Imágenes de página
PDF
ePub

cent mille écus. Elle faisait, il est vrai, un usage splendide et même bienfaisant de son opulence. Elle mariait de pauvres filles, soulageait des vieillards, réparait des villages dévastés par quelque fléau, en affectant sur ce point de suivre l'impulsion de la philosophie nouvelle. La cour bénissait la marquise, et des acquits du comptant payaient les suffrages de la cour.

J'ai déjà dit combien madame de Pompadour s'aidait du prestige des arts. Elle en jugeait mal, mais en récompensait libéralement les productions. Son frère, le marquis de Marigny, qu'elle fit nommer intendant des bâtimens du roi, donna aux arls une protection très-vigilante. C'était un homme timide, assez désintéressé, que Louis aimait et qu'il se plaisait à combler de faveurs

pour

Ce fut elle qui introduisit ce genre d'amusement à la cour. Elle aimait à représenter des paysannes naïves, et surtout le rôle de Colette dans le Devin du Village. Les seigneurs et les dames de la cour briguaient l'honneur de figurer dans ces comédies. Le roi, quoiqu'il ne parût pas goûter beaucoup ce plaisir, distribuait les rôles. La marquise de Pompadour possédait les plus beaux hôtels à Paris, Â Versailles, à Compiègne, à Fontainebleau. On peut estimer qu'elle recevait annuellement près de quinze cent mille livres.

exciter l'envie des courtisans (a). Le roi voulut en vain faire accepter des dons et des emplois au mari que madame de Pompadour avait quitté, Le Normand d'Élioles; celui-ci refusa tout, et vécut jusqu'à un âge trèsavancé, sans avoir augmenté sa fortune ni avili son caractère.

du minis

Après la paix d'Aix-la-Chapelle, le minis- Composition tere était composé d'hommes pour la plu- tère. part dévoués à la favorite. Le marquis de Puysieux, secrétaire d'État, avait secondé son empressement à signer celle paix qui allait pour toujours ensevelir Louis dans les langueurs de Versailles. Le comte de SaintFlorentin, chargé des affaires du clergé et de quelques soins intérieurs du palais, adorait le pouvoir de toutes les maîtresses du roi. Le contrôleur-général Machault devait sa place à la marquise et ne s'en montrait que trop reconnaissant, par la manière dont

(a) Le frère de madame de Pompadour avait d'abord été appelé le marquis de Vandières, nom dont il se dégoûta quand des plaisans en eurent fait le marquis d'Avant-hier. L'empressement des grands à lui faire la cour l'étonnait et le fatiguait. Le roi ne rougissait pas de l'appeler petit frère. Il le fit un jour dîner en tiers avec lui et la marquise. L'événement le plus important n'aurait pas fait plus de bruit. à la cour.

il lui ouvrait le trésor royal. Mais ce ministre avait de grandes vues : résolu d'attaquer les priviléges du clergé, il avait besoin de tout le crédit de la marquise pour le soutenir dans une lutte si périlleuse. Le comte d'Argenson, secrétaire d'État de la guerre, était en secret jaloux de l'ascendant que prenait Machault, et se proposait de contrarier tous ses plans. Comme il avait des talens distingués dans l'administration, il espérait se rendre nécessaire au roi et indépendant de la favorite. Le comte de Maurepas, secrétaire d'État de la marine, quoiqu'il fût de tous les ministres celui qui avait le plus long usage de la cour, mettait de la vanité à braver les maîtresses du roi, et à les désoler par des traits satiriques. Une épigramme outrageante pour les charmes de la marquise, courut dans le public, et fut attribuée au comte de Maurepas; la vengeance 1749. fut prompte, il fut renvoyé, exilé. Il se consola de sa disgrâce en se livrant à des goûts frivoles que, pour le malheur de la France, il n'oublia point lorsqu'un jeune monarque lui confia les rênes de l'État. La marquise commençait à croire qu'il n'y avait pour elle de sûreté qu'avec des protégés peu connus à la cour, et elle fit donner la marine à

Avril.

Rouillé. Elle alla bien plus loin que madame de Maintenon dans son goût pour les hommes médiocres. Le chancelier d'Aguesseau se maintenait par la dignité de son nom, et affectait d'ignorer des intrigues auxquelles il voulait rester étranger.

position de

mar→

quise de

Pompadour.

La famille royale n'offrait qu'un aspect Faible opinsignifiant. La reine, plus patiente et plus la famille résignée que jamais, n'était guère connue tre la mur que des pauvres. Le dauphin, toujours frappé d'une disgrâce secrète, paraissait découragé. Ce prince, jusqu'au moment où il avait inspiré des ombrages à son père, avait annoncé des qualités brillantes; mais quand il se vit soupçonné et presque haï, sa vivacité fit place à un morne recueillement. On ne pénétrait pas aisément son caractère. Il témoignait un froid mépris à madame de Pompadour (a); celle-ci, intimidée en sa pré

(a) Lorsqu'en 1752 la marquise de Pompadour obtint le tabouret et les honneurs de duchesse, le dauphin, forcé de lui donner l'accolade de céré~ monie, fit un geste de dégoût outrageant. Peu s'en fallut que le roi ne l'en punît par l'exil. La marquise, peu de temps auparavant, avait donné une fête magnifique pour célébrer la convalescence de ce prince après une maladie sérieuse. Elle avait fait représenter, dans un feu d'artifice, un dauphin lumineux, contre lequel différens monstres vomis

[blocks in formation]

sence, le peignait au roi comme un prince ambitieux qui se faisait un parti dans l'Etat en s'appuyant des jésuites et du clergé; qui achetait par des aumônes abondantes la faveur de la multitude; qui se vouait avec une extrême ardeur aux études de l'homme d'Etat, dans un impatient désir d'exercer le pouvoir; enfin, qui mettait de l'ostentation dans la régularité de ses mœurs pour condamner la conduite de son père. Les courtisans ne montraient au dauphin (a) que dụ respect sans aucune espèce d'empressement. Ceux qui affectaient de le braver et de déprécier son caractère étaient sûrs de la plus haute faveur. Il n'y avait pour lui d'autre moyen de jouer un rôle politique, que de se mêler des affaires du clergé et du parlement; il le fit avec persévérance, mais sans

du

saient des flammes, et qui finissait par les exterminer. Une idée aussi triviale, et qui était même une inconséquence, vu l'inimitié qu'on soupposait entre elle et le dauphin, décèle le mauvais goût de cette favorite.

(a) Le duc de Châtillon, gouverneur du dauphin, qui vivait exilé depuis la scène de Metz, n'eut pas honte de recourir au crédit de la marquise pour faire cesser sa disgrâce, et mourut et mourut peu de jours après s'être avili par cette démarche.

« AnteriorContinuar »