premier choc ils abandonnèrent Gotha, en laissant beaucoup de prisonniers.

Bataille de On était à la fin d'octobre, et la cour de 5 novembre. Versailles avait déjà donné l'ordre de prendre 1757. des quartiers d'hiver. On repassa la Saale. Le

roi de Prusse poursuivit l'armée qui battait en retraite, et n'éprouva un peu de résistance qu'au pont de Weissenfelds, où commandait le marquis de Crillon. Mais Frédéric, qui avait besoin d'une action d'éclat, s'impatientait de cette petite guerre; il chercha tous les moyens de rendre de la confiance à ses ennemis, et eut le bonheur d'y parvenir. Pendant quelques jours il se tint immobile dans son camp de Rosback. Les princes de Hildbourghaussen et de Soubise furent à portée de juger du petit nombre de ses troupes, qui ne s'élevaient pas à plus de vingt mille hommes. Ils méprisèrent un ennemi si faible, et crurent pouvoir lui couper la retraite en filant sur Merslebourg. Le 3 novembre, l'armée était en marche pour exécuter cette manœuvre. Le roi de Prusse l'observait du haut d'une colline où il avait placé une batterie. Il ne troublait par aucun mouvement la sécurité des alliés. Le prince de Soubise abandonnait

pár degrés une position où il était fortement retranché, dans l'espérance de cerner les Prussiens, et marchait avec aussi peu de précaution, que s'il eût cru ceux-ci décidés à se laisser enfermer. Le roi contenait ses troupes ét se contenait lui-même, pendant que le prince de Soubise côtoyait sa gauche. Il entendait résonner les clairons et les timballes des Français en signe de victoire. Enfin, à deux heures il sortit de cette immobilité fatigante. Il donna le signal d'abattre les tentes, et les Prussiens se présentèrent en ordre de bataille à leurs ennemis, qui marchaient presque au hasard. Frédéric manoeuvra pour tourner ceux qui avaient voulu le tourner luimême. Sa cavalerie, sous les ordres de Seidlitz, se glissa, par des bas-fonds, derrière la cavalerie française, la chargea, la mit en fuite, et vint tomber sur des colonnes d'infanterie qui n'étaient point encore formées. Une manœuvre que fit le prince Henri, frère du roi, augmenta le désordre de l'infanterie française, qui, se précipitant sur la gauche, se trouvait toujours plus débordée par le front des Prussiens. Soubise veut en vain rétablir le combat à l'aide de sa cavalerie; elle est écrasée à son tour. Il avait suffi, pour dissiper les troupes des cercles, de quelques volées

d'artillerie que leur avait envoyées le prince Ferdinand. La batterie des Prussiens, établie sur une hauteur, écrasait les Français, qui ne pouvaient y répondre que par une inutile batterie établie dans un fond. Ils avaient une forle réserve sous les ordres du comte de Saint-Germain, qui ne parut que pour protéger la retraite. Celle inaction fut jugée depuis aussi suspecte que l'avait été celle du comte de Maillebois à Hastenbeck; mais il faut observer qu'ici la déroute avait été si prompte et si complète, qu'il était difficile d'arriver à temps pour soutenir les mouve-, mens désordonnés des généraux allemands et français. La nuit vint protéger leur retraite. Mais les corps étaient tellement dispersés, que cette journée honteuse coûta aux alliés plus de dix mille hommes, dont dont sept mille prisonniers. La perte des Prussiens fut à peine de cinq cents hommes tués ou blessés. Parmi ces derniers étaient les deux généraux qui avaient le mieux secondé les dispositions du roi de Prusse, le prince Henri et Seidlitz (a).

(a) Le prince Henri, non moins jaloux que son frère de l'estime, et l'on pourrait même dire de l'affection des Français, s'occupa de leur faire pardonner sa victoire par des soins nobles et délicats, Il consolait les prisonniers, vantait le courage que

prus

Sept bataillons et quelques escadrons siens avaient remporté en une heure et demie cette victoire sur une armée de cinquantecinq mille combattans. Elle se retira par Freybourg, en tâchant de se rapprocher de celle du maréchal de Richelieu. Quelques officiers, tels que le marquis de Crillon, et deux ou trois régimens, firent seuls admirer leur courage au milieu de tout le vertige d'une terreur panique. Quelles que fussent à cette triste époque l'indiscipline des soldats et l'ineptie de leurs généraux, on peut croire que nos annales n'eussent point été souillées de cette incon

quelques-uns d'entre eux avaient montré. « Ainsi le vit-on, dit l'auteur de sa vie, moins occupé de sa blessure que d'adoucir, par les soins les plus nobles, par les attentions les plus recherchées, la honte de la défaite et le malheur de la captivité. Il fit rendre les plus grands honneurs au marquis de Custine, officier-général français, qui mourut à Leipsick de ses blessures, et consacra même par un monument sa valeur et celle de sa nation. Informé de la pénurie d'un grand nombre d'officiers français prisonniers, il emprunta des négocians de Leipsick l'argent dont il manquait lui-même pour le leur distribuer; et ce qui était plus précieux encore pour des Français, comme touchant à leur honneur, il s'indigna qu'on leur eût ôté leurs épées, et ordonna qu'elles leur fussent rendues: c'est ainsi que le prince Henri se fit connaître des Français.

III.

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21

Frédéric retourne en Silésie.

1757.

cevable ignominie, si les Français eussent combattu sans alliés. Je n'ai pas craint de la rappeler avec quelques détails. La plaine de Rosback est voisine de celle d'Iéna.

Frédéric se hâta d'aller recueillir en Silésie les fruits de la journée de Rosback. Des revers éprouvés par ses généraux l'appelaient au secours de cette province qu'inondaient quatre-vingt mille Autrichiens victorieux. Ceux-ci, en s'emparant de Schweidnitz, s'étaient fait une place d'armes pour couvrir toutes leurs opérations. Ils menaçaient Breslaw. Frédéric ne perdit pas un moment pour conduire au secours de cette ville les vingt mille hommes d'élite qui venaient de disperser une armée formidable. Instruits de sa marche, les Autrichiens voulurent le prévenir. Le 22 Bataille de novembre ils attaquèrent le duc de Bévern, le battirent complètement, lui tuèrent dix mille hommes, et lui prirent quatre-vingts pièces de canon (a). Cette victoire les rendit maî

Breslaw.

(a) Un des généraux les plus estimés et les plus chéris du roi de Prusse, Winterfeld, avait été tué dans une action particulière avant cette journée. La perte d'une bataille n'eût pas été plus sensible à Frédéric que celle de ce héros. Il lui fit depuis ériger une statue sur la place Guillaume à Berlin à côté de celle de Schwerin. Le duc de Bévern, privé du

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