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de se faire refuser les sacremens, feignaient quelquefois d'être malades. Il n'y avait point de personnage médiocre qui ne pût avoir de la célébrité pendant quelques jours. Un fanatique idiot était souvent l'objet de tous les entretiens. Les hommes les plus religieux s'accusaient réciproquement d'être athées (a). A Paris et dans plusieurs villes de province, la sainte table était chaque jour profanée (6), soit par des communions qu'on venait extorquer en bravant l'archevêque, soit par des refus de communion exprimés avec une colère indigne d'un ministère de paix. Le tumulte, les invectives, les anathêmes accablaient les mourans. A Orléans, à Auxerre, à Langres, on laissait pendant plusieurs jours les morts sans sépulture. Les hôpitaux ser

(a) Un curé des envifons de Paris, prêchant dans une église où étaient plusieurs conseillers au parlement, les apostropha et les traita d'athées. Le parlement le condamna à un bannissement perpétuel,

(b) Un curé du diocèse de Langres, en communiant publiquement deux filles accusées de jansénisme, leur avait dit: Je vous donne la communion comme Jésus l'a donnée à Judas. Ce curé fut condamné à l'amende honorable, et à payer aux deux filles trois mille francs, moyennant lesquels elles furent mariées.

(Histoire du Parlement de Paris.)

vaient aussi de théâtre à ces discordes. Des filles pieuses en étaient arrachées. La charité s'absentait du lit des malades. Les parlemens', occupés de résister à des évêques et de sévir contre des curés, oubliaient les plaideurs. Malgré de si graves inconvéniens, on trouvait une source d'amusement dans ces fureurs de parti. On se disputait à qui aurait le plus de zèle, à qui ferait les satires les plus piquantes. Les jésuites jouaient leurs adversaires dans des comédies moins plaisantes que profanes (a), qu'ils faisaient répéter à leurs élèves. Les jansénistes excellaient dans les caricatures. Les philosophes moins surveillés se livraient aux discussions les plus hardies. Les libertins chantaient. Le peuple répétait des couplets où l'Eucharistie était attaquée bien autrement que par les controverses de Luther et de Calvin (4), et

(a) Il existe un recueil de comédies faites sur les affaires du jansénisme. On en remarque deux qui sont écrites avec assez d'agrément. L'une qui a pour titre la Femme docteur, est attribuée au P. Bougeant; l'autre qui s'appelle la Banqueroute des Marchands de Miracles, est l'ouvrage du P. Danton. Toutes les expressions de la théologie y sont employées fort indiscrètement.

(b) On connaît et nous ne croyons pas devoir

t

Irrésolution du roi et de

se battait pour communier. C'était un mélange inoui d'incrédulité et de fanatisme, de fureur et de gaieté.

La marquise de Pompadour se conduisait, la marquise, pendant 'ce trouble, comme Catherine de Médicis s'était d'abord conduite pendant des troubles plus sérieux. Charmée de se voir implorer par les deux partis, elle les flattait alternativement. Le contrôleur - général lui rappelait en vain les plans qu'elle avait pro mis d'appuyer, et qui, donnant au roi de grandes ressources de finances, affermiraient son autorité menacée. Laissons, lui disait-il, laissons le parlement poursuivre un clergé séditieux, contre lequel le public se déclare. Si ce corps tombe aux pieds du roi, le parlement n'est bientôt plus à craindre, Voici le moment de profiter de l'esprit de vengeance qui anime toutes les cours souveraines, pour assujettir le clergé aux impositions qu'il refuse, et pour abolir enfin des monastères où se fomentent toutes les cabales, et dont les biens soulageront les finances. Veut-on ôter aux parlemens un pouvoir dan

transcrire ici une chanson, sur l'air d'un noël, qui commence ainsi :

,,་

Laissez paître vos bêtes,
Croyez mai, monsieur de Beaumont.

gereux? il faut que le roi se hâte de faire avant eux tout ce qui leur attire aujourd'hui faveur et respect dans la nation; que le conseil maintienne la liberté des sacremens, et rassure enfin tout le public contre la tyrannie des billets de confession. Le parlement ne sortira plus de ses fonctions judiciaires que pour enregistrer avec joie les édits qui abaisseront le clergé. Les prélats courtisans se détacheront de l'archevêque de Paris, parleront un langage plus évangélique, et la religion moins crainte sera plus respectée.

Le comte d'Argenson, qui avait succédé à toute la haine de son père contre les parlemens, détruisait auprès de la marquise, et surtout auprès du roi, l'effet des conseils du ministre son rival. On ne répare point, disait-il, les brèches faites à l'autorité du roi. Si le parlement est encouragé dans des actes multipliés de désobéissance, quels moyens se réserve-t-on de contenir son ambition toujours croissante? En cherchant son appui, on se met sous sa tutelle. Le clergé se rend ridicule, le parlement se rend dangereux. Lequel de ces deux corps convient-il d'abaisser? Il suffit d'opposer à l'un des chansons, il faut opposer à l'autre toute l'énergie de l'autorité qu'il méconnaît.

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Le parle

ment saisit

de l'arche

Les avis du contrôleur -général plaisaient plus à la marquise, ceux du comte d'Argenson plaisaient plus au roi. Ces deux ministres se faisaient la guerre, suivant l'expression du temps, à coups de parlement et de clergé. De cette lutte il résultait une anarchie presque aussi confuse que celle de la république de Pologne.

La cour paraissait décidée à saisir le preles revenus mier prétexte pour sévir contre le parlement vêque de de Paris, lorsque ce corps, fatigué de lancer 1752. d'inutiles arrêts contre des curés, résolut

Paris.

d'attaquer enfin leur opiniâtre instigateur, l'archevêque de Paris, et prononça la saisie de son revenu. Une religieuse du couvent de sainte Agathe, nommée sœur Perpétue, avait voulu jouer un rôle. Janséniste, ainsi que sa communauté, elle feignit une maladie grave et appela le curé de Saint-Médard; celui-ci lui refusa le viatique. L'archevêque approuva la conduite du curé. Le parlement les condamna l'un et l'autre. Le comte d'Argenson fit enlever la religieuse. Le peuple cria au sacrilége. Le parlement s'assembla, les pairs furent convoqués. Le roi défendit à ceux-ci de se rendre au parlement. Ils se soumirent; mais quelques-uns, tels que le prince de Conti, murmuraient hautement. Les enquê

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