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haine profonde contre les Français, ne la désirait pas moins; mais comme il craignait de paraître ingrat envers le duc de Newcastle, il n'éclatait pas encore; seulement ses discours éloquens tendaient à exalter l'orgueil de la nation anglaise, à lui donner un patriotisme farouche, à colorer son avarice de l'exaltation d'un peuple libre; enfin à forcer les deux hémisphères de reconnaître le code arrogant, exclusif d'une île commerçante. Ce fut un grand malheur pour l'Europe, que l'Angleterre reçût une telle impulsion du plus grand homme d'État qu'il y eût à cette époque (si le roi de Prusse en est excepté). Les peuples s'avançaient trop dans la civilisation pour ne pas tendre à s'unir. La guerre offrait très-rarement des dépouilles et des conquêtes qui fissent une compensation avec ses dépenses. Dans aucun temps la paix n'avait procuré plus d'avantages. Enfin, l'esprit philosophique tendait à éclairer les rois sur les prestiges d'une fausse gloire. Les vœux de la sagesse n'étaient plus chimériques, parce qu'ils se trouvaient heureusement combinés avec la mollesse qui s'introduisait dans les mœurs, avec le goût des plaisirs frivoles et des jouissances variées, avec les suggestions de l'intérêt particulier qui

raisonnait avec justesse, et les inspirations de la bienveillance sociale. L'Angleterre voulut ramener des jours de destruction et de rapine. Le génie de William Pitt lui assura le salaire de beaucoup d'injustices et de perfidies.

Indes; succès de Du

Dans la crainte d'offenser l'Angleterre, Affaires des le gouvernement français avait laissé échapper la plus belle occasion d'établir sa domination dans les Indes Orientales. Dupleix, persécuteur et calomniateur de La Bourdonnaie, après avoir compromis par ses intrigues le salut de la petite armée qui avait pris Madras et fait trembler les Anglais sur toute la côte de Coromandel, avait été réduit à se défendre dans Pondichéri avec les faibles débris de cette armée. Mais 1748. dans ce siége qu'il parvint à faire lever aux 17 octobre. Anglais, il avait développé de telles ressources, que les rivaux de la France n'osaient plus le troubler, et que les gouverneurs indiens recherchaient son alliance. L'anarchie désolait ces contrées depuis que Thamas - Koulikan avait ébranlé et encore plus humilié le trône du Mogol. Un tyran imbécille vendait ses royaumes à des généraux qui disposaient à leur tour de ce qu'ils avaient acheté. De-là, une monstrueuse

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hiérarchie de soubabs qui possédaient des royaumes, de nababs qui possédaient des provinces, de rajahs qui possédaient des districts: ardens à s'entre-détruire, ils avaient besoin d'appuyer leurs crimes par le courage et l'avidité des soldats européens. Dans le voisinage de Pondichéri était la nababie d'Arcate un féroce aventurier, né dans l'Arabie, voulait l'usurper, et, d'assassinats en assassinats, il était près d'obtenir ce gouvernement. Quelques revers qu'il essuya le portèrent à recourir à Dupleix, directeur de la compagnie française. Celui-ci qui méditait de grands projets, s'était bien gardé de licencier son armée après la paix d'Aix-la-Chapelle. Il avait dans Bussy un officier très-distingué. Son artillerie était bien servie, et des milices indiennes qu'il soldait achevaient de le rendre formidable à ses voisins. Il se joignit à l'Arabe Chandasaëb, entra 'victorieux dans la province d'Arcate, la soumit à un nouveau vice-roi qui ne mit point de bornes à sa reconnaissance. Le territoire de Pondichéri fut accru d'un grand nombre de villages. L'île de Shéringam, formée par deux branches du Cavéri, fut cédée aux Francais. Ils eurent une grande part dans la dépouille des vaincus. Peu de temps après,

Dupleix se vit implorer par un Indien, nommé Mouza Fersing, qui disputait la soubabie de Décan à son oncle Nazerfing, que protégeaient les Anglais. Mouza Fersing éclata lorsque Dupleix n'avait pu lui envoyer encore que de faibles secours. Il fut vaincu, chargé de fers. Le vainqueur épargna les jours de son neveu, et bientôt après expia sa clémence. Dupleix réussit par ses intrigues à corrompre les soldats de l'armée de Nazerfing. Ceux-ci assas- 1750. sinèrent leur chef pendant qu'il livrait un com- Décembre. bat aux Français, brisèrent les chaînes de Mouza Fersing et le proclamèrent soubab. Le butin qu'on acquit avec si peu de gloire fut immense. Dupleix enrichissait à la fois son armée et sa compagnie. Le bruit de son nom parvint à Delhi. Le Mogol espéra se servir des Français, d'un côté pour soumettre une multitude de gouverneurs indépendans, et de l'autre pour arracher aux Anglais les postes importans qu'ils possédaient dans la presqu'île et dans le Bengale. On permit à Dupleix d'acheter à la chancellerie du Grand-Mogol même, la nababie ou viceroyauté de Carnate. Il faisait déjà des spéculations hardies sur la faiblesse et la stupidité d'un souverain qui lui vendait pour deux cent cinquante mille livres un puissant moyen

Dupleix.

de le détrôner. Il avait fait part à la cour de France d'un plan d'opérations militaires et d'intrigues qui devaient lui ouvrir, avant une année, le chemin de Delhi. Il demandait quelques renforts de vaisseaux et de soldats pour l'aider dans l'exécution de ses projets. La cour de Versailles, qui, charmée des premiers succès de Dupleix, l'avait créé marquis et décoré du cordon rouge, s'épouvanta de ses nouveaux projets, le laissa incertain, ne lui envoya aucun secours, et lui prescrivit même de renoncer au titre de vice-roi de Carnate,

Revers de La cour de Londres se conduisait suivant d'autres maximes : elle envoya de puissans secours à l'adversaire de Dupleix, Saunders, qui dirigeait la compagnie anglaise. La fortune changea; les Anglais ramenèrent en triomphe les rajabs qui s'étaient réfugiés dans leur camp. Dupleix marcha contre eux, ignorant ou affectant de mépriser les renforts qu'ils venaient de recevoir. Il fit imprudemment le siége de Maduré, dans le voisinage d'Arcate. Les Anglais, sous la conduite du lord Clive, dissimulèrent avec soin leurs forces et leurs ressources. Leur supériorité était telle qu'ils parvinrent à enfermer les Français dans les circonvallations que ceux-ci avaient tracées,

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