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» s'enivrer, n'aura pas l'honneur de monter à » l'assaut. » Jamais défense ne fut plus religieusement exécutée. Cet assaut si désiré se donna dans la nuit du 27 au 28 juin. On descendit dans les fossés. Là où les échelles étaient insuffisantes, les soldats grimpaient sur les épaules les uns des autres et gravissaient le roc sous le feu de la plus formidable artillerie. Tous les chefs donnaient l'exemple du courage. On distinguait parmi eux le comte de Maillebois, le prince de Beauveau, le duc de Fronsac, fils du maréchal, et le comte d'Egmont son gendre. Cinq fortes redoutes furent emportées. Le gouverneur du fort, le général Blakney vit qu'il ne pouvait plus résister long-temps dans la citadelle; il demanda et obtint la 1756. plus belle capitulation. Le maréchal de Ri- 98 juin. chelieu consentit à faire transporter la garnison anglaise à Gibraltar.

La prise de Port-Mahon fut célébrée comme l'ont toujours été les succès remportés sur une nation qui ne veut jamais se modérer dans son inimitié contre les Français. Voltaire excita la joie publique en vantant cet exploit avec une exagération bien pardonnable dans un ami et dans un poète. La marquise de Pompadour, qui

eût triomphé d'un mauvais succès de Richelieu, parut se réjouir de sa victoire. Louis XV fut dans son royaume le seul qui ne céda point à cette ivresse. Quand il revit le vainqueur de Mahon, il n'eut d'autre question à lui faire que celle-ci : Comment avez-vous trouvé les figues de Minorque? Son inconcevable apathie lui donnait ainsi l'apparence d'un tyran qu'inquiète la gloire d'un de ses généraux. Le public, de son côté, eut le tort d'oublier le marquis de la Galissonière qui n'avait, pour exalter sa gloire, ni le secours des femmes, ni celui des poètes (a). Les Anglais étaient encore plus irrités de leurs revers, par l'allégresse de leurs ennemis. Le peuple de Londres, qui avait demandé la guerre contre la France, avec une haine féroce, poursuivait de ses clameurs l'amiral Bing, fils du célèbre marin qui avait donné à sa patrie la victoire navale de Messine. Les ministres qu'on aceusait eux-mêmes de négligence ou de

(a) Le marquis de la Galissonière mourut d'hydropisie à Nemours la même année où il avait gagné la bataille navale de Port-Mahon. La perte de cet officier distingué et la nomination du marquis de Conflans qui le remplaça, furent très-funestes à la marine française.

trahison, livrèrent cet amiral à un conseil de guerre. Le maréchal de Richelieu, sollicité par Voltaire, fit un imprudent effort pour sauver l'infortuné Bing, et lui rendit un témoignage qui n'était point propre à calmer les Anglais. Cet officier fut arque- 1757. busé aux acclamations de la populace, et plusieurs de ses compatriotes, qui ne le jugeaient point coupable, applaudirent à un jugement qui punissait le malheur, et ne montrait aux chefs d'escadre de salut que dans la victoire.

14 mars.

L'Angleterre fit les plus grands efforts pour réparer ce début malheureux d'une guerre qu'elle avait injustement suscitée. Le gouvernement français ne tenta plus rien pour assurer à sa marine les succès dont le combat de Mahon semblait devoir être le pré-. sage. Troublé au-dedans par les discordes futiles et opiniâtres de deux corps qui ne le reconnaissaient pas comme arbitre, entraîné au-dehors par le fatal ascendant du cabinet de Vienne, humilié par le sentiment de sa détresse, il parut oublier qu'il était engagé dans une guerre maritime. Tout cédait an désir insensé de dépouiller le roi de Prusse. Voyons quelle était la situation de ce monarque. Frédéric se voyait près d'être accablé par tre le roi de

Ligue générale con

Prusse.

:

toutes les forces de l'Europe, parce qu'il était en butte à la colère de quatre femmes la reine de Hongrie, l'impératrice de Russie Elisabeth, la reine de Pologne et la marquise de Pompadour. Il allait éprouver que les sarcasmes d'un roi sont une grande cause de calamité pour les peuples. MarieThérèse tenait registre de tout ce qui échappait à un héros trop enclin à la satire. Elisabeth apprit par la cour de Vienne que Frédéric avait plaisanté en mauvais vers sur ses amours multipliés. Quoiqu'elle ne les couvrît pas d'un mystère fort scrupuleux, elle se crut outragée. Mais elle avait horreur de l'effusion du sang; il n'était pas aisé de l'entraîner à la guerre pour venger un tort de cette nature. Le comte de Kaunitz, qui avait déjà l'autorité d'un premier ministre à la cour de Vienne, trouva, pour entraîner celle de Pétersbourg, des prétextes politiques. Le comte de Bestuchef, favori d'Elisabeth, les appuya. Il haïssait le roi de Prusse, et cette inimitié était si forte en lui, qu'il renonça, pour l'assouvir, à une pension qu'il recevait de l'Angleterre. Heureusement pour Frédéric, les principes d'humanité qui régnaient toujours dans le cœur d'Elisabeth ralentirent l'effet des résolutions violentes où l'on

voulait l'entraîner. La puissance qui devait porter les coups les plus terribles à la Prusse, ne se mit en mouvement que lorsque celle-ci eut accru ses forces par des

victoires.

Saxe.

La reine de Pologne, électrice de Saxe, Dispositions fille de l'empereur Joseph Ier, à l'exemple des princes de sa maison, considérait tou-jours le roi de Prusse comme un vassal révolté; elle aigrissait contre lui son époux Auguste III, par le souvenir même des disgrâces qu'il avait éprouvées durant la dernière guerre, et le flattait de pouvoir vengér à Berlin les humiliations recues dans le palais de Dresde. Déjà elle avait promis à Marie-Thérèse tous les secours que pouvait fournir l'électorat de Saxe. Une convention secrète avait été conclue entre les deux cours. Jusqu'à ce que l'on pût agir, la reine de Pologne se flattait de tromper le prince le plus vigilant par des protestations d'amitié. Mais Frédéric n'ignorait rien de ce qui se tramait contre lui. Il feignit de la sécurité, afin de surprendre et d'accabler un voisin jaloux.

Suède.

Comme si la fortune cût voulu lui susciter Bt de la à la fois tous les genres de traverses, un motif qui pouvait lui attacher la Suède, ran

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