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Depuis le traité d'Aix-la-Chapelle, l'agri- agriculture. culture commença en France à lutter un peu contre l'oppression d'un mauvais régime fiscal; mais les faibles améliorations qu'elle reçut à cette époque n'étaient en rien comparables à celles de l'Angleterre, qui déjà était parvenue au point de pouvoir encourager, par une prime, l'exportation de ses grains. La Flandre et l'Alsace, ces deux belles conquêtes de Louis XIV, étaient seules en possession de ces procédés actifs et industrieux qui multiplient les productions de la terre sans l'épuiser. Les améliorations étaient peu praticables dans les provinces qui avaient le malheur d'être comprises dans le bail des cinq grosses fermes; c'est là que l'agriculture était découragée par mille genres de vexations et par des préjugés qu'entretient la misère. Il régnait plus d'activité dans les pays d'Etats. Ceux de Languedoc avaient une administration habile; ceux de Bourgogne, soumis de plus près à l'influence de la cour, étaient moins libres dans le bien qu'ils pouvaient opérer. La féodalité gâtait en Bretagne les fruits de l'espèce de liberté que cette province devait à ses priviléges et au caractère opiniâtre de ses habitans.

Malgré de telles entraves, grâce à la paix, l'abondance régnait dans tous les marchés. Le gouvernement en profita pour rendre, au mois de septembre 1754, un arrêt du conseil qui autorisait la libre circulation des grains de province à province, et accordait aux provinces de Languedoc et de Gascogne la permission indéfinie d'en trafiquer avec l'étranger. La guerre, qui ne tarda pas à se déclarer, ôta presque tout effet à cette grande expérience sollicitée par la plupart des philosophes, et surtout par ceux qu'on appelait économistes. Dix ans après, l'agriculture reçut enfin un mouvement plus heureux et plus déterminé. La France était puissamment aidée dans tous ses moyens de prospérité par ses colonies. Nous allons voir bientôt ce qu'osait entreprendre et ce que promettait la compagnie Colonies. des Indes orientales. Les îles de France et de Bourbon, créées en quelque sorte par le génie et l'activité du malheureux La Bourdonnaie, accroissaient leur culture malgré la disgrâce de leur fondateur. Les colonies de l'Amérique réalisaient de grandes espé

rances.

La Louisiane seule ne faisait que de faibles

de celle

mingue.

progrès malgré la fertilité de son sol. Le triste sort de l'expédition insensée et coupable qu'avait ordonnée Laws, avait jeté à la nouvelle Orléans un découragement sans remède. Le Canada, quoiqu'il coûtât encore quelques sommes à l'Etat, se formait des moyens de subsister par lui-même, et fournissait des branches précieuses au commerce de la France. Ni les peuples an- Prospérité ciens, ni les modernes n'avaient vu s'éle-Saint-Dover une colonie aussi promptement florissante que celle de Saint-Domingue. Le sucre, le café, le coton, l'indigo et le cacao qu'on y cultivait produisaient un revenu beaucoup plus sûr et plus susceptible d'accroissement que les mines du Mexique et du Pérou. Les villes du Cap-Français, du Port-auPrince, de Léogane et de Saint-Marc, rivalisaient avec l'éclat des villes européennes. Les fortunes rapides qui s'y faisaient venaient alimenter le luxe de la Métropole. Les retours de Saint-Domingue étaient plus que quadruplés depuis l'année 1720. Il en était de même de la Martinique. La Guadeloupe, Sainte-Lucie et Tabago faisaient des progrès moins rapides, mais c'étaient pourtant d'utiles possessions. Rien n'avait plus favorisé les moyens de culture de ces di

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veulent la

guerre.

verses colonies, que les établissemens français sur les côtes d'Afrique ; celui du Sénégal était florissant. Les négocians de Nantes, de Rennes, de Bordeaux et de Saint-Malo portaient en Amérique des capitaux qui, au bout de quelques années, avaient souvent décuplé. Nos ports, sur la Méditerranée, s'enrichissaient par le commerce du Levant; la jalousie des Anglais veillait en vain à nous enlever ces fruits précieux de notre vieille alliance avec la Porte.

Les Anglais L'Angleterre qui, dans le calme des nations européennes, perfectionnait plus qu'aucune d'elles son agriculture, son industrie et tous ses moyens de puissance, était poussée à la guerre par un excès d'orgueil et de cupidité. On eût dit qu'elle avait fait grâce à la France en lui imposant une paix où elle n'avait laissé subsister aucune trace des journées de Fontenoi et de Lawfelt. Les milliers de bâtimens français qui sillonnaient les mers avec de riches cargaisons lui semblaient une proie offerte à ses vaisseaux de ligne, à ses frégates. Quand seraient-ils amenés dans ses ports? Cependant le duc de Newcastle, qui avait dirigé la dernière guerre avec gloire et qui jouissait de l'autorité d'un ministre principal, sentait le prix d'une paix qui lui

permettait de diminuer progressivement la dette immense de l'État. Son grand pouvoir lui avait fait des ennemis qui s'attachaient à déconcerter ses plans. Le plus puissant et le plus adroit de tous était le duc de Cumberland. Ce prince travaillait à se rendre nécessaire. L'âge avancé de son père lui faisait craindre la fin de son crédit. L'héritier du trône était le fils du prince de Galles, mort en 1751. Le duc de Cumberland voulait que son neveu fût forcé de recourir à lui, en montant sur le trône au milieu des embarras de la guerre. Sa patrie le célébrait comme un libérateur depuis sa victoire sur le prince Édouard; mais au-dehors sa gloire était encore problématique. Pour l'établir mieux, il prenait des mesures qui allaient causer une longue effusion de sang dans les quatre parties du globe. Son ambition fut punie, comme nous le verrons bientôt ; et celui qui avait été sur le point de vaincre le maréchal de Saxe, posa les armes devant le maréchal de Richelieu. Deux illustres rivaux, Pitt et Fox, balançaient alors les suffrages du parlement britannique. Le dernier, particulièrement attaché au duc de Cumberland, appelait la guerre. Pitt, animé d'une

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