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sait de jeunes filles vendues par leurs parens, ou qui leur étaient arrachées. Elles en sortaient comblées de dons, mais presque sûres de ne revoir jamais le roi qui les avait avilies, même lorsqu'elles portaient un gage de ces indignes amours. La corruption entrait dans les plus paisibles ménages, dans les familles les plus obscures. Elle était savamment et long-temps combinée par ceux qui servaient les débauches de Louis. Des années étaient employées à séduire des filles qui n'étaient point encore nubiles (a), à combattre

(a) La tradition et le témoignage de plusieurs personnes attachées à la cour ne confirment que trop les récits consignés dans une foule de libelles relativement au Parc - aux - Cerfs. Il paraît que ce fut dans l'année 1753 que commença cet infâme établissement. On prétend que le roi y faisait élever des jeunes filles âgées de neuf ou dix ans. Le nombre de celles qui y furent conduites fut immense. Elles étaient dotées, mariées à des hommes vils on crédules. Celles qui avaient eu des enfans du roi, conservaient un traitement fort considérable. Mademoiselle de Romans fut la seule qui obtint que son fils fût déclaré l'enfant du roi. Madame de Pompadour réussit à écarter une rivale qui paraissait avoir fait une impression assez profonde sur le cœur du roi. On lui enleva son fils qui fut élevé chez des paysans. Mademoiselle de Romans n'osa réclamer contre cette violence qu'après la mort du roi.

dans de jeunes femmes des principes de pu deur et de fidélité. Il y en eut quelques-unes qui eurent le malheur d'éprouver une vive tendresse, un attachement sincère pour le roi. Il en paraissait touché pendant quelques momens; mais bientôt il n'y voyait que des artifices pour le dominer, et il s'en rendait le délateur auprès de la marquise qui faisait rentrer ces rivales dans leur obscurité.

L'insensibilité morale s'accroissait chez le monarque lascif, à mesure qu'il assouvissait et réveillait encore la fougue de ses sens. Il n'entendait point les cris des familles qu'il livrait aux discordes et au déshonneur. Roi chrétien, il ne rougissait pas d'un harem d'où la pudeur était absente aussi bien que la jalousie. Amant dégradé, il livrait à la prostitution publique celles de ses sujettes qu'il avait prématurément corrompues. Il souffrait que des enfans nés de ces infàmes plai

Louis XVI lui rendit son fils qu'il protégea, et qui fut connu sous le nom d'abbé de Bourbon.

Les dépenses du Parc-aux-Cerfs se payaient avec des acquits du comptant. Il est difficile de les évaluer; mais il ne peut y avoir aucune exagération à affirmer qu'elles coûtèrent plus de cent millions à l'État. Dans quelques libelles on les porte jusqu'à

un milliard.

sirs partageassent la destinée obscure et dangereuse de ceux qu'un père n'avoue point, et qui ont tout à craindre des leçons et de l'exemple de leur mère. Un fils, une fille de roi pouvaient être livrés aux châtimens ignominieux de la police ou des tribunaux.

Même avant que ces désordres eussent été inventés ou connus, les Français montraient déjà par différens signes qu'ils méprisaient leur roi. Ce sentiment se manifesta surtout après l'enlèvement du prince Edouard.

L'Angleterre, peu de temps après le traité d'Aix-la-Chapelle, avait exigé que le prétendant fût renvoyé de France. La politique offrait plusieurs moyens de satisfaire, sans bruit et sans ignominie, à ce vœu d'une puissance qui pouvait craindre le retour d'une guerre civile. On compromit l'honneur français par une basse et maladroite précipitation. Le prince Edouard fut mandé devant le marquis de Puysieux, et reçut de lui l'ordre brusque de quitter la France sans délai. Nous avons vu que le prétendant s'était aliéné les cœurs en montrant, après ses revers et pendant le supplice de ses partisans, une légèreté, une insensibilité qui eût été intolérable, même au sein du bonheur. La manière dont il ressentit le procédé d'un roi

Le prince étéo

Édouard est arrêté à l'Opéra.

1748.

Novembre.

qui, trois ans auparavant, l'avait appelé son frère, lui rendit l'affection des Parisiens. Il refusa d'obéir, en déclarant qu'il ne céderait pas même à la force, et qu'on avait contre lui d'autre ressource à employer que celle de l'assassinat. Le marquis de Puysieux fut interdit, et la cour hésita; mais l'Angleterre se montra inquiète et offensée de tout retard. Louis et la favorite ne voyaient que le danger d'irriter cette puissance altière. On résolut de faire arrêter le prétendant, et l'on prit des mesures comme si on avait voulu violer l'hospitalité avec le plus grand éclat. Il s'agissait de surprendre le prince qui ne marchait jamais sans armes. On choisit la salle de l'opéra pour exécuter cet enlèvement, dont le roi combina les dispositions avec le marquis de Vaudreuil, major des gardes françaises. Le spectacle était commencé ; le prétendant y arriva. A peine était-il descendu de voiture, que les gardes fermèrent toutes les issues de la salle. Comme il entrait dans les couloirs, quatre grenadiers le saisissent par derrière afin de lui ôter l'usage des armes qu'il portait. Le marquis de Vaudreuil vient à lui. « Prince, lui dit-il, » je vous arrête au nom du roi et en vertu » de ses ordres. » Edouard ne montra qu'une

indignation muette, et suivit les gardes. Le bruit de cet événement interrompit le spectacle. On se demandait depuis quand l'Angleterre donnait des ordres dans Paris? Si Louis XIV eût permis que la France, asile des rois malheureux, eût été souillée par cette lâcheté perfide? Quel crime avait com. mis le vainqueur de Preston-Pans, le héros qui avait fait trembler l'Angleterre?

L'escorte du prince le conduisit par des rues très-fréquentées, jusqu'à l'endroit où une voiture à six chevaux l'attendait pour le mener à Vincennes. Là, on lui fit des excuses du moyen violent qui avait été employé. Au bout de trois jours, il consentit à donner sa parole d'honneur qu'il quitterait la France et passerait les Alpes. Il partit avec un seul exempt, et arriva à Chambéry. Mais bientôt, comme pour braver le gouvernement dont il avait à se plaindre, il traversa le Dauphiné et vint se réfugier à Avignon, où le légat du pape lui rendit les plus grands honneurs.

Le traité d'Aix-la-Chapelle fut jugé par les Français d'après cet acte servile. On ne pouvait concevoir que les victoires de Fontenoi, de Lawfeld, de Raucoux et de Coni, eussent amené un résultat aussi honteux. Comme l'affection était perdue, on com

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Satires, Libelles.

Lettres de cachet.

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