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hardiesse. Son ancien précepteur Boyer, évêque de Mirepoix, suggérait à un prince qui paraissait né pour de grandes choses, les petitesses d'un zèle acariâtre. La dauphine n'employait les grâces de son esprit qu'à plaire à son époux, et à calmer sa mélancolie (a). Les filles du roi, mesdames, gardaient une sorte de neutralité entre leur mère et la favorite. Le duc d'Orléans était chaque jour plus paresseux et plus dévot. Son nom servait de ralliement aux jansénistes. Le duc du Maine, le comte de Toulouse et M. le duc n'étaient plus; leurs fils n'avaient aucune influence. Le prince de Conti, le seul prince français qui eût acquis un peu de gloire, irrité d'avoir été réduit à un rôle secondaire après sa campagne d'Italie, se conduisait comme un courtisan très-indocile. Quelquefois il avait devant la marquise de Pompadour le ton qu'il eût pu se permettre devant

(a) La dauphine avait comblé les vœux de la France en donnant le jour à un duc de Bourgogne, le 13 septembre 1751. Dans les fêtes que cet événement occasionna, madame de Pompadour pro→ posa l'heureuse innovation de faire marier six cents filles, dotées par le roi. Elle en dota elle-même dans toutes ses terres, et fut imitée dans cet acte de bienfaisance, par un grand nombre de courtisans et de financiers.

L'abbé de

Bernis et le

Stainville.

madame Le Normand d'Etioles (a). Fati-
gué des froideurs de la cour,
il y parais-
sait peu et assistait aux assemblées du parle-
ment pour y animer l'opposition contre le

ministère.

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Parmi les courtisans qui attendaient leur comte de fortune de la marquise de Pompadour, on distinguait deux hommes brillans et d'un caractère entièrement opposé : l'un était l'abbé, depuis cardinal de Bernis; l'autre, le comte de Stainville, depuis duc de Choiseul. Le premier joignait à la recommandation d'une noblesse antique mais peu connue à la cour, une figure noble et gracieuse, un esprit fin, et l'art de faire tout ce qui convient à la fortune sans manquer essentiellement aux devoirs de l'honnête homme. Doué d'une imagination fleurie, il avait d'abord cultivé un genre de poésie qui convenait mieux à un homme de cour qu'à un homme d'église. Le cardinal de Fleury, quoiqu'il eût été très - galant lui-même, trouva de l'inconvenance dans les vers ét

(a) Le prince de Conti, ennuyé un jour de ce que madame de Pompadour le laissait debout devant elle, s'assit sur son lit en disant: Madame, voilà un coucher excellent. Le roi ne lui pardonna point une insulte faite à sa favorite.

dans la conduite du jeune ecclésiastique. Il lui refusa un bénéfice, et lui dit de n'en point espérer tant qu'il vivrait. La réponse de l'abbé de Bernis fut extrêmement vive.

Eh bien! monseigneur, j'attendrai, » Ce mot rendit au vieux cardinal sa gaieté, mais ne changea point sa résolution. L'abbé de Bernis continua sans scrupule à faire des vers plus brillans et plus harmonieux que ceux de l'abbé de Chaulieu, mais moins naturels et moins touchans. Il célébra madame Le Normand d'Etioles ; il lui plut, et sa fortune fut assurée. Cependant tout le crédit de sa protectrice échoua long-temps contre la fermeté du dévot évêque de Mirepoix. L'abbé de Bernis étudia les affaires. Comme on n'avait attendu de lui que de l'agrément, on s'exagéra bientôt ses connaissances et son habileté. Madame de Pompadour le fit nommer ambassadeur à Venise, et bientôt après conseiller d'Etat.

Le comte de Stainville qui n'arriva pas si tôt que l'abbé de Bernis à un grand rôle politique, était bien plus fait pour le remplir avec éclat. Sa naissance était illustre, sa valeur bien prouvée, son esprit prompt, tranchant et positif, son regard perçant, audacieux. Pour assurer ses succès dans le

La reine

de Hongrie

quise de Pompadour.

monde, il avait pris d'abord et même exagéré tous les travers à la mode. Fronder le gouvernement, railler la religion et tromper des femmes étaient alors trois grands moyens de renommée. Le comte de Stainville les employait avec une sorte de jactance qui causait du scandale. Madame de Pompadour commença par le craindre, et finit par l'ad

mirer.

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On pourrait ranger au nombre des courButte la martisans de la marquise de Pompadour, le comte de Kaunitz qui était alors ambassadeur de la cour de Vienne à celle de France. Ce seigneur, qui cachait sous l'apparence de la mollesse d'un Sibarite une grande ambition et des ressources assez étendues, suivait à Paris un plan qui devait beaucoup augmenter l'ascendant de la maison d'Autriche, et le conduire au ministère. Tout était subordonné dans la politique de MarieThérèse au désir de reconquérir la Silésie. La France pouvait seule l'aider dans une telle entreprise; mais quelle espérance de trouver dans le cabinet de Versailles des hommes assez inconsidérés pour entraîner leur patrie dans une nouvelle guerre qui n'offrait aucun avantage en perspective, et qui rompait un systême que la France avait cons

tamment suivi depuis Richelieu? Le comte de Kaunitz, pour opérer un tel renversement de politique, n'eut besoin que de tendre des piéges à la vanité d'une femme légère. Ses hommages empressés furent d'abord reçus avec un peu de défiance; mais la marquise fut transportée de joie lorsque l'ambassadeur de Vienne lui remit les lettres les plus affectueuses de cette reine de Hongrie, de cette héroïne qui, après avoir montré des qualités supérieures à celles de son sexe, paraissait en respecter scrupuleusement les devoirs et surtout les bienséances. Marie-Thérèse poussà bientôt les artifices politiques jusqu'à nommer son amie la fille de Poisson, Louis XV s'applaudit d'un pareil signe de déférence, et crut qu'on admirait le génie de la marquise de Pompadour et son propre discernement. Nous n'avons point encore à présenter les suites déplorables de ces flatteries d'une reine pieuse adressées à la maîtresse d'un roi.

sa

veut marier fille an fils du maréchal de

Le maréchal de Richelieu se maintenait La marquise dans la faveur de son maître sans briguer beaucoup celle de la marquise de Pompa- Richelieu, dour. Il se trouva dans la circonstance la plus difficile pour un courtisan, lorsque

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