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celle-ci lui proposa d'unir au duc de Fronsac une fille qu'elle avait eue de Le Normand d'Etioles. Il reçut avec un dépit intérieur, mais avec une joie affectée, la proposition d'une alliance qui eût fait retomber sa famille, dont l'illustration n'était pas ancienne. Il espérace l'éluder en disant qu'il se croyait obligé de demander pour ce mariage le consentement de la maison de Lorraine à laquelle il avait l'honneur d'être allié par sa seconde femme, mademoiselle de Guise. Madame de Pompadour ne parut point offensée de cette réponse. Le maréchal de Richelieu lui ménageait, sans qu'il s'en doutât, un nouveau triomphe. La branche aînée de cette maison de Lorraine, établie sur le trône impérial, se fût bien gardée de s'aliéner par un refus une femme qui lui promettait la restitution de la Silésie. Madame de Pompadour attendait une réponse de l'impératrice son amie, lorsque la mort de la jeune fille, objet de cette intrigue, vint mêler une profonde amertume, un chagrin sans remède, à tout ce qui composait sa fausse félicité. A l'exception de Louis XIV, il n'est peutLouis XV. être aucun des rois nés sur le trône qui n'ait porté un regard d'envie sur les jouissances

Ocempations futiles de

de la vie privée. Louis XV aimait à s'isoler, non qu'il fût en rien porté à la méditation et au recueillement, mais par le penchant d'un caractère égoïste et par un besoin insatiable de volupté. Quelque avantage qu'il eût à se produire, lui que la nature avait doué de tous les dons extérieurs qui commandent le respect et l'amour, il craignait les regards du peuple, s'ennuyait de la contrainte des cérémonies, des discussions du conseil, et soupirait après ses petits appartemens. Lorsqu'il donnait son avis sur les affaires les plus importantes, il le proposait comme un particulier timide, judicieux, mais indifférent. Il semblait toujours dire : si j'étais roi. Il cédait à un avis contraire sans conviction et par fatigue, et n'était pas fâché quelquefois que l'événement vînt justifier sa prévoyance. Ce monarque cherchait à se faire un trésor particulier comme un esclave se forme un pécule (a). Son oisiveté le conduisait quelquefois à s'essayer dans les arts mécaniques. Madame de Pompadour avait entrepris de

(a) Ce fut peu de temps après la paix d'Aix-laChapelle, que Louis XV commença à se faire un trésor particulier. Il jouait très-gros jeu, et tout ce qu'il perdait il le remplaçait en puisant dans le trésor royal.

lui faire comprendre et adopter les principes d'une nouvelle théorie d'économie politique, que son ami le médecin Quesnay venait de créer, et qui devinrent bientôt l'une des productions les plus importantes du dix-huitième siècle (a). Louis avait alors la fantaisie de s'exercer au métier d'imprimeur. Un manuscrit de Quesnay fut confié à la petite presse dirigée par le roi, mais n'excita que faiblement l'attention de l'auguste ouvrier.

Si Louis eût été capable de quelque volonté, de quelque effort moral, ses principes l'auraient rendu dévot. Il regardait la

(a) Quesnay était premier médecin prdinaire du roi. Il s'était distingué par plusieurs ouvrages sur la médecine et sur l'agriculture. Il avait donné à la marquise de Pompadour plusieurs preuves d'un attachement sincère. Comme il suivait partout cette dame et occupait un appartement dans son hôtel, elle venait souvent écouter les leçons d'économie politique qu'il donnait à de jeunes disciples. La plus grande liberté régnait dans ces entretiens. Madame de Pompadour paraissait s'applaudir de ce que sa présence ne gênait personne. Louis XV lui-même n'était point fâché d'entendre critiquer par le docteur Quesnay l'administration de ses ministres. Il l'aimait, l'estimait, l'appelait son penseur, et se souciait peu de réaliser ses pensées.

religion comme singulièrement indulgente pour les rois. Une foi, qu'il ne lui coûtait rien de garder, paraissait le dispenser de devoirs et de privations qui lui auraient coûté beaucoup. Il lui arrivait quelquefois de lire les admirables sermons que Massillon avait composés pour former son enfance à toutes les vertus. On dit que madame de Pompadour l'ayant surpris plongé dans un recueillement douloureux après cette lecture, lui demanda le sujet de son émotion: « Tenez, lisez, lui dit le roi. » Madame de Pompadour pleura et s'emporta comme une femme qui craint de n'être plus aimée. Le roi ne fut plus occupé que de calmer sa favorite.

Cette ame indolente n'avait qu'un seul penchant caractérisé, celui qui l'entraînait vers les femmes. Il faut considérer ici Louis XV sous deux aspects bien différens. Charmé de plaire aux femmes à d'autres titres que ceux du pouvoir suprême, il oubliait devant elles la réserve dédaigneuse qu'il faisait sentir à tous ses courtisans. Il les prévenait par un salut noble et plein de grâces ; il remplissait avec une sorte de scrupule les soins de la galanterie, même auprès de celles qui n'avaient point les avantages de la jeunesse, de la

Sa

galanterie.

Ses infâmes

désordres.

beauté, ni d'une haute naissance. Ce fut à la faveur de cet exemple du souverain que se maintinrent, à l'époque de la plus grande corruption des mœurs, des formes dues aux institutions chevaleresques. Quelquefois il faisait son amie d'une femme qui lui avait résisté. Plusieurs dames de la cour recevaient de lui des confidences importantes. Il gardait le secret sur leurs confidences réciproques, et se montrait aussi propre à donner un bon avis, qu'incapable de suivre des conseils énergiques; mais la plupart des femmes qui aspiraient à lui plaire, craignaient de lasser sa patience; et, par leur précipitation à courir au déshonneur, elles en manquaient presque toujours le salaire. Celles qui n'eurent aucune influence, échappent du moins au malheur d'être nommées et flétries dans l'histoire.

Louis, rassasié des conquêtes que lui offrait la cour, fut conduit par une imagination dépravée à former pour ses plaisirs un établissement tellement infâme, qu'après avoir peint les excès de la régence, on ne sait encore comment exprimer ce genre de désordre. Quelques maisons élégantes, bâties dans un enclos nommé le Parc-aux- Cerfs, recevaient les femmes qui attendaient les embrassemens de leur maître. On y condui

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