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de longues guerres dont eux seuls avaient recueilli les fruits. C'était là le funeste effet des discordes continuelles des maisons de Bourbon et d'Autriche. En se rapprochant, en confondant leurs intérêts, elles ôtaient tout espoir à des politiques tracassiers. Une ou deux campagnes qu'il en coûterait pour faire rentrer le roi de Prusse dans ses premières limites, préviendraient pour l'avenir tout sujet de guerre continentale. Ce repos universel serait l'ouvrage de la France, et rien ne pourrait plus mettre un terme à ses prospérités.

Ainsi, les courtisans s'habituaient à répéter un langage qu'ils avaient souvent entendu tenir à l'adroit comte de Kaunitz, pendant son ambassade en France. D'anciens ministres et quelques vieux généraux résistaient à ces maximes nouvelles. Les deux négociateurs du traité d'Aix-la-Chapelle, le marquis de Puysieux et Saint-Severin d'Aragon, défendaient leur ouvrage avec chaleur; mais leurs talens diplomatiques avaient tiré si peu de lustre de ce traité, qu'on écouta peu leurs conseils les plus sages. Cette grande affaire d'État devint un nouveau sujet de riválité entre deux ministres dont l'inimitié avait fomenté les troubles intérieurs, Machault

et d'Argenson. Le premier qui, après avoir soutenu une lutte impuissante contre le clergé, avait passé au département de la marine, y portait l'activité et les ressources d'un habile administrateur. Il s'effrayait d'une inutile et funeste diversion qui allait faire négliger les opérations navales. Quoi de plus inconséquent, disait-il, que de s'unir, pendant une guerre contre l'Angleterre, à une puissance qui ne pourra nous aider d'aucun vaisseau? Ne vaut-il pas mieux solliciter le zèle d'un prince de la maison de Bourbon, éveiller le roi d'Espagne sur ses dangers, tirer de lui un puissant secours, et sauver à la fois ses colonies et les nôtres ? En parlant ainsi, ce ministre combattait le penchant de sa protectrice; il craignit d'insister. Le comte d'Argenson exprimait un sentiment plus conforme aux vœux de la favorite, quoiqu'il fût alors son ennemi déclaré. Comme il ne voulait point que son ministère restât sans action et sans éclat, pendant que les plus grands intérêts de la France seraient attachés à celui de la marine, il prétendait que la facile conquête de l'électorat de Hanovre suspendrait toutes les résolutions du roi d'Angleterre, à qui nul sacrifice ne coûterait pour recouvrer cette possession

de ses ancêtres. L'Autriche, par tous ses mouvemens, favoriserait l'invasion de cet électorat; il fallait donc s'allier avec l'Autriche.

L'abbé de Bernis, qui d'abord n'avait point été séduit par ce nouveau systême (a),

(a) Beaucoup de personnes ont prétendu que l'abbé de Bernis avait provoqué la ligue contre le roi de Prusse pour se venger de la manière dont le poète de Sans-Souci avait parlé de ses vers.

} Évitez de Bernis la stérile abondance.

Ce reproche est exprimé avec beaucoup de talent et de fiel, dans une célèbre épigramme composée par Turgot, et qui, après avoir retracé les horreurs de la guerre de sept ans, finit par ce trait cruel :

Vos petits vers sont-ils assez vengés?

Il faut bien se garder d'adopter une supposition aussi odieuse. L'abbé de Bernis ne montra jamais beau-, coup d'orgueil littéraire. D'ailleurs, son caractère était plein de modération et de bienveillance. Duclos, qui dans ses Mémoires le défend avec le zèle d'un ami, prouve qu'il ralentit pendant plusieurs années l'empressement de la marquise de Pompadour à lier ou plutôt à subordonner la France à l'Autriche. Il fut entraîné et n'entraîna personne. C'était un homme d'État fort médiocre, mais ami de la paix ; et sa retraite honorable prouva combien il gémissait sur les maux de la

guerre.

Versailles.

s'y attachait à mesure que la marquise de Pompadour redoublait d'enthousiasme pour la souveraine qui voulait bien traiter avec elle des destinées de l'Europe. Il fut chargé de négocier secrètement avec le nouvel ambassadeur d'Autriche, le comte de Stahremberg. Les conférences eurent lieu dans une petite maison de campagne de la marquise nommée Babiole. Elle y assistait régulièrement, combattait quelquefois les objections de l'abbé de Bernis, et montrait la chaleur Traité de d'un plénipotentiaire de l'Autriche. C'est ainsi que fut préparé le funeste traité de Versailles. Il fut conclu le 1er mai 1756. La reine de Hongrie y déclarait sa neutralité pendant la guerre de la France avec l'Angleterre, et contractait cependant un traité d'alliance avec le roi. Elle promettait de garantir et de défendre tous les États du roi en Europe (personne ne les menaçait). Le roi, de son côté, promettait de garantir et de défendre toutes les possessions par l'impératrice reine, selon l'ordre établi par la pragmatique sanction, ce qui détruisait le traité d'Aix-la-Chapelle et celui de Dresde. Les deux États s'engageaient à se fournir un secours de vingt-quatre mille hommes effectifs, pour empêcher les attaques ou

invasions dont l'un ou l'autre pourrait être menacé. La France, au bout de quelques mois, fournit ce secours de plus de cent mille hommes, et bientôt elle mit à la disposition de l'Autriche toutes ses forces militaires.

de Mahun.

Une guerre qui devait être plus désas- Expédition treuse que celle de la succession d'Espagne, s'ouvrit comme celle-ci par des succès brilJans. Au commencement de l'année 1756, on avait fait avec la plus grande activité des armemens de terre et de mer. Quinze nouveaux vaisseaux venaient d'être construits avec un art et une célérité que les Anglais étaient forcés d'admirer. C'était là un des heureux effets qu'avait produits l'application immédiate des découvertes des sciences à la marine. Comme nos forces navales étaient encore très - inférieures à celles des Anglais, on voulut y suppléer en leur faisant craindre une descente dans leur île. Les côtes de l'Océan se couvrirent d'une armée nombreuse qui brûlait d'aller venger à Londres les Français assassinés dans le Canada. Ce fut alors que la cour de Versailles dut se rappeler avec regret le traitement ingrat et déloyal qu'elle avait fait éprouver au prince Charles Édouard. La terreur des

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