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Médiation du cardinal

rôle ambigu d'un homme attaché à la cour et à l'honneur de son corps.

Mais en même temps la cour voulait s'asde la Roche-surer des dispositions du clergé : c'aurait été tout compromettre que de s'adresser à l'inflexible archevêque de Paris; un prélat vertueux, pacifique et plein d'aménité, le cardinal de La Rochefoucault, promit d'engager les évêques à ne plus insister sur les billets de confession, mais il exigea en leur nom qu'on les délivrât de tout sujet d'inquiétude en renonçant aux projets du contrôleur-général et en le faisant passer à un Machault autre ministère. La cour y consentit. Ainsi, perfide par faiblesse, elle trahissait Machault 1754. au moment où celui-ci, fier de ramener le Juillet. parlement, se croyait puissamment soutenu

passe au mi

nistère de la

marine.

pour exécuter ses grands projets. La paix se fit ou plutôt parut se faire. Le parlement qui rentra dans Paris, se hâta d'enregistrer un édit qui prescrivait un silence absolu sur les matières de religion. Les jansénistes, les philosophes, le peuple, tout célébrait son retour. La cour elle-même, loin de se montrer humiliée du pas rétrograde qu'elle venait de faire, affectait de l'allégresse. Les jésuites et l'archevêque de Paris étaient consternés. Ce n'était pas assez pour eux de voir

leur ardent ennemi, le contrôleur-général,
passer à un ministère où il ne pouvait plus
leur nuire, celui de la marine; ils craignaient
dans un temps de crise la faiblesse des pré-
lats courtisans, et la politique indifférence
pape
Benoît XIV (a).·

du

Ce fut peut-être au caractère modéré et à l'esprit judicieux de ce pontife, que la France dut d'avoir évité à cette époque une guerre religieuse. Il s'abstint d'échauffer les esprits, et se prêta à tous les moyens qui pouvaient les calmer. Quelles que fussent ses sollicitudes pour la religion, il condamnait des mesures

(a) Benoît XIV naquit à Bologne en 1675; il était de l'illustre famille des Lambertini. Son caractère calme et ferme, son esprit fin l'avaient déjà distingué entre tous les cardinaux lorsqu'il fut nommé pape le 17 août 1740. Aucun souverain n'ayait une conversation plus vive ni plus enjouée. Avant son élévation, sa gaieté avait été poussée quelquefois jusqu'à la bouffonnerie. Il la modéra et la rendit plus digne du chef de l'église. Quoiqu'il s'occupât avec beaucoup d'activité et d'intelligence de l'administration il consacrait beaucoup de temps à écrire. On a de lui six volumes in-folio sur des matières ecclésiastiques. Benoît XIV est bien plus connu par une foule de réparties ingénieuses. Ce spirituel et aimable pontife mourut le 3 mai 1758, à quatre-vingt- trois ans, et eut pour successeur Clément XIII.

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Sagesse du pape Be

not XIV troubles.

pendant ces

violentes, que l'esprit du siècle repoussait. Loin de vouloir que Rome se montrât de plus en plus formidable aux hérétiques, il cherchait à leur inspirer de l'estime et à guérir leurs plus sombres préventions. Il s'applaudissait de voir tomber dans plusieurs pays le fanatisme qui avait animé les ennemis du saint-siége, et se gardait bien de réveiller leur haine et leurs alarmes. Les Anglais qui visitaient Rome recevaient de lui l'accueil le plus flatteur, et déclaraient n'avoir rien vu de plus aimable que le pape. Le roi de Prusse l'honorait et était charmé d'entretenir avec lui une correspondance à l'occasion des catholiques de la Silésie. Benoît XIV avait fait bénir sa médiation aux Suisses. Les protestans du midi de la France avaient souvent trouvé en lui un intercesseur lorsqu'on voulait recommencer des persécutions contre eux. D'après ses instructions, des évêques molinistes, tels que celui de Montpellier, les avaient protégés. Le tolérant Lambertini eût fléchi les plus durs jansénistes s'il eût fait un voyage à Paris. Ce qui se passait en France l'étonnait et lui paraissait le comble du délire. Il ne concevait point la faiblesse d'un roi qui ne savait pas être maître chez lui. Il admirait la solidité d'un gou

vernement qui résistait à de pareilles secousses. La bonne machine, disait - il, qui va toute seule !

que de Paris

les refus de sacremens.

Les jésuites s'étaient tellement animés dans L'archevêle combat, qu'ils ne pouvaient plus se con- recommence former aux vœux de ce pontife pontife pacifique. Quel que fût l'événement de cette lutte, ils croyaient n'en avoir rien à craindre pour eux-mêmes. Ils ne paraissaient pas en première ligne. Des évêques et des curés tenaient à honneur de porter les premiers coups et de se dévouer à tous les périls. Peu de jours après la déclaration du 2 septembre 1754, les refus de sacremens recommencèrent dans Paris. Le parlement informa, décréta; les officiers de justice faisaient partout la guerre aux officiers subalternes du clergé. La cour Il est exilé s'irrita de la conduite de l'archevêque, qui rompait le silence prescrit sur les matières 1754. de religion, et lui ordonna enfin d'adminis- Décembre. trer les sacremens. L'ardent prélat saisit une occasion de se faire persécuter. Il déclara que son devoir était d'obéir à Dieu avant d'obéir aux hommes. Chacun alors trouvait un devoir qui ne lui permettait pas l'obéissance au roi. L'archevêque de Paris fut exilé à son tour; mais de Conflans, de Champeaux, de Lagny, où on l'envoya successive

ainsi que deux autres prélats.

ment, il était à portée d'exciter de nouveaux troubles. Son rôle lai paraissait plus glorieux depuis qu'il se présentait comme un martyr de la foi. Il ne cessait de fulminer des excommunications tandis qu'on arrêtait ses prêtres et que le parlement condamnait à un bannissement perpétuel le séditieux curé de SaintEtienne-du-Mont. Deux autres prélats molinistes partagèrent ses fureurs et sa disgrâce; l'un était l'archevêque d'Aix, et l'autre l'évêque de Troyes. Le premier se tut dans son exil, le second fit tant de bruit qu'on fut forcé de l'enfermer chez des moines en Alsace. Enfin, un parti plus sage prévalut dans le clergé. L'évêque de Mirepoix mourut, la feuille des bénéfices fut confiée au cardinal de La Rochefoucault, dont le bon sens et la piété paisible condamnaient les emportemens de ses confrères. Un esprit de calme se répandit parmi les ecclésiastiques, depuis que l'épiscopat et les abbayes ne furent plus le prix d'un zèle turbulent (a). Bientôt l'archevêque de Paris se vit à peu près abandonné. Mais un nouveau sujet de discorde, qui s'éleva entre la cour et le parlement, fit changer

(a) Les évêques qui montraient de la modération étaient appelés feuillans, parce qu'ils suivaient disait-on, la feuille des bénéfices.

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