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Désastre de Lisbonne.

Premier no

laquelle on leur avait rendu une de leurs frégates prise à la suite de la plus injuste agression (a), retenaient les vaisseaux dont ils s'étaient emparés, insultaient et tourmentaient nos marins prisonniers; que des convois chargés des plus riches retours de nos colonies, tombaient en leur pouvoir, et qu'ils témoignaient une joie insolente d'avoir enlevé trois cents bâtimens avant la déclaration de guerre. Il fallut armer enfin pour soutenir un commerce qui était déjà presque anéanti.

Il était aisé de juger, par la situation de toutes les puissances continentales, comvembre bien s'étendrait et se prolongerait l'incendie que la cupidité des Anglais venait d'allumer.

1755.

(a) Au mois d'octobre 1755, une frégate française rencontra et prit la frégate anglaise le Blandford. Louis XV ordonna qu'elle fût reconduite dans un port de l'Angleterre. Peu de jours après, un vaisseau français armé seulement de vingt-quatre canons eut à se défendre contre un vaisseau anglais de soixante-quatorze. Le vicomte de Bouville, qui le commandait, soutint le combat pendant cinq heures avec une valeur inexprimable. Enfin, forcé de se rendre, il refusa les passe-ports qui lui étaient offerts comme prisonnier de guerre, et ne cessa de soutenir aux Anglais qu'ils étaient des pirates.

On eût dit que la nature voulait effrayer, par des signes terribles, les nations qui couraient aux armes et qui allaient s'égorger sans passion, sans but et sans gloire. La fin de l'année 1755 fut remarquable par une suite de phénomènes désastreux. La terre paraissait ébranlée dans ses fondemens. Les côtes maritimes de l'Espagne et celles de l'Afrique, éprouvaient des secousses presque continuelles. La mer sortait de son lit près de Cadix (a) et menaçait la Hollande. Les villes de Maroc, de Fez et de Méquinez furent détruites en partie, ainsi que la petite ville de Sétuval en Espagne. Mais le plus affreux désastre fut celui de Lisbonne. Vingt mille habitans y périrent sous les ruines de leur ville ici les palais étaient embrasés, et là ils étaient détruits par les eaux. Des brigands se livraient au meurtre et à la rapine au milieu des décombres. Le roi lui-même errait dans la campagne au milieu de sa famille et de ses sujets désolés.

(a) L'inondation qui eut lieu à Cadix et dans les campagnes environnantes, coûta la vie au fils unique de Louis Racine, jeune homme qui promettait de soutenir par ses vertus et par ses talens l'honneur d'un si beau nom.

liance avec l'Autriche.

Ce fléau ne semblait pouvoir s'arrêter. Une nouvelle secousse eut lieu à Lisbonne şix semaines après ce grand désastre. La France éprouva aussi quelques tremblemens de terre. On crut en ressentir un à Paris. Mais nulle part ces terribles phénomènes ne firent comprendre aux nations combien il est insensé d'ajouter par leurs discordes aux fléaux de la nature.

par

Des leçons cruelles et répétées avaient Traité d'al- en vain appris à la France le danger de s'engager dans une guerre continentale, lorsqu'elle avait à lutter contre les forces maritimes de l'Angleterre. On commit cette grande faute sans nécessité, sans prétexte ; et, ce qui est le comble du vertige, sans y être même sollicité l'ambition. Nul ennemi ne s'offrait sur le continent; il fallut s'en faire un, et l'on choisit, pour objet d'une ligue insensée, un roi qui, à moins d'être insensé lui-même, ne pouvait jamais menacer la France; un roi ennemi de l'Autriche et fait pour contenir cette puissance ambitieuse; enfin, un grand homme, Frédéric II. Ce monarque avait plus d'une fois humilié Louis XV par des avis fermes et sévères, lorsqu'il était son allié, et l'avait irrité

par deux défections. Depuis la paix, il s'était permis quelques épigrammes sur la mollesse, l'irrésolution et les honteux plaisirs de la cour de Versailles. Comme elles ne réveillaient point Louis XV de ses langueurs, elles lui inspiraient autant de ressentiment qu'une ame faible en peut nourrir. La marquise de Pompadour n'était pas épargnée dans les caustiques entretiens de Postdam et de SansSouci. La cour d'Autriche épiait tout pour fomenter la haine contre le conquérant de la Silésie.

Lorsque, peu d'années après la paix d'Aixla-Chapelle, Marie-Thérèse entreprit de former les liens les plus étroits avec une puissance qui venait d'essayer tout pour sa ruine, elle mit en avant des offres si brillantes qu'on ne put s'empêcher d'y soupçonner de la perfidie. Pourvu qu'on l'aidât à reprendre la Silésie sur le roi de Prusse, elle consentait à céder les Pays-Bas à la France. La marquise de Pompadour ne pouvait trouver autour d'elle un courtisan assez bas pour ne pas l'avertir qu'on lui tendait un piége. L'impératrice ne tarda point à s'apercevoir que la défiance naissait de l'excès de ses promesses. Elle n'en fit plus que de très-faibles, on y crut davantage. Elle finit par ne s'en

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gager à rien, elle obtint tout. On s'habitua à envisager un changement politique comme une nouveauté brillante. Il était temps, disaiton, de contenir l'ambition et les intrigues des puissances du second ordre par l'union des puissances principales. Tantôt un duc de Savoie (a), tantôt un électeur de Brandebourg ou de Hanovre avaient réussi à susciter

(a) Le roi de Sardaigne cut le bonheur de ne jouer aucun rôle dans la guerre de sept ans. Cependant les premières négociations de l'Autriche et de la France, avaient paru menacer ses États; et si le roi de Prusse eût succombé, la guerre eût été bientôt portée dans le Piémont par les deux grandes puissances. Peu s'en fallut qu'elle ne fût allumée dans ce pays dès l'année 1755, à l'occasion du fameux chef de contrebandiers Mandrin. Cet homme, après avoir commis dans sa patrie un grand nombre de violences et de meurtres, s'était retiré dans un vieux. château dépendant du roi de Sardaigné, d'où il continuait à exercer ses brigandages. Les soldats français et les commis des douanes qui avaient à venger sur lui le sang de plusieurs de leurs compagnons, pénétrèrent sur le territoire de S. M. Sarde, attaquèrent Mandrin et le firent prisonnier. Le roi de Sardaigne se plaignit vivement de cette violation de son territoire. Le comte de Noailles fut envoyé à la cour de Turin pour faire une satisfaction qui fut acceptée. Mandrin fut condamné à la roue, et fut exécuté à Valence.

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